« Si tu ne sais pas quoi faire cet été, que l’ennui te guette, si tu as un trou dans ton emploi du temps, si, toi aussi, tu es salement victime du racisme d’État (et quoi que cela puisse être), nous avons une solution : toi aussi, participe à notre Grand Camp d’Été de Décolonisation strictement interdit aux Blancs. Et si tu es blonde à forte poitrine, tu peux venir aussi ! »
Oui, je sais, certains peuvent être choqués à la lecture du paragraphe précédent.
Certains seront évidemment choqués par la découverte que des individus réussissent à avoir un trou dans leur emploi du temps. En ces temps modernes où notre attention est sans arrêt accaparée, une telle occurrence semble impossible voire presque indécente. D’autres seront tourneboulés de voir qu’on peut encore écrire des saillies machistes sur les blondes à forte poitrine alors que tout, dans ce siècle et en France en particulier, a déjà été fait pour éradiquer ces comportements abominables. On pourra probablement trouver quelques individus interlopes réfrénant un hoquet en apprenant qu’on peut ainsi faire un camp d’été sur la « décolonisation », pendant que d’autres paniqueront à l’idée qu’il existerait un racisme d’État.
Et bien sûr, si vous êtes choqué par l’interdiction faite aux Blancs de participer à ce happening citoyen, festif, et trié sur le volet, vous pouvez bien aller vous faire brosser.
En tout cas, une chose est absolument certaine : si mon premier paragraphe ne déclenche pas quelques apoplexies et la haine viscérale d’un quarteron de gauchistes, ce ne sera pas faute d’avoir essayé. Mais, d’un autre côté, j’admets bien volontiers n’être qu’un petit joueur à ce pathétique jeu-là : ceux qui l’ont lancé trottinent depuis bien trop longtemps dans cette dimension parallèle pour que je puisse avoir l’espoir de les rattraper.
Pour le cas qui nous occupe, tout commence il y a quelques jours, au milieu de ces Nuits de Boue où la fine fleur de nos étudiants marxisés tentent de refaire le monde à coup de psychotropes pas tous légaux et d’actions aussi vagues et inopérantes que possibles. Parmi eux, au milieu de la grande majorité de branleurs d’innocents grégaires aux buts timidement sexuels, on retrouve bien sûr les éternels habitués des luttes (peu importe lesquelles) dont certain-e-s se font fort de chercher l’idée qui leur permettra de rassembler quelques ouailles obéissantes pour enfin former un mouvement capable de déclencher l’attention médiatique et, de fil en aiguille, s’assurer une part de pouvoir ou, au minimum, un levier de nuisance.
Dans ce cadre, on ne peut qu’admirer la tentative de deux militantes parfaitement raccord avec la couleur rougeoyante typique de ces manifestations houblonnées aux senteurs de merguez d’habitudes caractéristiques d’émanations syndicales : Fania Noël et Sihame Assbague, en lançant leur Kamp d’État pardon Camp d’Été de Décolonisation, ont réussi a faire un peu parler d’elles. Notons que nos deux impétrantes ne sont pas complètement novices en la matière. La deuxième se présente comme une farouche militante antiraciste et se déclare proche du PIR, ce qu’une courte réflexion permet de confirmer (le PIR étant bien sûr à venir, puisqu’il s’agit du Parti des Indigènes de la République). Quant à la première, elle revendique haut et fort d’être afro-féministe anti-capitaliste anti-colonialiste anti-impérialiste anti-mixité, ce qui lui donne des cartes de visites au format Michelin, et fait partie du collectif MWASI, prouvant au-delà de toute espérance pour n’importe quel humoriste à moitié compétent que nos deux protagonistes ont un talent évident pour choisir des accointances à sonorité rigolote.
Le grotesque n’étant pas mortel (et heureusement), notre sémillant attelage d’anti-tout a donc choisi d’organiser un rassemblement estival qui vise à faire « converger les luttes », « décoloniliser la gauche radicale blanche », « apprendre sur le marxisme et l’antiracisme », etc…, mais sans Blancs, merci, ces derniers n’étant pas, jamais, victimes de racisme, et surtout pas de racisme d’État dont la définition, d’un collectif à l’autre (mwasi ou pas), varie suffisamment pour qu’on ne soit jamais exactement sûr de ce dont on parle.
Ici, bien sûr, je pourrais épiloguer quelques paragraphes sur l’idée de base, relativement nauséabonde, qui consiste à constituer un groupe essentiellement basé sur une discrimination raciale dont l’activité consistera en substance à inciter à la haine d’un autre groupe de personnes. On a déjà vu ça, tout comme on continue de voir s’installer une forme subtile de racisme naissant sur le terreau d’un anti-racisme de combat particulièrement virulent, forme subtile qu’on retrouve affichée avec une décontraction assez déconcertante dans certains journaux ou magazines. Du reste, ces mouvements ne sont pas les premiers dans l’Histoire, et il est assez difficile d’imaginer que cela se termine bien, d’autant plus s’ils en appellent à l’action qui a toutes les chances de tourner violente lorsqu’il s’agira de bien faire comprendre son poing de vue. La différence avec n’importe quel autre groupe d’action fasciste sera alors bien mince.
Cependant, force est de constater qu’aussi fétides ces idées soient-elles, et aussi méphitiques les discours qui les enrobent, tout cela n’en reste pas moins encadré dans la liberté d’expression que, normalement, tout le monde devrait chérir en France. Contentons-nous simplement de remarquer qu’une telle liberté de ton, une telle violence et une telle discrimination seraient absolument impossible à afficher pour un groupe de Blancos, de White comme dirait Manu le Premier. Cette liberté-là n’est plus qu’à sens unique en République Française.
Oui, il y aurait de quoi écrire.
Mais plutôt que ce thème, évident, j’aimerais surtout pointer que ces discours, aussi virulents (et, soyons lucides, aussi stupides) soient-ils, n’en restent pas moins les suites logiques d’une déliquescence complète de la pensée de gauche traditionnelle, avatars d’une métastase cancéreuse carabinée : à force de vouloir égaliser tout le monde tout en tenant compte, paradoxalement, de la moindre petite parcelle de différentiation possible afin d’obtenir qui une prébende, qui un maroquin, qui un privilège, qui une facilité ou qui une exposition médiatique, on en arrive à ce que j’avais précédemment décrit comme la lutte du Camp du Bien contre le Camp du Bien dans un précédent billet, où tous les miasmes du marécage socialoïde s’accusent les uns les autres de provoquer les PIR pires maux.
Or, si l’on peut certainement pouffer devant le ridicule achevé de ces guerres picrocholines derrières lesquelles se dessinent surtout de petites luttes de pouvoir malsaines pour obtenir exposition médiatique et/ou fonds publics (selon les cas), on ne peut pas non plus passer à côté de l’aspect clivant de ces imbécillités répétées un peu partout, sur les plateaux télés, en radio, dans les journaux ou au travers de ces pensums dont on nous assomme régulièrement.
L’absence dramatique de toute colonne vertébrale aux mouvements politiques en France laisse un vaste champ d’expériences possibles, notamment à l’extrême-gauche, là où elles ont toujours été bouillonnantes mais jusqu’à présent contenues par des appareils un minimum outillés pour les canaliser. Concrètement et de façon progressive, on assiste à un phénomène inquiétant où les franges extrêmes du pays se radicalisent encore plus qu’elles ne l’étaient déjà, et l’affichent de plus en plus ouvertement, quasiment prêtes à en découdre, physiquement.
La non-réaction de l’État, ou, pire encore, sa réaction biaisée et asymétrique n’augurent rien de bon pour l’avenir proche.
Tout ceci va très bien se terminer.