Nous avons tendance à croire que
le système bancaire américain n’utilise pas ses excès de réserves autant qu’il
le devrait en raison des taux d’intérêt que la Fed verse actuellement sur ces
réserves. Cette idée fausse repose sur une incompréhension du fonctionnement
même du système bancaire.
Il y a deux raisons pour
lesquelles il est erroné de penser que des intérêts de 0,50% sont aujourd’hui
versés aux banques américaines afin de les encourager à accumuler des réserves
auprès de la Fed plutôt que d’accorder des prêts risqués. La première est qu’il
n’existe aucune relation entre les prêts des banques (et la création de nouveaux
dépôts bancaires qui leur est associée) et les réserves des banques. J’ai
déjà abordé ce concept dans divers billets, comme ici, c’est pourquoi j’aimerais aujourd’hui me concentrer
sur la deuxième raison.
La seconde raison veut que le
système bancaire n’ait aucun pouvoir sur ses réserves. Une banque
individuelle peut réduire ses réserves en en prêtant une partie à une autre
banque, mais les banques n’ont dans l’ensemble aucun pouvoir sur la quantité totale
de réserves. En d’autres termes, même si le système bancaire des Etats-Unis
cherchait désespérément à réduire ses réserves collectives, il n’en aurait
pas le pouvoir.
Pour vous expliquer ce point,
sachez qu’il n’y a que trois manières de réduire les réserves du système
bancaire américain. Elles peuvent être réduites par la Fed (le Fed a le
pouvoir d’annuler des réserves), elles peuvent être partiellement réduites au
travers de l’émission de billets et pièces dans l’éventualité d’une hausse de
la demande du public en espèces, ou elles peuvent être transférées vers des
comptes gouvernementaux auprès de la Fed. Cette troisième solution ne peut qu’être
temporaire, parce que le gouvernement s’empresse toujours de dépenser l’argent
qu’il obtient. Il n’y a donc véritablement que deux manières de réduire les
réserves au sein du système bancaire : une action délibérée de la Fed ou
une demande accrue du public en espèces.
En d’autres termes, peu importe
la quantité d’argent prêtée et le nombre de dépôts de banques commerciales
créés, chaque dollar de réserve au sein du système bancaire américain
continuera d’être un dollar de réserve jusqu’à ce que la Fed décide de
changer le niveau de réserves au travers de l’ensemble du système, ou jusqu’à
ce qu’une partie intègre l’économie par le biais d’une conversion des
réserves électroniques en espèces physiques.
L’une des implications en est que
changer le taux d’intérêt que la Fed verse sur ces réserves n’affectera pas
le rythme auquel les banques émettent du crédit au sein de l’économie. Par
exemple, si la Fed faisait grimper les taux d’intérêt depuis 0,5 jusqu’à 1%,
les banques tireraient plus de revenus d’intérêts de leurs réserves, mais il
n’y aurait aucun changement en termes de nouveaux prêts, parce que les
banques toucheraient des revenus additionnels, qu’elles prêtent plus d’argent
ou non (la création d’un prêt bancaire ne réduit pas les réserves totales). Si,
plutôt que de payer les banques, la Fed commençait à leur imposer des frais
sur leurs dépôts de réserves, ce qui reviendrait à adopter des taux négatifs,
le système bancaire dans son ensemble n’aurait aucune raison d’accroître son
volume de prêts, puisqu’il ne pourrait rien faire pour éviter de payer ces
frais. Pour ainsi dire, les coûts imposés par les taux d’intérêt négatifs
réduiraient indirectement la volonté des banques d’accorder du crédit.
Sachez également que cela ne
signifie pas que des taux négatifs ne seront pas adoptés aux Etats-Unis,
notamment parce que le directoire de la Fed ne sait pas plus ce qu’il fait
que l’équipe de Mario Draghi. En revanche, l’échec évident de cette politique
au travers de l’Europe réduit le risque de voir une telle pratique adoptée
aux Etats-Unis.
En résumé, les taux d’intérêt
versés sur les réserves ne peuvent pas être responsables de la quantité de
crédit bancaire disponible. Comme je l’ai déjà dit, la seule raison pour laquelle la Fed a commencé
à verser des intérêts sur les réserves à la fin 2008 était de pouvoir garder
le contrôle sur les taux des fonds fédéraux tout en injectant de gros volumes
de dollars dans l’économie et sur les dépôts de réserve des banques.