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Autrefois, la
monnaie fiduciaire, qui prenait en outre la forme de certificats et de
billets bancaires, n'était vue qu'à titre de substitut de la
véritable monnaie qu'était l'or. Les divers certificats
représentaient autant de réclamations d'or entreposé
dans les banques. Ces certificats pouvaient être convertis en or sur
demande. Parce que les gens les trouvaient plus pratiques que l'or, les
certificats ont fini par être considérés comme l'argent
même. Du moment que les certificats d'or ont été
acceptés comme moyens d'échange, la tentation pour les
banquiers d'accroître leurs profits en prêtant davantage de
certificats qu'il y avait de monnaie métallique a été
présente. Lorsque les épargnants constataient la magouille, ils
redemandaient leur or, ce qui pouvaient entraîner les banques
frauduleuses à la banqueroute.
Dans un marché libre, la menace de faillite qui plane restreint donc
la propension des banques à émettre des certificats sans contrepartie
métallique, car la simple rumeur peut conduire les gens à
retirer leur argent de celles-ci en un rien de temps. Le problème,
c'est que le marché bancaire actuel est tout sauf libre, car les
divers gouvernements du monde encouragent les banques à prêter
sans égard à leurs réserves réelles. Le
système de réserves fractionnaires légalise même
cette fraude. La probabilité d'un écroulement bancaire mondial
s'en trouve donc proportionnellement accrue. Autrement dit, en tentant
d'éviter les faillites bancaires, les gouvernements ont crée un
système dans lequel le risque d'appauvrissement
généralisé est incommensurablement plus important que
les gains obtenus.
Centralisation et
monopolisation
Dans la première partie du 20e siècle, les banquiers et
politiciens en Amérique du Nord en sont venus à une entente
qu'ils disaient pour le bien de tous (ce processus avait commencé bien
avant en Europe). Ils ont, d'une part, créé une banque centrale
et, d'autre part, interdit toute monnaie n'ayant pas cours légal.
Ainsi, banquiers et politiciens tentent de nous faire croire que
centralisation et monopolisation riment avec justice. Encore, si le monopole
avait été établi librement on pourrait parler de
justice, mais lorsque cela est décrété par l'État,
tout ce qu'on peut en dire est qu'il est légal.
Pour se prémunir contre les certificats n'ayant aucune contrepartie
métallique, et ainsi éviter de voir les déposants se
précipiter à leurs banques pour y retirer leur argent et conduire
celles-ci à la faillite, la banque centrale s'est arrogée le
monopole de la monnaie. Le résultat est que le système bancaire
actuel fonctionne comme une seule banque, car la banque centrale émet
ses propres certificats qui remplacent ceux des banques ordinaires. En
d'autres mots, dans le but d'éviter la fraude de certaines banques, le
gouvernement en a fait un monopole. Ce qui devait arriver arriva,
c'est-à-dire que les certificats ne représentent plus que du
papier et n'ont aucune contrepartie réelle qui assure leur valeur.
Lorsque le marché bancaire était libre les banques pouvaient ou
non reconnaître les certificats de leurs concurrentes, de sorte que
lorsque survenait une crise celles qui pratiquaient honnêtement leur
métier étaient plus à même de remettre l'or aux
propriétaires légitimes. Aujourd'hui, la fraude est
érigée en système. Le papier-monnaie ayant «
cours légal », c'est-à-dire étant
imposé par le pouvoir coercitif de l'État, les banques ne sont
plus obligées de remettre quoi que ce soit d'autres que ce même
papier-monnaie, dont la valeur marchande diminue sans cesse parce que les
banques centrales ne cessent d'en créer toujours plus (ce qui
était impossible à faire avec l'or, qui maintenait une valeur
plus ou moins constante).
Un système
maintenu seulement par la confiance
La banque centrale contrôle les banques au sens où elle
pénalise celles qui oseraient prêter sans aucune
considération de leur réserves réelles, c'est-à-dire
qui abuseraient de leur privilèges d'être
protégées de la faillite. La pénalité, pour
autant qu'on peut l'appeler ainsi, consiste à charger aux banques sans
vergogne un taux d'intérêt plus élevé pour leur emprunt
auprès de la banque mère. Autrement dit, la banque centrale
encourage les banques à prêter mais pas trop, juste assez pour
que le système perdure. Cependant, elle n'agit pas tant comme arbitre
auprès des banques que comme chef d'orchestre dans la création
de fausse monnaie. Elle ne résout pas le problème, elle le
cache tout en l'amplifiant.
Si le système bancaire actuel est pire que ce qu'il était il y
a cent ans, comment se fait-il qu'il tienne encore? C'est qu'une
majorité de la population fait toujours confiance au gouvernement et
à la monnaie qu'il nous fournit.
Dans le système actuel, la banque centrale est conduite à
créer toujours davantage de monnaie et à laisser les banques
prêter plus d'argent qu'elles en possèdent en
réalité. Puisque les politiciens et banquiers
privilégiés profitent du système à leur
façon, ils se taisent, et puisque la majorité de la population
et des économistes sont endoctrinés aux écoles de
pensée dominantes, ils n'y voient que du feu. Ce système enrichit
pourtant les uns au détriment des autres. Seul un système monétaire
établi librement peut être juste. Ainsi, pratiquement tout le monde pense que le cycle
économique est normal et qu'il est dû aux forces du mal qu'est,
à leurs yeux, le marché. Réglerait-on le problème
en laissant le stock actuel de monnaie inchangé? Non, car le
système actuel survit justement parce la banque centrale injecte un
flux continue d'argent neuf dans les marchés pour protéger les
banques à réserves fractionnaires de la faillite. Les politiciens
se servent également de leur pouvoir de taxation pour sauver le
système.
Il ne faut pas oublier que dans ce système, lorsque l'argent
emprunté est remis à la banque et que celle-ci ne renouvelle
pas le prêt, l'argent disparaît. Il en est ainsi car l'argent
prêté n'a aucun propriétaire légitime, même
si le prêt a été conclu comme s'il existait un
propriétaire. Il n'y a donc plus moyen de distinguer la richesse
réelle sous forme monétaire (autrefois l'or) de son substitut,
car aujourd'hui tous deux sont du papier. Le gouvernement nous demande
simplement d'avoir confiance en la monnaie qu'il émet.
Perte constante de
valeur
Dans un marché libre, aucune considération n'est donnée
à la quantité de monnaie dans l'économie, car cela est
sans importance. Ce n'est pas la quantité d'argent qui est importante,
mais son pouvoir d'achat. Pour maintenir un pouvoir d'achat il nous faut
revenir à une monnaie métallique et abolir la banque centrale,
car celle-ci ne fait que le réduire par l'inflation. À titre
d'exemple, depuis la création de la Réserve
fédérale, en 1913, le dollar américain a perdu rien de
moins que 94% de sa valeur.
Si la richesse générale s'est accrue lors des cent
dernières années malgré l'inflation, c'est qu'il y avait
encore suffisamment de liberté pour permettre aux hommes
d'échanger et de créer davantage de richesse que ce que
politiciens et privilégiés du système bancaire leur
extorquaient. Liberté et richesse vont de pair et varient inversement
avec la généralisation des politiques social-démocrates.
La méconnaissance des gens du rôle principal de la monnaie, qui
est de servir de moyen d'échange, est à la source de la
croyance populaire dans les pouvoirs de la banque centrale pour revigorer
l'économie. Croyance qui, à son tour, est basée sur une
autre plus grave encore, celle de penser que l'État peut
réguler la coopération humaine. L'argent ne se consomme pas et
par conséquent ne produit rien, il ne fait que faciliter l'échange
des biens et services qui sont la véritable richesse. L'épargne
monétaire est également une richesse, mais grâce au
gouvernement celle-ci perd continuellement son pouvoir d'achat. Or, pour
maintenir et accroître la richesse monétaire et, par
conséquent, la prospérité en général, il
n'y a rien qui puisse véritablement remplacer l'argent
métallique dans un marché libre des interventions
gouvernementales.
André
Dorais
André
Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à
Montréal. Essai originellement publié par Le Québecois Libre
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