Pendant des siècles, voire des millénaires, la valeur de l’argent
par rapport à l’or a suivi le volume de métal disponible, variant
principalement en fonction des nouveaux gisements découverts. À partir du
milieu du XVIIIe siècle, mais bien plus franchement au tournant du XXe
siècle, la valeur de l’argent a commencé à s’étioler au profit de l’or pour
des raisons diverses, au point d’arriver aujourd’hui à un ratio avoisinant
les 1/80, ce que beaucoup considèrent comme parfaitement illogique et
sous-évalué.
Le ratio or/argent : un indicateur imparfait
Depuis 30 ans, la courbe du ratio or/argent joue au yoyo, passant
alternativement tous les 5 ou 6 ans de 1/30 à 1/80 environ. Si on se réfère à
cette courbe, d’ailleurs, la tendance serait actuellement à la baisse.
Néanmoins, ce ratio seul ne renseigne que partiellement sur l’appréciation de
l’argent métal, car lorsque le ratio baisse, cela peut être tout aussi bien
dû à une baisse du cours de l’or comme à une augmentation de l’argent plus
rapide que celle de son grand frère doré dont il amplifie très
fortement les variations. Idem dans le cas d’une augmentation du
ratio, il suffit d’inverser le raisonnement.
Disons-le tout net, même si une forte baisse de l’or reste toujours
possible, les coûts incompressibles des exploitations minières rendent très
improbable une dévaluation de l’or en dessous des 1000 dollars l’once,
d’autant que les gisements se révèlent de moins en moins rentables (à quelques
exception près). Si la valeur de l’or devait momentanément en rendre
l’extraction déficitaire, un grand nombre de mines fermeraient, entraînant
alors une forte baisse de la production… qui ferait mécaniquement remonter
les prix.
Le cours de l’argent semble décorrélé de la réalité
Pour autant, l’argent semble chroniquement stagner à des niveaux bien
trop bas au regard de ses caractéristiques bien réelles et surtout
de la situation actuelle de ce métal. Tout d’abord, on le sait désormais de
manière « officielle », plusieurs grandes banques
internationales ont sciemment étouffé la progression du cours de l’argent
(comme de l’or, d’ailleurs) afin de se constituer d’énormes stocks à vil
prix, récupérant aujourd’hui une plus-value incroyablement juteuse (qui a dit
qu’on ne pouvait pas spéculer sur les métaux précieux ?). Portant sur près de
quinze ans, cette manipulation a durablement amputé l’argent métal de son
potentiel de valeur qui peine depuis 2013 à retrouver un niveau convenable.
Le ratio actuel qui donne plus ou moins 70 onces d’argent pour une
once d’or est donc directement lié à cette escroquerie
internationale.
Et elle ne reflète surtout en rien la réalité des volumes physiquement
disponibles qui est censée sous-tendre, au moins en partie, le rapport entre
l’or et l’argent : si tout l’or extrait durant notre histoire existe toujours
plus ou moins, sous une forme ou sous une autre, la moitié de l’argent sorti
de terre dans le même temps a tout simplement … disparu !
Une valeur perçue amoindrie à tort
En effet, il semble que la démonétisation de l’argent
intervenue durant le XXe siècle mais surtout son utilisation grandissante
dans de « vils » procédés industriels sont venues corrompre son
aura de métal précieux. Pour autant, sa valeur n’en dépend pas moins
de sa rareté relative, laquelle tend à s’accroitre singulièrement
depuis quelque temps au point qu’on prédit un épuisement des
gisements naturels d’ici 2030. Dans ces conditions, n’importe quelle
autre ressource naturelle en voie d’épuisement tendrait à devenir plus
coûteuse, mais pas l’argent visiblement, qui non seulement ne vaut presque
plus rien par rapport à son homologue doré mais qui ne coûte pas grand chose
non plus en devises modernes (environ 17 dollars l’once actuellement).
De plus en plus rare tout en étant étant de plus en plus indispensable
dans les process industriels de pointe, qu’ils s’agisse de
numérique, de bio-technologie ou d’énergies renouvelables par exemple,
l’argent reste donc étrangement « accessible », ce qui fait dire à
beaucoup d’experts que nous assistons là à une anomalie dont
la correction inéluctable pourrait bien se révéler particulièrement violente.
En effet, un retour à un ratio « naturel » de 1/15
(que d’aucuns considèrent comme plus conforme à la réalité) multiplierait
le prix de l’argent par 5. Et il ne serait même pas certain que ce
ratio puisse suffire à endiguer le phénomène de rareté, voire de pénurie, qui
frappera le métal blanc d’ici une quinzaine d’années à peine.
Et quinze ans, c’est le temps qu’il reste à nos industries pour trouver
des moyens de remplacer l’argent dans de nouveaux procédés… et aux
investisseurs avisés de continuer à amasser de l’argent à moindre coût dans
l’éventualité qu’un jour sa valeur se rapproche fortement de celle de
l’or.