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« Il
est fort inutile que l’autorité se mêle d’encourager ce qui est nécessaire.
Il lui suffit de ne pas l’entraver ».
Benjamin
Constant
Il
y a vraiment en France un culte autant omniprésent qu'envahissant de l’Etat
et une mise en scène du discours de l’Etat. On voudrait croire que ce qui
était impossible hier devient impossible aujourd’hui parce que l’on a changé
de président de la République. En 1981, les français descendent dans la rue
en liesse pour saluer l’élection de Mitterrand : enfin, la vie va changer car
telle était le slogan des socialistes « changeons la vie » ! Finalement,
au-delà du combat réellement virulent dans lequel s’inscrivent les candidats
de tout parti, on retrouve un même discours destiné à présenter le politique
comme un régulateur sinon comme un sauveur.
L’Etat doit nous protéger de tout : de la
mondialisation, de l’alcool, des sectes, de la concurrence déloyale, de la
vie, de la science et ses dérives. La lecture de la Une du journal « Le
nouvel Economiste » (édition n° 1420) est à révélatrice de notre attachement
viscéral en la croyance à la capacité régulatrice de l’Etat. L’éditorial
annonçait la couleur avec le titre « Une économie plus politique ».
Selon l’édito en question, il appartient « Au Politique de reprendre la main
et de réaffirmer ainsi sa primauté sur l’Economique ». Dès la première page,
la finance est présentée comme une « créature » dont le pouvoir politique
devrait reprendre le contrôle.
Plus
bas, un article sur la grande distribution interroge : « l’Etat, nouveau
grand commandeur ? ». L’Etat, l’Etat, toujours l’Etat et rien que l'Etat.
Heureusement, Le Nouvel Economiste n’est tout de même pas l’Humanité et
rendons hommage à son édition n° 1418 qui consacra une étude passionnante sur
la situation culturelle de la France. Les auteurs reconnaissent que cette
prétention de l’Etat à tout régenter n’est pas sans conséquence sur notre
moindre rayonnement culturel. Même en ce domaine, le tout-Etat
tue l’innovation et la créativité, et « l’art doit apprendre à être moins étatico-dépendant » (Le Nouvel Economiste n° 1418).
On
apprend (mais serait-ce un scoop pour un libéral) que ceux qui sont chargés
de répartir les subventions à tel ou tel projet culturel ne sont ni les plus
compétents (en matière culturelle) ni les plus désintéressés (électoralement
parlant). On retrouve les mêmes aberrations dans les critères d’allocation de
l’argent public pour les projets de recherche. Et même quand les
fonctionnaires, chargés d’allouer l’argent public, sont d’une grande qualité
et d’une grande probité, c’est le mode de fonctionnement même des structures
centralisées qui les met en situation d’asymétrie d’information : « De
commissions en inspecteur à la créativité, le maquis bureaucratique a
transformé l’art en une machine à distribuer des subventions ». Le pire
est que cela n'empêche pas les grèves récurrentes des intermittents du
spectacle en pleine saison touristique. Hélas, ce n’est pas propre à l’art,
mais à tout les domaines que l’Etat va phagocyter.
La qualité des personnes n’est pas en cause, c’est dans la nature même des
organisations centralisées.
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