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Le prix de toute chose et la valeur d’aucune

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Jeffrey Lewis
Published : February 09th, 2015
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Category : Gold and Silver

« Il y a aujourd’hui  des idées fausses qui sont puissantes et dangereuses : l’idée qu’il soit possible de dévaluer les monnaies sans en subir les conséquences, l’idée que le système financier soit désormais sain et solidifié, l’idée que la faible volatilité et le niveau de prix des actions, des biens immobiliers et des obligations soient réels, l’idée que les obligations soient une valeur sûre, et l’idée que les institutions financières qui rencontreront des difficultés dans le futur pourront s’en sortir sans causer autant de dommages qu’en 2008 ».

-Paul Singer

Nous avons récemment eu une tempête sur San Francisco. Le lendemain, je me suis rendu à ma station essence la plus proche pour faire le plein de l’un de mes véhicules. Je me suis aperçu que le système de cartes de crédit était en panne. Et le jeune homme derrière le guichet m’a dit que c’était « la faute des satellites ».

Et soudainement, tout est devenu clair à mes yeux. J’ai pu voir avec clarté la rapidité à laquelle les choses peuvent devenir hors de contrôle. Dès que l’on réalise le manque incroyable de redondance qui supporte les systèmes de paiement et le flux du crédit – le choc des sociétés modernes s’installe.

Qu’il nous soit imposé par les autorités ou par simple accident, un jour férié bancaire suffirait à faire flamber la valeur des biens de tous les jours jusqu’à ce qu’ils atteignent des prix relatifs à leur pénurie soudaine.

Si les gens n’ont plus d’argent, alors la production d’énergie s’arrête. La suspension des livraisons d’énergie forcerait les stations essence à fermer leurs portes. Une après l’autre, des milliers d’entreprises qui opèrent sur de faibles marges feraient faillite. Les uns après les autres, les dominos d’un système de distribution étroitement lié tomberaient.

Personne n’est en mesure de prédire quand ces dominos tomberont. Mais les signes avant-coureurs sont visibles tout autour de nous.

Selon le Boston Consulting Group, entre la dette des ménages, celle des corporations et celle des gouvernements, le monde développé s’étouffe sous 20 trillions de dollars de dette de plus que le niveau considéré viable de 180% du PIB.

20 trillions de dollars, c’est plus que la plus grosse économie du monde. Et non, cela n’inclue pas les obligations sociales actuelles et futures, qui s’élèvent à plusieurs trillions supplémentaires.

Il n’existe aucun moyen d’éliminer les excès.

Toutes les tentatives que nous avons mises en place jusqu’à présent ont échoué. Nous traversons actuellement la plus empoisonnée de toutes les interventions – des politiques barbares et plus dangereuses que jamais – dans une société supposée civilisée.

Mais où est la politique collective ? Appelons-la une restructuration coordonnée de la dette.

En d’autres termes, il s’agit d’un jubilé que nous nous imposons à nous-mêmes. Ou que les banques nous imposent, pour les banques – en le nom du peuple.

Parce que ces actions ne seront pas sans conséquences, nous allons avoir besoin de collatéraux pour pouvoir sauver les banques et empêcher un « effondrement ».

Nous sommes aujourd’hui paralysés par l’analyse. Nous sommes pris au piège des interprétations des entrailles toxiques de la finance moderne, alors que la réalité se déploie sous la surface.

Les analyses incessantes d’une fausse réalité ont tout d’un bateau conduit dans le sillage d’un autre. Hypnotisés par son sillage, il ne s’aperçoit pas qu’il se dirige droit vers l’iceberg. Ce n’est qu’une impression temporaire – bientôt, si on regarde assez en arrière, on ne la verra plus. Nous n’avons aucune idée de la direction dans laquelle nous allons.

Et nous ne pourrons rien faire pour arrêter cela. Nous ne pouvons que nous préparer aux conséquences les plus évidentes.

L’un des consultants du BCG, Daniel Stetler, nous a récemment expliqué la situation ainsi :

« Imaginez une immense pile de dette reposant sur de fragiles fondations que les banques centrales ne cessent plus de tenter de solidifier dans un dernier effort d’éviter toute l’infrastructure de s’écrouler dans le même temps que des constructeurs continuent d’y ajouter de nouveaux étages.

Aujourd’hui, les banques centrales distribuent de l’argent aux institutions, qui ne sont pas solvables, en échange de garanties douteuses porteuses d’aucun intérêt. Ce n’est pas ce que j’appelle capitalisme.

Il est l’objectif implicite des banques centrales que d’empêcher la pile de dette de s’écrouler. C’est pourquoi elles font tout leur possible pour rendre la monnaie de moins en moins chère et autorisent la spéculation et la hausse des valeurs des actifs. Voilà qui va de pair avec leur état d’esprit de ces trente dernières années. Malheureusement, les niveaux de dette sont trop élevés aujourd’hui, et leurs instruments ne fonctionnent plus aussi bien qu’ils n’ont pu le faire par le passé.

De mon point de vue, Piketty n’a pas prêté assez attention au fait que la hausse du niveau d’endettement rend possible une hausse du capital. Pour résumer son idée, Piketty a observé les symptômes – le capital accru – et non la cause – la dette.

Il nous faut limiter la croissance du crédit et le rendre intéressant en termes de taxes afin d’investir dans l’économie réelle et non dans la spéculation financière. Voilà qui se produira automatiquement si nous ne rétablissons pas des taux d’intérêt normaux. Nous, en tant que sociétés, devrions réduire notre consommation, à l’inclusion des aides sociales, et investir plus sur notre futur.

Le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui est une combine à la Ponzi. Nous espérons toujours que quelqu’un d’autre nous refinancera. Le problème, c’est que la démographie à elle seule nous indique que plus de gens intègrent cette combinent que n’en sortent. Cela signifie, par définition, que cette combine touche à sa fin. Elle finira par tomber. Et comme toujours, il sera plus facile d’expliquer pourquoi après les faits. Une chose reste certaine : la fin de la partie est proche ».

Il y a plus de trois ans, le BCG suggérait une taxe ponctuelle de 30% sur les actifs financiers pour rendre les banques à nouveau solvables. Les fruits les plus accessibles auraient bien sûr été cueillis les premiers.

Parce que plutôt que d’aller de porte en porte à la recherche d’actifs physiques, dont seules très peu de quantités existent, le transfert sera fait en douceur, électroniquement.

Voilà qui devrait être établi sans bruit, mais dont les effets seront destructeurs à mesure qu’ils s’infiltreront dans les moindres crevasses de la civilisation.

« De nos jours, les gens savent le prix de toute chose et la valeur d’aucune ».
― Oscar Wilde, The Picture of Dorian Gray

 

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