Danièle Nouy,
qui dirige le Mécanisme de supervision unique, le nouveau régulateur bancaire
de la BCE qui n’a pas encore vu le jour, a trouvé la solution
parfaite aux problèmes des banques européennes, ces boîtes noires
scellées dont personne n’est supposé soulever le couvercle :
« rétablir notre réputation et notre crédibilité », et faire
« tout notre possible » pour que le secteur bancaire « puisse
être perçu comme sûr et transparent ».
« Etre perçu
comme »…
Perception et confiance,
fondées sur la « crédibilité et la réputation ». Oubliez la
réalité. Parce que si la réalité avait une quelconque importance, beaucoup de
ces banques, fourrées d’actifs en décomposition jusqu’aux étages
directionnels, s’effondreraient et les plus grosses emporteraient avec elles
l’Espagne, l’Italie et même la France. Mais certaines des banques plus
petites seraient autorisées à faire faillite – elle ne sait pas combien
« combien », mais cela permettrait un renouveau de la
« crédibilité et de la réputation » du régulateur et de la
perception des banques restantes comme « sûres et transparentes ».
Hélas, ces banques ont été
sapées par des prêts toxiques. Les compagnies qui ne peuvent plus rembourser
leurs prêts devraient être autorisées à faillir et forcer les banques à
endosser leurs pertes. Et c’est exactement ce que les banques ne peuvent pas
se permettre de voir arriver. Elles convertissent donc les prêts accordés à
des sociétés en faillite et nouveaux prêts à plus long terme à intérêts
moindres, ou en actions à la valeur douteuse, pour éviter d’avoir à
reconnaître et annuler ces prêts non-performants. Quand les compagnies ne
peuvent pas rembourser ces nouveaux prêts, les banques les rallongent encore
une fois et font comme si tout allait de nouveau bien sur leurs bilans.
Les outsiders ne savent jamais
vraiment ce qui se trouve sur les bilans d’une banque. Au cours des rares
occasions où quelqu’un a pu soulever leur couvercle pour laisser s’en
échapper des vapeurs de putréfaction d’actifs, des banques se sont
effondrées. Ce n’est qu’après ce genre d’évènements que les outsiders sont autorisés
à venir mettre leur nez dans les détritus, et ce qu’ils y découvrent n’est
qu’un trou béant qui devra être rempli par les contribuables.
Les quantités de prêts
continuellement rallongés sont gardées secrètes en Europe, par peur que le
simple fait que le public en entende parler suffise à ébranler quelques
banques, réduire les profits de quelques autres, et mettent en colère des
directeurs étouffés d’amour et de récompenses financières. Bien que certaines
banques publient des détails de leurs bilans, un tiers des 39 plus grosses
banques de la zone euro, dont 4 des 10 plus grosses – Société Générale, BNP
Paribas, Crédit Agricole et Commerzbank – ne laissent selon Bloomberg
rien paraître de leurs gigantesques portefeuilles d’apparences et de
faux-semblants.
Les banques prouvent de leurs
profits en attachant entre autres une valeur créative à leurs actifs. Evaluer
les mauvais prêts en fonction de leur valeur nominale est une technique
qu’elles utilisent beaucoup. Quand elles disposent de capital pour endosser
une perte, elles le font en toute discrétion. Autrement, les prêts toxiques
s’accumulent et engendre de nouveaux prêts pour faire naître des banques
zombies.
La BCE veut désormais semer le
chaos au sein de cet ordre établi, fouetter les 128 plus grosses banques
d’Europe et en extraire des informations au sujet de ces prêts
non-performants. Le fait que les banques de différents pays jugent différents
prêts comme non-performants en fonction de ce qui les arrange ne fait rien
pour arranger les choses. Mais d’ici la fin de cette année, elles seront
forcées d’adopter des standards communs. Des inspecteurs de la BCE viendront
fouiller leurs bilans.
Et des tests de stress seront
menés, qui ne seront cette fois-ci pas des blagues. Avant, des banques
s’effondraient quelques mois après avoir passé des tests de stress. Cette
fois-ci, les banques, comme l’a dit Mme Douy si
éloquemment, « seront perçues comme sûres et transparentes ».
Perçues comme…
Le nouveau régulateur aura
cependant du mal à persuader les sceptiques. Il se trouve que 27 banques
risquent de ne pas passer le test de stress, dont les résultats seront
publiés en octobre. Parmi elles : huit banques allemandes dont
Commerzbank, qui a été renflouée, la Banque nationale grecque, les banques
italiennes Credito Valtellinese,
Banca Carige, et Monte
dei Paschi di Siena, Liberbank en Espagne, pays qui a déjà bénéficié d’un plan
de sauvetage bancaire de 41 milliards d’euros. Mais ce ne sont là que les
estimations de Bloomberg. Personne ne peut en être certain.
Les banques qui ne passeraient
pas le test devraient récolter des fonds, d’abord par le biais
d’investisseurs – ou de bail-ins ? – et puis
de l’argent public « disponible », a expliqué le vice-président de
la BCE, Vítor Constâncio.
L’argent public est toujours disponible au sauvetage des banques.
« L’objectif, a-t-il dit, est de mettre fin
aux doutes quant aux banques européennes ».
Ce que les banques européennes
ont révélé jusqu’à présent laisse à désirer : un trillion d’euros de
prêts non-performants en juin. 6,7% des prêts ! 6% de plus que l’année
précédente ! Et les six plus grosses banques qui ont publié des
informations relatives à leurs prêts
Qui sait ce qui sera encore
dévoilé.
Les prêts non-performants des
banques italiennes atteignent 9,1% des prêts totaux, a admit le gouverneur de la Banque d’Italie Ignazio Visco. Ces banques
tentent désespérément d’obtenir des fonds en vendant des actions et réduisant
leurs coûts pour augmenter leur capital et pouvoir survivre les tempêtes de
la réalité. Mais cela pourrait ne pas suffire pour les sauver, et Mr Visco a parlé « d’interventions plus
ambitieuses ». Les contribuables s’accrochent déjà à leurs portefeuilles.
Entretemps, la Commission
européenne tente de régler le problème de son côté. Elle révise
actuellement la pertinence de ses règles de capital et de liquidité dans le
but de les diluer toujours plus. Elle cherche une nouvelle façon d’évaluer
les actifs des banques, et toute notion de juste valeur, ou ce qu’il en
reste, est en passe de passer par les fenêtres. Soigner les bilans des
banques est encore le moyen le plus efficace pour repousser le problème à
plus tard. Mme Nouy, avec toute l’éloquence d’une eurocrate accomplie, a annoncé que « tout
devrait être fait » pour que les « jeux de miroirs que sont le
secteur bancaire apparaissent surs et transparents ».
Les banques françaises sont en
face d’une économie déclinante et sans croissance dans 5 des derniers 8
trimestres. Pendant que le secteur dominant du gouvernement fonctionne à
plein régime, les records de faillites d’entreprises sont battus chaque mois.
A lire (en anglais) : No Crisis? France’s Private Sector
In Deeper Trouble Than In 2009