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La quête de profit permet
d’affecter les ressources là où elles sont le plus en
demande. Dans un monde libre de l’intervention gouvernementale, cette
quête est indissociable de la satisfaction des besoins et, par
là, elle constitue l'une des plus importantes sources de
coopération humaine. Le profit ne se commande pas, il n’a rien
d’automatique. S’il n’y a pas de perdant lors d’une
transaction volontaire entre individus étant donné leur accord,
il ne s’ensuit pas pour autant un profit monétaire pour
l’un ou l’autre parti. De l’aspect monétaire
d’une transaction, il peut s’ensuivre une perte, un profit
comptable, ou encore un profit de type entrepreneurial.
Profit entrepreneurial vs taux
d’intérêt
Le profit entrepreneurial constitue
l’excédent entre le profit comptable (revenus moins
dépenses) d’une entreprise ou d’un projet et le taux
d’intérêt en vigueur. Par exemple, l’entreprise AB
possède des revenus de 100 unités et des dépenses de 90 unités.
Le taux d’intérêt en vigueur est de 8%. À partir de
ces données, on conclut à un profit comptable de 10% et
à un profit entrepreneurial de 2%, soit ((100-90)/100)-8%. Si le taux
d’intérêt est de 11% plutôt que 8%, alors il y a une
perte entrepreneuriale de 1% malgré un profit comptable. Il
s’ensuit qu’un entrepreneur ne peut se contenter d’un
profit comptable sachant qu’il peut obtenir davantage en laissant son
argent à la banque.
La quête de
profit tend à en réduire la possibilité. À force
d’investir là où les profits sont les plus
élevés, l’entrepreneur tend à augmenter les prix
des facteurs de production (terre, travail et biens en capital) et à
réduire les prix des produits qui en découlent. Cela a pour
effet de réduire le taux de rendement. Par exemple, ces dernières
années il a été profitable d’investir dans les
ressources naturelles et les métaux de base étant donné
la croissance économique de certains pays asiatiques, notamment la
Chine et l’Inde. La demande exercée par ces pays sur ces
ressources était telle que les producteurs avaient peine à fournir.
La hausse des prix de ces ressources finit par réduire les profits
relatifs à ces secteurs d’activités. Le taux
élevé de profit ne dure pas.
À
l’inverse, en évitant les secteurs où les profits sont
faibles, la demande des facteurs de production est réduite, de
même que leurs prix. L’offre des produits qui en découle
est également réduite, ce qui tend à hausser leurs prix.
Les faibles taux de profit de ces secteurs finissent donc par s’apprécier,
toutes choses étant égales par ailleurs. Par le
mécanisme des profits et pertes, le profit entrepreneurial tend non
seulement à s’uniformiser à travers les différents
secteurs d’activités, mais à disparaître pour ne
laisser que le taux d’intérêt originaire.
Le taux
d’intérêt originaire doit être distingué des
profits comptable et entrepreneurial, car il ne s’agit pas d’un
profit à proprement parler dans la mesure où l’on confine
ce terme à l’action individuelle et à celle de
l'entreprise. Il s’agit plutôt d’un ratio qui distingue
deux périodes différentes.
Comme
le souligne Murray N. Rothbard dans Man, Economy, and State:
La productivité des processus
de production n’a pas de rapport fondamental avec le rendement entrepreneurial.
Ce taux de rendement [taux d’intérêt] est relatif aux
écarts de prix entre les niveaux de production, et ces écarts
de prix tendent à s’égaliser. L’importance de
l’écart de prix, soit la hauteur du taux
d’intérêt, est déterminée… par les préférences
temporelles de tous les individus dans l’économie(1).
Pour distinguer ce taux de cet autre
intérêt qui inclut une prime de risque et par suite un profit
potentiel, on le qualifie indistinctement
d’« originaire », de
« pur » ou de « naturel ». Il
correspond moins à un profit « fondamental »
qu’à la préférence relative des individus à
consommer plutôt qu’à épargner. Dans un
marché libre de l’intervention gouvernementale, la préférence
des gens pour une consommation immédiate se traduit par un taux
d’intérêt originaire plus élevé que lorsque
leur préférence va à l’épargne, toutes
choses étant égales par ailleurs.
Taux de profit à la baisse,
richesse à la hausse
Plus les gens
épargnent et investissent, plus ils en tirent profit à long
terme. Dans cette perspective, le taux de profit moyen est sans cesse plus
faible, car il indique que les gens restreignent leur consommation
immédiate dans le but d’accroître leur consommation
future. L’investissement permet d’accroître les biens et la
structure de production, par conséquent la richesse. Seul le taux de
profit entre chacun des niveaux de production est réduit. Le profit
total est accru et plus largement distribué, et cela, sans
l’aide de l’État.
Le taux de profit est
réduit dans la mesure où l’intervention de
l’État l’est autant. À l’inverse, plus
l’interventionnisme de l’État est important, plus il tend
à hausser les profits de certains entrepreneurs. Ce favoritisme
réduit la concurrence et la capacité de production et par
conséquent s’établit au détriment des
consommateurs, soit de tout le monde. L’interventionnisme
gouvernemental est aveugle et prétentieux. On le justifie au nom
d’une plus grande justice, alors qu’il n’amène que
pauvreté et chaos. La prétention des uns à
contrôler l’égoïsme des autres est destructrice de
richesse et étiole la coopération humaine.
La quête de
profit va au-delà de l’égoïsme, car pour y arriver
l’entrepreneur doit satisfaire des consommateurs. La chaîne
causale est la suivante: la valeur des facteurs de production est
déterminée par la valeur de leurs produits, qui, à son
tour, est conférée par la demande et l’évaluation
des consommateurs. Les entrepreneurs qui pensent être en mesure
d’imposer leurs prix sont portés à disparaître,
à moins d’avoir l’aide de l’État.
Le profit et son
intérêt
Le profit n’est pas seulement
important pour l’entrepreneur, mais pour tout le monde. Dans un monde
libre de l’intervention gouvernementale, il signale l’urgence des
besoins à combler. Le profit entrepreneurial dure rarement longtemps,
car la concurrence l’effrite au bénéfice des
consommateurs. Il tend à disparaître, sans jamais y arriver
totalement, pour ne laisser qu’un taux d’intérêt
uniforme à tous les secteurs d’activités. Si la
préférence temporelle des gens est à
l’épargne, l’intérêt monétaire sera
bas et par là indiquera à l’entrepreneur qu’il est
temps d’investir pour tenter de satisfaire davantage leurs besoins.
À
l’instar des prix établis volontairement, le profit et
l'intérêt servent de guide à l’entrepreneur quant
à l’évaluation, par les agents économiques, des
différents secteurs d’activités et quant aux choix des
consommateurs. Malheureusement, ces guides sont brouillés par les
agents de l’État qui voient en l’entrepreneur un
concurrent dérangeant. Ces partis se font effectivement concurrence,
mais en utilisant des moyens diamétralement opposés. Pour
servir, l’un cherche le profit, l’intérêt et
l’accord de chaque individu, tandis que l’autre utilise
l’impôt, la taxation et la coercition. L’un conduit
à la coopération, l’autre, à la division sociale.
Le premier amène richesse, le second, pauvreté.
1.
Il s’agit d’une traduction libre du
texte suivant: « Thus the productivity of production processes has
no basic relation to the rate of return on business investment. This rate of
return depends on the price spreads between stages, and these price spreads
will tend to be equal. The size of the price spread, i.e., the size of the
interest rate, is determined, as we have seen at length, by the
time-preference schedules of all the individuals in the economy. »
Man, Economy, and
State (2001), p.
363.
André Dorais
André
Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à
Montréal.
Les vues présentées par l’auteur
sont les siennes et peuvent évoluer sans qu’il soit
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