Ce dimanche sera l’occasion de revenir un peu sur cet article qui fait, lentement mais sûrement, le tour de
la blogosphère : à l’heure où les patrimoines des ministres sont publiés au
prétexte d’une moralisation chimérique de la vie politique, on attend
toujours que le président Hollande balaie un peu devant sa propre porte.
Pour rappel, et comme les éléments juridiques dispensés ici le précisent, François Hollande est dans
une situation délicate : d’un côté, s’il admet être en concubinage avec
Valérie Trierweiler (ce qu’on peut lui accorder aisément), il ne peut
prétendre à la fidélité de sa déclaration de patrimoine présentée avant
l’élection présidentielle : l’ISF impose en effet une fusion de son
patrimoine et de celui de sa concubine. Et inversement, s’il refuse le
concubinage (ce qui paraît difficile à faire avaler aux services fiscaux), on
voit mal sur quel budget la compagne se permet de piocher pour payer son
équipe de communicants…
Bref : le brave Hollande n’est pas tout à fait sorti de l’auberge.
On pourrait croire que devant ces éléments, et devant l’insistance des
internautes, notamment, à se partager les articles correspondants, la presse
aurait tenté une enquête. Après tout, les éléments sont déjà rassemblés et
s’il n’y a rien à reprocher au Président, cela sera facile à démontrer. Pour
le moment, on attend les arguments solides qui permettraient ou bien de
montrer que la Concubine a bien le droit de taper dans le budget élyséen sans
se soucier de rien, ou bien que le patrimoine du président était correct et
fidèle lors de sa candidature.
Mais non : les réactions sont, à peu près, inexistantes. Alors que le
patrimoine des ministres est rapidement publié pour éteindre l’incendie
Cahuzac, François Hollande, lui, parfaitement décontracté, ne publie rien du
tout et se fend d’un laconique « Mon patrimoine n’a pas changé
depuis l’année dernière ».
La République, cette semaine, a donc versé dans le grotesque.
D’une part, ces patrimoines abondamment relayés par la presse sont
parfaitement ridicules : entre des comptes courants anémiques, des
estimations fantaisistes et foutaisistes de biens immobiliers (en ruines ?),
les engins motorisés (épaves ?) ou non farfelus (dans leurs nombres et leurs
valeurs), tout indique une chose évidente : les ministres se sont,
très ouvertement, foutu de la gueule du monde. Les jours qui ont
suivi ont été l’occasion à de nombreuses manifestations de citoyens outrés de
se faire ainsi voler leur argent par d’aussi vils menteurs dont l’hypocrisie
les pousse à déclarer n’importe quoi pour que la vie reprenne son cours
tranquille, parsemée de magouilles et de détournements discrets… Oh, tiens,
non. Il y a bien eu quelques manifestations, mais pour d’autres sujets, sans
rapport. Les citoyens n’ont pas moufté. Les journalistes, à peine plus.
D’autre part, l’absence de mise à jour du patrimoine présidentiel montre,
là encore, l’étendue de l’incurie parfaitement assumée du président. Le
peuple est sa dernière préoccupation : il n’en à rien à carrer. Et
il a raison, après tout, il a été élu. Il peut donc bien lui sortir à peu
près n’importe quelle baliverne monstrueuse, le peuple gobe. Il ne réagit
pas. Il dort. Et pas sur des petits bobards ! Non, sur des grosses, des
énormes, des gigantesques montgolfières aux proportions bibliques, remplies
d’air chaud et de grosses affabulations incroyables mais qui sont passées
comme une lettre à la poste : qui peut croire au patrimoine déclaré par
Hollande ? Qui peut croire aux valorisations retenues pour ses biens
immobiliers ? Qui peut croire qu’en un an, le pauvret n’a pas réussi à mettre
un peu d’argent de côté alors qu’il touche plus de 10.000€ net par mois et
que toutes ses dépenses sont couvertes par la République ?
Apparemment, tout le monde. Surtout chez les journalistes : personne n’a
rien dit. Tout est normal : le président claque 10.000€ par mois et
n’arrive pas à mettre le moindre sou de côté. Pendant ce temps, il entend
redresser les comptes de la France. Normal.
Et toujours, dans le fond, cette question lancinante : d’où proviennent
les fonds qui alimentent le train de vie de Valérie Trierweiler ? Sans même
remettre en cause l’évidente nature de la relation qui lie l’intrigante au
président, il me semble parfaitement légitime de demander des explications.
Après tout, là encore, si le contribuable paye, il peut exiger quelques
éléments de transparence. Qui peut croire en l’excellente gestion de
l’Elysée, au respect scrupuleux de la loi, à une République irréprochable en
la matière ?
Apparemment, tout le monde. Et là encore, surtout chez les journalistes :
personne ne dit rien. Tout est normal : la concubine fait des frais
remboursés par la République et personne ne lui demande des comptes. C’est la
concubine, après tout. On l’a élue à cette pl… Ah tiens non.
Ne voyez-vous pas le problème ? Même en ne prenant pas l’option légale,
même sans faire l’analyse scrupuleuse des textes de lois, il apparaît que sur
le plan moral, tout ceci est anormal, que tout ceci n’est en rien le
reflet d’une saine gestion, d’une France apaisée qui cherche des solutions à
la crise. C’est, en revanche, le signe clair que le plus haut représentant de
l’exécutif français se fout, ouvertement, du peuple. C’est le signe que les
médias sont parfaitement aveuglés par le pouvoir qu’ils prêtent à Hollande,
alors même que chaque jour qui passe montre sa totale incompétence.
Le pire est qu’Hollande lui-même nous jouait l’air de flûtiau de la
République Irréprochable et de sa nécessaire moralisation, sans que personne
ne soit venu le chercher sur ce terrain. Personne n’avait, finalement,
réclamé que les ministres se livrent à l’exercice pathétique et burlesque de
leur publication de « patrimoine ». Lui comme son gouvernement ont
donc sciemment choisi de jouer cette carte, mais l’hypocrisie l’a,
finalement, emporté de bout en bout.
Devant cette accumulation de mauvaise foi, de mensonges, de mépris pur et
simple de la moralité la plus basique, le calme et la pondération des
journalistes, des députés de l’opposition, des citoyens est parfaitement
consternante. Tout comme l’est aussi l’absence de réaction devant l’évident « Deux
Poids, Deux Mesures » que constitue cette apathie alors qu’un président
de droite, devant les mêmes reproches, aurait subi une tempête médiatique. Et
pour le contribuable, il n’aura jamais le bénéfice de la souplesse fiscale
dont un élu peut bénéficier ; ce « Deux Poids, Deux Mesures » est
tellement grossier, évident, et maintenant parfaitement ancré dans les moeurs
françaises que plus personne ne le remarque.
Anesthésiés par des années d’affaires toutes plus sordides les unes que
les autres, tous (journalistes, citoyens, contribuables, politiciens) se font
rouler dans la farine, tous acceptent et personne ne se lève en
disant « assez ! » …
Et c’est, finalement, normal : tous ont pu (ou croient avoir pu),
un jour ou l’autre, bénéficier de cette douce corruption de la moralité.
Cette affaire, aussi anecdotique soit-elle, montre à quel point la France
s’est complètement avachie. Il n’y a plus de moralité : il n’y a qu’un vague
sentiment de gêne lorsqu’on se fait pincer.
Et la faillite économique du pays ne fait qu’accompagner cette faillite
morale : sans colonne vertébrale, ce pays est foutu.