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Au-delà de ses aspects techniques et purement fiscaux, le prélèvement à la source de l’impôt pose un problème éthique fondamental. Dans l'esprit des rédacteurs de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, tout citoyen consent librement - et non subit - à l'impôt du moment que ce dernier finance le bien public, ce qui est sa seule raison d'être et son ultime justification. Avec le prélèvement à la source, c'est l'État qui consent, magnanime et dans sa grande sagesse, à laisser au citoyen, rabaisser ainsi au rang d’enfants à qui les parents laissent de l’argent de poche, ou pire de serf, la partie qu'il n'aura pas prélevé de ses revenus, ce qui constitue en fait un retour insidieux à l'ancien régime.
Le pire est qu'aucun responsable ou parti politique n'a relevé ce point fondamental, préférant ergoter sur les difficultés techniques du processus en cours. C'est dire le niveau ou le souci des responsables politiques, plus soucieux de défendre la puissance de l'Etat, dont ils attendent rentes, faveurs et avantages, sur le dos du contribuable écrasé, que de défendre les intérêts supérieurs des citoyens dont ils ne sont que les représentants.
Sous couvert de simplification se met en place un processus d’asservissement. Un citoyen libre et responsable doit déclarer ses revenus et participer au financement du bien public en proportion de ses revenus (impôt proportionnel). L’impôt a pour seul objectif le financement des dépenses publics et n’a pas été conçu et pensée comme un instrument de redistribution (impôt progressif). A vouloir courir après deux objectifs, ou à détourner l’impôt de son but, on se retrouve avec des services publics qui manquent toujours de moyens alors même que les réductions des inégalités sont un leurre. De ce fait, la tentation de l’évasion fiscale est grande si le contribuable a le sentiment de payer toujours plus pour des services publics défaillants ou qu’il ne reçoit pas en retour. Mais un contribuable, qui ne peut tricher du fait du prélèvement à la source, n’est pas un individu honnête : c’est un individu prisonnier.
Un individu libre a donc, en effet, la liberté de ne pas déclarer tous ses revenus, mais s’il est pris sur le fait à l’occasion d’un contrôle fiscal, il devra en assumer les conséquences, comme un individu responsable, puisque la responsabilité individuelle est toujours le corolaire de la liberté
.Mais on peut difficilement s’attendre à avoir des individus honnêtes si les responsables politiques et l’Etat dans son ensemble ne donnent pas l’exemple, notamment en faisant un bon usage de l’argent public, qui a d’abord été l’argent privé des contribuables, qu’ils consentent à mettre en commun et dont ils délèguent la gestion à leurs représentants.
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