Les
gouvernements de droite comme de gauche tiennent toujours le même
discours : Nous pouvons être complémentaire voire faire
mieux que les marchés ! Tous les arguments interventionnistes
reposent sur la même base. Les marchés sont jugés inefficaces
à rendre un service universel de
qualité.
L’argumentaire
interventionniste critique le raisonnement économique selon lequel les
profits et les pertes inciteraient toujours les entreprises à
étendre leur production au maximum. Au contraire, cette incitation ne
suffit pas et nombre de consommateurs se voient ainsi
« exclus » du marché. Il faut alors les « intégrer »
par le biais de l’action non-économique, celle qui fait fi des
profits et les pertes.
Ceci
révèle une profonde incompréhension du calcul des
profits et pertes et de ce qu’il révèle aux
entrepreneurs. Un profit ne se réduit pas au calcul d’un
excédant sur les coûts de production. Quand un profit est
comparé à son coût d’opportunité –
c’est-à-dire, au gain alternatif que l’entrepreneur aurait
pu réalisé s’il avait
utilisé ses ressources à la réalisation d’un autre
investissement – il peut
signaler l’importance sociale de la production réalisée
par l’entrepreneur. Le fait qu’il obtienne un profit supérieur
à ce que toute alternative aurait pu lui apporter, signifie que les consommateurs
l’ont choisi et ont donc mis à sa disposition des ressources
supplémentaires l’incitant à rester sur cette voie et
même encore d’aller plus loin. Si le profit n’est pas
supérieur aux alternatives, le signal est clair. L’entrepreneur
a réussi à récupérer un peu plus que le capital
qu’il a investi, mais il aurait pu faire mieux pour la
société en investissant ailleurs. La prochaine fois, il
n’aura peut-être pas autant de chance face à ses
concurrents plus attentifs aux signaux du marché,
c’est-à-dire, aux consommateurs.
Une perte représente
donc deux choses. Elle est un signal de l’erreur
d’appréciation des besoins sociaux par l’entrepreneur.
Elle est aussi un transfert effectif de capital. En infligeant une perte
à un producteur, les consommateurs transfèrent le capital
« perdu » par celui-ci à un producteur plus
soucieux de leurs besoins.
Il est
à remarquer que l’importance sociale donnée aux biens et
services ne se traduit pas nécessairement par des prix
élevés, mais plutôt par des recettes
élevées par rapport aux coûts de production. Ainsi, quand
l’utilité sociale de certains biens s’avère primordiale
pour les individus, ils attirent un nombre colossal de consommateurs, parfois
pendant des millénaires. Ce faisant, les profits accumulés au
fil du temps vont permettre d’améliorer la productivité
de la structure de production ces biens. C’est ainsi que des
denrées de base comme les céréales, le sucre, le sel, et
les viandes peuvent aujourd’hui être obtenues à
très bon marché.
La production
des biens considérés comme « superflus »
confirme l’explication ci-dessus. Si ces biens ne sont produits qu’en
quantités limitées ou pour des niches des consommateurs,
c’est parce que leur importance sociale, leurs recettes, ne provient que
d’un nombre limité de consommateurs au sein de la
société. Leur coût de production, souvent
élevé, se traduit par des prix élevés pour les
consommateurs. Ces prix doivent en fait être plus élevés afin
d’indiquerleur plus grande importance sociale
par rapport à ces produits qui attirent la très grande
majorité des consommateurs. Si la niche des consommateurs veut s’assurer
un accès à ces produits « superflus »,
ils doivent en fait payer le prix fort pour leurs préférences.
Cette
description met en évidence un élément auquel nous
sommes confrontés en permanence, à savoir la rareté des
ressources par rapport à nos besoins. Les producteurs sont sans cesse confrontés
à cette rareté des biens qui ont des usages alternatifs.
L’usage qu’ils donnent aux ressources dont ils disposent
n’est que le résultat d’une estimation des profits et
pertes que les consommateurs seraient prêts à leur infliger. Rien
d’étonnant donc à ce que la plus grosse partie du capital
productif mondial soit investie dans la production de nourriture, de vêtements
et de logements.
L’absence
de signaux de profits et de pertes ne rend pas impossible la production de
biens et de services pour la société. Néanmoins, il est
difficile de concevoir comment le fait de produire à perte peut
permettre de consolider la richesse sociale. La production à perte
implique une réduction du capital productif à chaque exercice. En
conséquence, la cadence de production se réduit
jusqu’à néant. Ceci n’est pas idéologique ou
théorique, c’est la réalité de la production.
Nos dirigeants
interventionnistes se trouvent donc face à deux pièges. Le
premier consiste à vouloir augmenter les résultats positifs du
marché. Ceci conduit à réduire ces mêmes
résultats et éventuellement à éliminer tout surplus
par manque de capitaux. Le deuxième consiste à souhaiter se
substituer au marché pour faire mieux. La qualité du produit
final fournit par l’État peut bien être supérieure
à celle produite sur le marché, il n’empêche que
progressivement, le capital nécessaire au maintien de cette
qualité disparaît. Arrive un moment où elle devra
forcément baisser jusqu’à atteindre des niveaux de
qualité plus bas que ceux qui auraient pu être atteints par le
marché.
L’interventionnisme
n’est rien d’autre qu’un mirage, une illusion. Mieux vaut
s’attacher à la réalité. Elle n’est pas toujours
belle, mais elle ne ment jamais.
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