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Pierre
Le Pesant de Boisguilbert est mort le 10 octobre 1714, à
l’âge de 68 ans, il y
a donc exactement trois siècles. Il offrit la première
réflexion théorique en France sur les conditions de
fonctionnement de l’activité économique. Il peut en outre
être considéré comme le père fondateur de
l’école française du libéralisme
économique.
Petit-neveu de Corneille, il fut d’abord magistrat, président du
tribunal civil de Rouen. Il fut également l’élève
de Pierre Nicole (1625-1695) qui constatait déjà que
l’échange marchand « remplit les besoins humains
d’une manière que l’on n’admire pas assez, et
où la charité commune ne peut arriver ». Des jansénistes et des
moralistes français, Boisguilbert retiendra l'idée qu’une
société prospère peut naître de
l'égoïsme et de l'amour-propre des êtres humains : « Dans le cadre des
relations d’échange, les rapaces que sont les hommes sont
obligés de se conduire de façon raisonnable ». Alors que
la relation politique est source de conflits, la relation économique
est favorable à la coopération et contribue à pacifier
la société.
Chez
Boisguilbert, l’économie n’est pas encore une science.
Elle ne se distingue pas de la critique radicale d’un gouvernement
arbitraire et autoritaire. Mais son principal objet est de remédier
à la misère du pays en recherchant les sources du
progrès économique et social.
En
1695, il publie à titre anonyme une enquête sur
l’état économique et politique de la France : Le Détail de la France. Il fait
le portrait d’une France appauvrie et n’hésite pas
à accabler l’élite dirigeante. En effet,
l’année suivante il publie son ouvrage sous un nouveau
titre : La France ruinée
sous le règne de Louis XIV. Boisguilbert s’en prend tout
particulièrement à Colbert et au mercantilisme,
c’est-à-dire au protectionnisme et aux monopoles. Dans le titre complet de son livre on
lit notamment : « La cause de la diminution de ses biens, et la
facilité du remède, en fournissant en un mois tout l'argent
dont le roi a besoin et en enrichissant tout le monde ».
Pour
enrichir le roi et ses sujets, Boisguilbert propose deux solutions :
1°
la liberté du travail, des prix et du commerce
2°
la baisse des impôts
La
création de la richesse repose sur le mécanisme de la formation
de prix conformes à la justice naturelle, qu’il appelle aussi
« prix de proportion », c’est-à-dire des prix permettant
aux vendeurs de réaliser un gain et aux clients de participer à
l’échange. Or le seul moyen d'obtenir ce résultat est de
laisser agir librement la nature. Toute intervention de l'État
pour augmenter ou abaisser les prix crée le désordre.
C’est la nature seule (appelée aussi Providence) qui peut nous
guider en matière de juste prix. Une première formulation de la
doctrine du laissez-faire apparaît alors : « Tant qu'on
laisse faire la nature, on ne doit rien craindre ».
En 1704, il est
l’auteur d’une « dissertation » : De la nature des richesses, de l'argent et
des tributs, où l'on découvre la fausse idée qui
règne dans le monde à l'égard de ces trois articles.
Il montre que l’erreur des mercantilistes fut
de croire que la richesse venait de l'accumulation d'or et d'argent. Pour
Boisguilbert, la richesse vient du travail, de la production, de
l’échange et donc de la propriété.
Boisguilbert
est l'un des premiers à avancer l'idée d'un ordre
économique naturel, dans le cadre duquel la concurrence doit agir sans
entrave. « La nature même, jalouse de ses opérations,
se venge aussitôt par un déconcertement général,
du moment qu'elle voit que par un mélange étranger on se
défie de ses lumières et de la sagesse de ses
opérations. (…) La nature donc, ou la Providence peuvent seules
faire observer cette justice, pourvu encore une fois que qui que ce soit
[d'autres] qu'elle ne s'en mêle » (Détail de la France). Il écrit encore :
« il n'est pas question d'agir, il est nécessaire seulement
de cesser d'agir ». La nature tend toujours à la
liberté et à la perfection. Le pouvoir politique doit donc se
retirer des rouages de l’économie et cesser de l’entraver.
Concernant
la fiscalité, Boisguilbert est le promoteur de l'impôt universel sur le revenu, payé par tous,
c’est-à-dire un impôt moins lourd et mieux réparti.
Dans Détail de la France, il
montre que la France, jadis le plus riche royaume du monde, a perdu cinq ou
six millions de ses revenus annuels et ce déficit augmente tous les
jours. En effet, un impôt trop lourd décourage la production et
entraîne une baisse des revenus. Avec 300 ans d’avance, Boisguilbert
invente la courbe de Laffer et préconise la « Flat
Tax » !
Ses deux livres ayant été
interdits, Boisguilbert fut exilé par le roi au fin fond de l’Auvergne.
Mais ses œuvres auront
une grande influence sur Quesnay, les physiocrates et tous les anti-mercantilistes
des Lumières. On sait qu’Adam Smith avait dans sa
bibliothèque Le détail de
la France. Même Marx lui rendra hommage :
« Boisguillebert, bien que l'un des intendants de Louis XIV,
prenait parti pour les classes opprimées avec autant d'intelligence
que d'audace » (Contribution
à la critique de l'économie politique, 1859).
Pour célébrer le tricentenaire de sa mort, les
propriétaires du Château de Pinterville
à Bois-Guilbert domaine familial où
l’illustre économiste a séjourné pendant sa
jeunesse, organisent une journée avec conférences, repas,
concert et pièce de théâtre. Le 12 octobre 2014 de 10 h à 18
h. Précisions sur le site
internet du château.
Bibliographie
Félix
Cadet, Pierre de Boisguilbert
précurseur des économistes 1646-1714, Paris, Guillaumin,
1871. Réédité par l’Institut Coppet. Disponible
sur amazon.fr
Gilbert
Faccarello, Aux
origines de l’économie politique libérale : Pierre de
Boisguilbert, Paris, Anthropos, 1986. Gilbert Faccarello, professeur à l'Université de
Paris II, est l'un des principaux spécialistes français de
Boisguilbert.
Albert
Talbot, Les théories de
Boisguilbert, préface de Benoit Malbranque,. Éditions de l'Institut Coppet, septembre 2014. Disponible
sur amazon.fr.
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