|
Les diamants sont sans merci…
‘Dès qu’ils en ont l’occasion, ils nous disent tout
sur la personne qui les porte’, disait un personnage dans The Sandacstle, l’une des premières nouvelles
écrites par l’auteur Britannique Iris Murdoch. C’est peut-être
vrai pour certaines femmes – qui en portant un diamant solitaire
extravagant laissent paraître toute leur vulgarité – mais
est-ce également applicable à Elizabeth Taylor ? Les
cadeaux très médiatisés qu’elle a reçus de
son cinquième mari, Richard Burton, ont certainement
amélioré son apparence et n’avaient, sur elle, aucun air
déplacé. Il semblerait qu’une certaine
compatibilité puisse être établie entre un bijou et la
personne qui le porte.
Le premier bijou qu’a
acheté Richard Burton pour Elizabeth Taylor en 1968 est le diamant
Krupp, taillé à la manière ascher.
Ce diamant appartenait autrefois à Vera Krupp, seconde femme du magnat
de l’acier Alfred Krupp. Mademoiselle Taylor le portait sur une bague.
Vous avez pu le voir dans un certain nombre de ses films d’avant 1968,
ou dans son interview sur CNN dans l’émission Larry King Live en
2003. Burton lui a ensuite offert le diamant La Peregrina
Pearl, qu’il a acheté pour 15.000 livres sterling.
L’histoire de cette pierre est longue et complexe. Pour le 40e
anniversaire d’Elizabeth en 1972, Richard Burton lui offrit un diamant
taillé en forme de cœur connu sous le nom de Taj Mahal. Cette
gemme est assez large et plate, et porte des inscriptions en arabe sur chacun
de ses côtés. Elle a été sertie sur un collier aux
côtés d’une série de rubis et d’autres
diamants. ‘J’aurais aimé pouvoir lui offrir le Taj
Mahal’, a dit Burton. ‘Mais il aurait été trop cher
de le faire déplacer. Les diamants sont des investissements. Lorsque
plus personne ne voudra nous voir, Liz ou moi, sur un écran, alors
nous en vendrons quelques-uns’.
Le cadeau le plus célèbre
fait par Burton à Elizabeth est le diamant de 69,42 carats
taillé en forme de poire qui fut plus tard appelé le
Taylor-Burton. Il provient d’une pierre brute de 240,80 carats qui fut
découverte à Premier Mine en 1966 avant d’être
achetée par Harry Winston. Et voici une belle coïncidence :
huit ans auparavant, une autre pierre de poids quasiment identique (240,74
carats) avait été découverte dans cette même mine.
Harry Winston avait aussi acheté cette pierre avant de
décréter : ‘Je ne pense pas qu’il existe plus
d’une demi-douzaine de pierres de cette qualité à travers
le monde’. Et ce n’était pas la première fois que
Premier Mine eut le dernier mot, puisque la gemme de 69,42 carats
taillée dans la pierre découverte en 1966 est de couleur D et
ne comporte aucun défaut.
Après l’arrivée de
la pierre de 240,80 carats à New York, Harry Winston et son tailleur,
le pasteur Colon Jr, l’étudièrent six mois durant. Des
marques furent tracées, effacées puis retracées pour
déterminer à quels endroits la pierre devrait être
taillée. Le jour de la taille de ce diamant, la tension qui entoure
habituellement une telle tâche fut accrue par la chaleur et la
lumière projetées par l’écran de la télévision
qui avait été placée dans l’atelier pour
l’occasion. Après avoir fini de tailler le diamant, le pasteur
de 50 ans de prononça pas un mot – il attrapa le morceau de
diamant nouvellement taillé et l’observa pendant une fraction de
seconde avant de s’exclamer : ‘Magnifique !’.
Elizabeth Taylor portant
le Burton-Taylor sur un collier créé par Cartier
présentant un certain nombre de
diamants plus petits taillés en forme de poire.
Elizabeth Taylor ne fut pas exactement
la première propriétaire de la pierre après Harry
Winston. En 1967, Winston vendit le diamant taillé en poire à
madame Harriet Annenberg Ames, la sœur de
Wales Annenberg, ambassadeur Américain
à Londres sous l’administration Nixon. Deux ans plus tard, cette
dernière mit le diamant aux enchères aux Parke-Bernet
Galleries à New York et justifia ainsi
sa décision : ‘Je me suis surprise à garder mes
gants par peur que quelqu’un le voit, j’ai toujours
été une personne extrêmement sociable et ne suis pas parvenue
à apprécier ce sentiment. J’ai laissé le diamant
dormir dans un coffre en banque des années durant, et je trouve
dommage de l’y conserver sans que personne n’en profite. A New
York, personne ne pourrait se permettre de le porter publiquement’. Il
est vrai que l’on pourrait penser cette pierre trop imposante pour
être sertie sur une bague, et encore moins être portée en
public.
Le diamant fut vendu aux
enchères le 23 octobre 1969 avec la possibilité pour
l’acheteur d’en choisir le nom. Avant la mise en vente, beaucoup
spéculaient à l’idée de qui était
prêt à enchérir, certains mentionnant ici et là
quelques noms étrangers. Elizabeth Taylor était l’un de
ces noms, et il faut ajouter ici qu’elle avait alors déjà
eu l’occasion d’observer le diamant, puisqu’il avait
été transporté jusqu’en Suisse pour qu’elle
puisse l’apprécier avant d’être renvoyé
à New York avec une précaution qui fut jugée
d’inhabituelle.
Illustration présentant le
Taylor-Burton sur un collier serti de plusieurs
centaines de petits brillants
taillés en marquise.
Le commissaire-priseur commença
par demander qui était prêt à offrir 200.000 dollars pour
l’achat du diamant, question à laquelle la salle bondée
répondit d’un ‘Ici’ simultané. Les
enchères commencèrent à grimper, et neuf
enchérisseurs en portèrent rapidement le prix à un
demi-million de dollars. A partir de cette somme, les enchères
augmentèrent par tranche de 10.000 dollars. A 650.000 dollars, il ne
restait plus que deux enchérisseurs. A 1.000.000 de dollars, Al Yugler, de chez Frank Pollack, qui représentait
Richard Burton, abandonna l’enchère. Lorsque le marteau tomba,
tout le monde se leva dans la salle, et le commissaire-priseur eut beaucoup
de mal à identifier qui avait gagné. Le grand gagnant de
l’enchère était Robert Kenmore,
directeur de Board of Kenmore
Corporation, propriétaire de Cartier Inc. Il paya 1.050.000 dollars
pour la pierre, qu’il baptisa le Cartier. Le précédent
record de prix payé pour un diamant était de 305.000 dollars,
pour l’achat d’un collier de diamants qui appartenait aux Rovensky et qui fut mis en vente en 1957. L’un des
diamants sertis sur le collier, connu sous le nom de Rovensky
(qui serait, selon certains, le diamant Excelsior III) pesait
approximativement 46,5 carats. Il est apparu dans un article sur les diamants
publié dans le National Geographic
d’avril 1958 aux côtés du Niarchos,
du Nepal et du Tiffany Yellow.
Harry Winston
Tout comme Richard Burton, Harry
Winston s’est avéré être un acheteur potentiel lors
de la mise aux enchères du diamant. Mais Burton n’était
pas prêt à s’arrêter là. Il s’est
entretenu par téléphone avec l’agent de Mr. Kenmore depuis une cabine téléphonique du
sud de l’Angleterre. Burton négocia l’achat de la pierre
en insérant les unes après les autres des pièces dans le
téléphone public. Ceux qui passaient près de lui
l’ont peut-être entendu s’exclamer ‘Je me fous de
combien il coûte, je l’achète’. Robert Kenmore accepta finalement de le vendre à la
condition que Cartier puisse l’exposer à New York et Chicago. Il
n’a pas caché que Cartier a pu tirer profit de la situation.
‘Nous sommes des hommes d’affaire, et nous sommes heureux que
mademoiselle Taylor soit satisfaite’.
Le Taylor-Burton,
exposé sous le nom ‘Cartier Diamond’
dans une boutique Cartier
peu de temps après que Burton
l’ait acheté mais avant qu’il lui ait été
envoyé.
Plus de 6000 personnes se rendirent
chaque jour dans la boutique Cartier de New York pour y admirer le diamant,
la file d’attente s’étalant parfois tout le long du
trottoir. Un article du New York Times s’est cependant montré
assez amer sur le sujet. Sous le titre ‘The Million Dollar Diamond’ fut publié le commentaire
suivant :
‘Des paysans ont fait la queue
devant chez Cartier cette semaine pour venir s’extasier à la vue
d’un diamant plus gros que le Ritz qui a coûté plus
d’un million de dollars. Il est destiné à pendre au cou
de madame Richard Burton. Comme quelqu’un l’a déjà
dit, il aurait été de bon effet de le porter sur un tombereau
(un chariot destiné à transporter des gravats, des chariots de
ce type étaient utilisés pour emmener des prisonniers à
la guillotine durant la Révolution Française) en partance pour
la guillotine’.
Peu de temps après, le 12
novembre, mademoiselle Taylor porta le Taylor-Burton en public pour la
première fois lors du 40e anniversaire de la princesse Grace à
Monaco. Il fut transporté à Nice depuis New York par deux
gardes armés employés par Burton et Cartier. En 1978, à
la suite de son divorce avec Richard Burton, Elizabeth annonça la
vente aux enchères du diamant, dont une partie du prix de vente serait
utilisé pour construire un hôpital au Botswana. En juin 1979,
Henry Lambert, un bijoutier de New York, annonça avoir acheté
le diamant pour la somme de 5 millions de dollars.
Avant le mois de décembre, il
vendit la pierre à son propriétaire actuel, Robert Mouawad. Peu de temps après, monsieur Mouawad fit retailler la pierre, qui pèse
aujourd’hui 68,09 carats. Avant la retaille, le rondiste
de la pierre était très arrondi. Il est aujourd’hui
légèrement plus plat. Le Taylor-Burton avait également
un culet de petite taille, que sa retaille rendit
encore plus petit.
Sources:
Famous Diamonds par Ian Balfour et My Love Affair With Jewelry
par Elizabeth Taylor.
Tous les articles sur les
diamants célèbres
|
|