« Il
y a aujourd’hui des idées fausses qui
sont puissantes et dangereuses : l’idée qu’il soit possible de dévaluer
les monnaies sans en subir les conséquences, l’idée que le système financier
soit désormais sain et solidifié, l’idée que la faible volatilité et le
niveau de prix des actions, des biens immobiliers et des obligations soient
réels, l’idée que les obligations soient une valeur sûre, et l’idée que les
institutions financières qui rencontreront des difficultés dans le futur
pourront s’en sortir sans causer autant de dommages qu’en 2008 ».
-Paul Singer
Nous avons récemment eu une
tempête sur San Francisco. Le lendemain, je me suis rendu à ma station
essence la plus proche pour faire le plein de l’un de mes véhicules. Je me
suis aperçu que le système de cartes de crédit était en panne. Et le jeune
homme derrière le guichet m’a dit que c’était « la faute des
satellites ».
Et soudainement, tout est devenu
clair à mes yeux. J’ai pu voir avec clarté la rapidité à laquelle les choses
peuvent devenir hors de contrôle. Dès que l’on réalise le manque incroyable
de redondance qui supporte les systèmes de paiement et le flux du crédit – le
choc des sociétés modernes s’installe.
Qu’il nous soit imposé par les
autorités ou par simple accident, un jour férié bancaire suffirait à faire
flamber la valeur des biens de tous les jours jusqu’à ce qu’ils atteignent
des prix relatifs à leur pénurie soudaine.
Si les gens n’ont plus
d’argent, alors la production d’énergie s’arrête. La suspension des
livraisons d’énergie forcerait les stations essence à fermer leurs portes.
Une après l’autre, des milliers d’entreprises qui opèrent sur de faibles
marges feraient faillite. Les uns après les autres, les dominos d’un système
de distribution étroitement lié tomberaient.
Personne n’est en mesure de
prédire quand ces dominos tomberont. Mais les signes avant-coureurs sont
visibles tout autour de nous.
Selon le Boston Consulting Group,
entre la dette des ménages, celle des corporations et celle des
gouvernements, le monde développé s’étouffe sous 20 trillions de dollars de
dette de plus que le niveau considéré viable de 180% du PIB.
20 trillions de dollars, c’est
plus que la plus grosse économie du monde. Et non, cela n’inclue pas les
obligations sociales actuelles et futures, qui s’élèvent à plusieurs
trillions supplémentaires.
Il n’existe aucun moyen
d’éliminer les excès.
Toutes les tentatives que nous
avons mises en place jusqu’à présent ont échoué. Nous traversons actuellement
la plus empoisonnée de toutes les interventions – des politiques barbares et
plus dangereuses que jamais – dans une société supposée civilisée.
Mais où est la politique
collective ? Appelons-la une restructuration coordonnée de la dette.
En d’autres termes, il s’agit
d’un jubilé que nous nous imposons à nous-mêmes. Ou que les banques nous
imposent, pour les banques – en le nom du peuple.
Parce que ces actions ne
seront pas sans conséquences, nous allons avoir besoin de collatéraux pour
pouvoir sauver les banques et empêcher un « effondrement ».
Nous sommes aujourd’hui
paralysés par l’analyse. Nous sommes pris au piège des interprétations des
entrailles toxiques de la finance moderne, alors que la réalité se déploie
sous la surface.
Les analyses incessantes d’une
fausse réalité ont tout d’un bateau conduit dans le sillage d’un autre.
Hypnotisés par son sillage, il ne s’aperçoit pas qu’il se dirige droit vers
l’iceberg. Ce n’est qu’une impression temporaire – bientôt, si on regarde
assez en arrière, on ne la verra plus. Nous n’avons aucune idée de la
direction dans laquelle nous allons.
Et nous ne pourrons rien faire
pour arrêter cela. Nous ne pouvons que nous préparer aux conséquences les
plus évidentes.
L’un des consultants du BCG,
Daniel Stetler, nous a récemment expliqué la
situation ainsi :
« Imaginez
une immense pile de dette reposant sur de fragiles fondations que les banques
centrales ne cessent plus de tenter de solidifier dans un dernier effort d’éviter
toute l’infrastructure de s’écrouler dans le même temps que des constructeurs
continuent d’y ajouter de nouveaux étages.
Aujourd’hui,
les banques centrales distribuent de l’argent aux institutions, qui ne sont
pas solvables, en échange de garanties douteuses porteuses d’aucun intérêt.
Ce n’est pas ce que j’appelle capitalisme.
Il
est l’objectif implicite des banques centrales que d’empêcher la pile de
dette de s’écrouler. C’est pourquoi elles font tout leur possible pour rendre
la monnaie de moins en moins chère et autorisent la spéculation et la hausse
des valeurs des actifs. Voilà qui va de pair avec leur état d’esprit de ces
trente dernières années. Malheureusement, les niveaux de dette sont trop
élevés aujourd’hui, et leurs instruments ne fonctionnent plus aussi bien
qu’ils n’ont pu le faire par le passé.
De
mon point de vue, Piketty n’a pas prêté assez attention au fait que la hausse
du niveau d’endettement rend possible une hausse du capital. Pour résumer son
idée, Piketty a observé les symptômes – le capital accru – et non la cause –
la dette.
Il
nous faut limiter la croissance du crédit et le rendre intéressant en termes
de taxes afin d’investir dans l’économie réelle et non dans la spéculation
financière. Voilà qui se produira automatiquement si nous ne rétablissons pas
des taux d’intérêt normaux. Nous, en tant que sociétés, devrions réduire
notre consommation, à l’inclusion des aides sociales, et investir plus sur
notre futur.
Le
monde dans lequel nous vivons aujourd’hui est une combine à la Ponzi. Nous espérons toujours que quelqu’un d’autre nous
refinancera. Le problème, c’est que la démographie à elle seule nous indique
que plus de gens intègrent cette combinent que n’en sortent. Cela signifie,
par définition, que cette combine touche à sa fin. Elle finira par tomber. Et
comme toujours, il sera plus facile d’expliquer pourquoi après les faits. Une
chose reste certaine : la fin de la partie est proche ».
Il y a plus de trois ans, le
BCG suggérait une taxe ponctuelle de 30% sur les actifs financiers pour
rendre les banques à nouveau solvables. Les fruits les plus accessibles
auraient bien sûr été cueillis les premiers.
Parce que plutôt que d’aller
de porte en porte à la recherche d’actifs physiques, dont seules très peu de
quantités existent, le transfert sera fait en douceur, électroniquement.
Voilà qui devrait être établi
sans bruit, mais dont les effets seront destructeurs à mesure qu’ils
s’infiltreront dans les moindres crevasses de la civilisation.
« De
nos jours, les gens savent le prix de toute chose et la valeur
d’aucune ».
― Oscar Wilde, The Picture of Dorian Gray