Boeing a enregistré bien plus
de commandes au cours du premier trimestre de cette année que son rival
Airbus, qui a souffert entre autres de délais pour son A350 et de volumes de
ventes décourageants pour son A380. A la veille du salon de l’aéronautique
ILA Berlin, le PDG d’Airbus Fabrice Brégier a fait
entendre sa voix contre cette ridicule injustice. Fidèle au cliché français,
il a demandé à la BCE de faire le nécessaire et de dévaluer l’euro. Pour
supporter les exportations. Particulièrement celles d’Airbus.
La dévaluation monétaire était
la solution favorite de la France alors que le franc était encore en
circulation. Par exemple, après une série de dévaluations survenues après la
seconde guerre mondiale, la France a réévalué le franc en 1960, à hauteur de
100 anciens francs pour un nouveau franc. Des zéros ont été rayés, des
nouvelles pièces frappées de dessins qui inspiraient la confiance sont entrés
en circulation, et la danse a recommencé. Au cours des quarante années qui
ont suivi, jusqu’à ce qu’il soit remplacé par l’euro, le nouveau franc a
perdu 88% de sa valeur. La France a continué de traîner derrière l’Allemagne en
matière de puissance industrielle. L’Allemagne possédait une devise forte.
Voilà à quoi ressemble la politique monétaire de la France, lorsqu’elle se
retrouve livrée à elle-même.
La BCE « doit regagner sa
crédibilité monétaire », a dit Brégier,
se rappelant certainement du bon vieux temps, du franc et de son destructeur
en série, la Banque de France. Il a pointé du doigt les Banques de Chine et
du Japon, qui ne cessent plus d’imprimer de l’argent. Aucune des banques
centrales n’a placé la dévaluation de sa devise dans sa liste d’objectifs à
accomplir. Mais c’est toutefois ce qu’elles ont fait, avec le dollar et le
yen se pourchassant en bas du tableau. Les citoyens américains et japonais
ont payé le prix de la dévaluation de leur devise, bien que Brégier se soit bien gardé de le dire. Quelle importance ?
Personne n’en, parle. C’est un sujet tabou. La dévaluation des devises et l’inflation
sont des objectifs risibles à atteindre dans le plus grand silence sans
caresser leurs victimes à rebrousse-poil.
Brégier a dit considérer la force de l’euro
face au dollar comme la principale menace pour sa société, et s’est lamenté du
fait que les suggestions de taux de dépôts négatifs de la BCE n’aient
enregistré aucun résultat. « Politiquement, l’Europe doit faire ce qui
est en son pouvoir pour rendre cela possible », a-t-il ajouté, son bonus
de fin d’année à l’esprit.
Mais quelques jours avant qu’il
ouvre la bouche à Berlin, Natixis, la division de
gestion d’actifs et d’investissement de la deuxième plus grosse banque
française, Groupe BPCE, a publié un rapport le
contredisant.
A dire vrai, depuis le début
de la crise, la zone euro a enregistré une hausse de son surplus de compte
courant. Et ironiquement, malgré les protestations de Brégier,
plus l’euro est fort, plus ce surplus grimpe :
Natixis a expliqué que ces surplus de compte
courant ont contribué au renforcement de l’euro, en parallèle aux
investisseurs qui ont transformé de la nouvelle monnaie imprimée par la Fed
et la Banque du Japon en actifs financiers européens, en faisant ainsi
gonfler la valeur. L’étude conclut par ce dont tout le monde peut s’apercevoir
en observant simplement les chiffres : l’appréciation de l’euro n’a pas
réduit les surplus de compte courant.
Mais il y a eu des écarts entre
les pays. Selon Natixis, les exportations de l’Allemagne,
entre autres, ne sont pas sensibles au taux de change de l’euro en raison du
niveau de sophistication que le pays est capable de fournir.
Les exportations des autres
pays sont en revanche sensibles au taux de change de l’euro, bien que
certains, comme l’Espagne et le Portugal, bénéficient de leur compétitivité
des prix plus élevée – salaires très bas – et ont enregistré une forte hausse
de leurs exportations. D’autres, comme l’Italie, ont vu leur dette externe
atteindre des plafonds, et leurs déficits de compte courant ne peuvent plus
augmenter. Si le renforcement de l’euro portait à mal leurs exportations, la
demande domestique en importations doit être contractée pour prévenir
davantage de déficits d’apparaître.
La France, explique le
rapport, a un problème de compétitivité (le coût du travail a continué de
grimper plus rapidement que la sophistication de la production) et un problème
de profitabilité, qui affaiblit non seulement les exportations, mais aussi
les investissements. Et ce n’est pas la faute de l’euro ou de la manière dont
la BCE agit dans le cadre de la guerre des devises, mais bel et bien les
politiques employées par la France.
Alors quand Brégier se plaint du fait que la dévaluation de l’euro « est
la condition du développement industriel et de la hausse des exportations en
Europe », il ne fait qu’attiser la guerre des devises et tenter d’influencer
la BCE dans cette direction. La dévaluation de l’euro renforcerait la
profitabilité papier d’Airbus, puisque ses ventes en dollars seraient converties
en un euro plus faible, et donc plus d’euros. Mais des gens en paieraient le
prix, et comme l’explique Natixis, « il ne s’agit
pas d’une question de développement industriel ». Le coup tiré par Brégier a fini dans son propre pied.
La dévaluation permettrait à
la France de colmater ses problèmes d’économie et de politique monétaire.
Mais comme par le passé, la situation se transformerait en des dévaluations
en série, et en la destruction des salaires et de l’épargne, de la même
manière que la Fed a détruit les salaires et l’épargne des Américains des
années durant. Mais Brégier devrait garder à l’esprit
que s’il est une chose que la dévaluation du dollar était supposée accomplir –
éliminer le déficit commercial des Etats-Unis – c’est exactement celle qu’elle
n’est pas parvenue à accomplir.
Un conflit tout autre se
développe depuis des mois, opposant la France aux Etats-Unis. Le gouvernement
français vient de décider de vendre deux navires de guerre à la Russie,
malgré les menaces des Etats-Unis. Lisez ceci France
Thumbs Nose at Obama Over Sanctions: Will Deliver
Two Warships to Russia