Tout ceci peut sembler surprenant pourtant il faut dire et redire que la démondialisation c’est reprendre ce qui a été pris. Aller chercher les emplois là-bas c’est les enlever pour les remettre ici. En clair, cela veut dire dans tous les cas que l’on déshabille Paul pour habiller Jacques ou l’inverse.
En faisant cela, on fait basculer les taux de croissance de l’un à l’autre.
Si on le fait de façon brutale, cela, évidemment, a des conséquences sur la croissance en général.
C’est pour cela que la démondialisation ne peut être qu’un processus symétrique à ce qu’a été la mondialisation qui ne s’est pas faite sur un mois, mais sur 25 ans ! Il en sera de même pour la déglobalisation.
Trump ne fait qu’amorcer un mouvement qui sera durable et plein de soubresauts.
Qui l’eût cru ? Il semblerait que le pari de voir Trump tenir toutes les promesses que vous aimez (baisses d’impôts, investissements dans les infrastructures) tout en mettant discrètement de côté toutes les promesses folles que vous désapprouvez (barrières douanières, contrôle strict de l’immigration) n’est plus gagnant à 100 %.
Après tout, c’est ce scénario qui a provoqué la hausse des marchés américains jusqu’à des niveaux records depuis l’élection du Donald à la fin de l’année dernière. Jusqu’à mardi, lorsque les actions se sont mises à baisser.
Baisse qui semble avoir été provoquée par les soucis tournant autour de la réforme d’Obamacare. Ce n’est pas tant l’Affordable Care Act qui inquiète les investisseurs. Mais plutôt le fait que cela pourrait peut-être dire que Trump aura bien plus de difficulté que prévu à tenir ses autres promesses. À savoir les baisses d’impôts, tout en haut de la liste de Wall Street, juste derrière les investissements dans l’infrastructure pour doper l’économie.
Une enquête récente de Bank of America Merrill Lynch a mis en évidence que seulement 10 % des gestionnaires pensent que Trump sera en mesure de faire passer sa réforme de la fiscalité au Congrès avant la fin de l’été.
L’optimisme bouillonnant des premiers mois de la présidence Trump semble se muer en croyance plus pragmatique que ses excès les plus fous seront contenus par son propre parti au Sénat. Mais il existe au moins la possibilité que les efforts visant à contenir l’agenda domestique de Trump le poussent à doubler la mise du côté de ses ambitions protectionnistes.
Du côté de certaines firmes de Wall Street, on commence clairement à se faire du mouron. Au début de ce mois, Morgan Stanley a publié un rapport concernant les risques du protectionnisme pour le secteur technologique, en affirmant qu’il n’était pas « intégré dans les valorisations et sous-évalué ».
Les sociétés technologiques sont clairement en première ligne face à ces nombreux risques. La majorité de la fabrication des gadgets qu’utilise la planète, même ceux des marques américaines, a lieu en Asie. C’est d’ailleurs la raison principale de l’énorme balance commerciale déficitaire de l’Oncle Sam. La question de savoir si c’est un problème ou pas est un débat compliqué, mais Trump estime que c’en est un, donc c’est que ça doit l’être. La rhétorique de Trump est conçue pour rapatrier aux États-Unis la production et l’emploi industriel, qu’il pense avoir été « perdus ».
LG Electronics a annoncé la construction d’une usine d’appareils domestiques aux États-Unis ; Samsung envisage la construction d’une nouvelle unité de production ainsi qu’un investissement d’un milliard dans son usine du Texas qui fabrique des puces.
Les entreprises ne peuvent pas faire beaucoup plus, même les américaines. Apple ne peut pas vraiment rapatrier des emplois qui n’ont jamais existé aux États-Unis.
L’iPhone est assemblé par deux sociétés, Foxconn et Pegatron, qui emploient à eux deux 1 million de travailleurs sur un même site, en Chine, qui produit 200 millions de téléphones par an. Comme Morgan Stanley le note, c’est environ l’équivalent des populations combinées de Cincinnati, Pittsburgh et Saint-Louis.
De plus, les ouvriers des usines américaines gagnent environ 33 000 $ par an, tandis que leurs collègues chinois gagnent 8 000 $ (et vivent dans les dortoirs de leurs énormes usines, travaillant d’arrache-pied pour fournir les produits des grands lancements d’Apple à temps). Motorola a essayé de produire le Moto X à Fort Worth, au Texas. Mais l’usine, qui employait 3 800 travailleurs, a fermé et la production a été délocalisée en Chine en 2013.
On estime que si Apple devait faire l’inverse pour fabriquer l’iPhone aux États-Unis, son prix de vente doublerait.
Mais cette augmentation de 100 % ne serait réservée qu’aux clients américains. Trump a suggéré des barrières douanières de 45 % sur les importations chinoises et de 35 % sur les importations du Mexique. Pourquoi ces pays ne feraient-ils pas la même chose en imposant des droits de douane additionnels sur les très coûteux iPhone désormais estampillés « made in the USA » ?
Si Trump met ses menaces à exécution, Morgan Stanley affirme sans ambages ce qu’il se passera : « Cela pourrait dégénérer en guerre commerciale, ce qui compliquerait l’envoi et la vente des produits à l’étranger et déboucherait sur un fort déclin des exportations de l’Asie et en direction des États-Unis. Ce qui pourrait facilement nous plonger dans une récession mondiale. (…) »
Article de Ben Wright, publié le 23 mars 2017 sur le site du Telegraph