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En un temps où
certains fêtent le soixantième anniversaire de
l’instauration du salaire minimum interprofessionnel garanti (S.M.I.G.)
en 1950, il convient de débusquer ignorance et mensonges sur le
S.M.I.C. (salaire minimum interprofessionnel de croissance) qui a pris la
place du S.M.I.G. en 1970.
J’ai déjà eu l’occasion de dénoncer l’ignorance
ou les mensonges du mot d’ordre des socialistes au commencement de leur
campagne pour l’élection présidentielle de 2007 : voir le
billet intitulé « pour
un SMIC à € 1500 en 2012 ».
A cette date, et si on s’affranchissait des artifices, il apparaissait
que le S.M.I.C. était largement supérieur à €1500
puisqu’il était égal à €1900.
En d’autres termes, le client qui achetait alors un produit à
une entreprise employant des salariés "payés au
S.M.I.C." ne payait pas leur travail au prix affiché par le
ministre du travail, c’est-à-dire le S.M.I.C. brut
d’alors, à savoir €1276, mais au prix de €1900.
1. Où se
trouvent les artifices ?
Tout simplement, dans le mensonge qu’il existerait des cotisations
sociales payées par l’employé sur l’assiette de son
salaire brut et des cotisations payées par l’employeur sur
l’assiette … du salaire brut du salarié.
La vérité est qu’il y a un prix du marché du
travail assis sur la productivité de l’employé que"
met en valeur" tout client et que, sur ce prix, des cotisations sociales
dites « employé » et « employeur » sont
prélevées.
Il s’ensuit que le salarié reçoit sur son compte en
banque le montant en monnaie non pas du vrai prix de son travail, mais de ce
prix amputé des deux cotisations qu'il a en définitive
payées, l'une en le sachant, l'autre en ne le sachant pas.
Sans cette organisation de la sécurité sociale obligatoire
calamiteuse qui n’a fait qu’étendre ses tentacules depuis
les conditions extraordinaires de sa naissance en 1941-46,
l’employé payé au S.M.I.C. aurait du recevoir €1900
au lieu de €1034 !
Le présent billet ne se propose pas de répéter ce que le
billet précédemment cité a déjà dit.
Il vise à le compléter étant donné l’avis
qu’a livré début décembre 2009, le "groupe
d’experts" institué par la loi
du 3 décembre 2008.
2. Un
complément d'informations.
Deuxième du genre, l’avis du Comité porte sur
l’"évolution du salaire minimum interprofessionnel de
croissance (S.M.I.C.)".
A cette occasion, il offre en sa page 19 un graphique suggestif qui
mérite d’être connu : à savoir
l’évolution de la proportion des salariés payés au
S.M.I.C. dans la période 1987-2009.
Le voici reproduit :
Graphique
Proportions des
salariés payés au S.M.I.C.
1987 - 2009
Il ressort de ce graphique qu'en juillet 2009, près de 11% de la
population des salariés – sauf apprentis – étaient
payés au SMIC (10,6% - très exactement - est
affiché).
En toute rigueur, les salariés en question sont ceux qui "ont
été directement concernés par l'augmentation du S.M.I.C.
ou de la garantie mensuelle de rémunérations au 1er juillet
2009".
Il apparaît aussi que, depuis 1987, le taux a connu un maximum en 2005
(16,3%) et un minimum en 1993 (8,1%).
Hormis les années 1991-94, le taux des "smicards" a toujours
été supérieur à 10% - voire largement
supérieur à 10% - de la population des salariés.
Soit dit en passant, on regrettera que le comité d'experts n'ait pas
jugé bon de proposer le même graphique pour la période
1951-2009. Ses enseignements eussent été on ne peut plus
féconds.
Il reste que le taux de juillet 2009 représente, en nombre de
salariés :
1,6 millions
si on restreint le champ des salariés aux salariés des
entreprises non agricoles hors intérim.
Sinon, il représente :
2,6 millions de
salariés.
Ce dénombrement a été effectué après la
hausse purement arbitraire de 1,3% du S.M.I.C. en juillet 2009.
En janvier 2010, une nouvelle hausse arbitraire du S.M.I.C. de 0,5% a
été décidée par le gouvernement de sorte que,
pour 35 heures hebdomadaires de travail, le S.M.I.C. brut
s’élève désormais à :
€
1344 mensuels,
tandis que le salarié ne retrouve sur son compte en banque que :
€
1056 mensuels.
3. Le vrai salaire
minimum de 2010.
Mais quel est le vrai prix de son travail, celui qui est payé par vous
et moi - et par lui-même - quand nous achetons les produits à la
fabrication de quoi il a participé ?
Pour le savoir, il faut compléter la salaire brut et y ajouter une
vingtaine de cotisations dites « employeur », certaines ayant
varié en assiette, en taux ou en plafond depuis le billet cité
en référence, et d’autres ayant été
créées comme par exemple le « forfait social »
instauré par l'article 13 de la Loi
de financement de la sécurité sociale pour 2009,
avec un taux fixe de 2% dont l'article 16 de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 2010 a doublé le chiffre (4%).
Le vrai prix du travail du salarié payé au S.M.I.C. se monte
alors à :
€ 2100
mensuels.
Telle est la valeur
en monnaie du salaire
minimum complet en France.
Soit dit en passant, on remarquera que certains préfèrent
parler de "salaire superbrut" plutôt que de "salaire complet",
comme par exemple le "rapport
Cotis" de mai 2009 sur "le partage de la valeur
ajoutée".
4. Triste
anniversaire.
Bref, à la date où ce billet est écrit (début
février 2010), compte des dernières informations en
matière d’évolution du chômage, on peut dire, pour
ce soixantième anniversaire du « salaire minimum » en France,
qu'il y a environ :
2,6 millions de salariés
qui gagnent chacun, par leur travail :
€ 2100
mensuels
mais qui ne disposent pour vivre, prendre des décisions et mener les
actions qu'ils choisissent de mener, que de :
€ 1056 mensuels.
50% du prix du travail du salarié payé au S.M.I.C. passe donc
à la trappe de
la « sécurité sociale » ou, mieux
encore, de la "justice
sociale" alors qu'à l'origine de l'organisation,
moins de 20% y passaient, ce qui était déjà beaucoup.
Mais tout cela, c'est ce qu'on voit.
Qu'est-ce qu'on ne voit pas ?
Qu'à cette trappe
de la justice sociale, passent aussi 100% du prix du travail
de ceux qui, tout simplement, offrent leur travail et n'en trouvent pas
à cause de la réglementation anti économique - car
arbitraire - qui consiste à fixer un minimum au prix du travail et qui
a pour effet de les exclure du marché du travail. Eux ne
reçoivent donc rien !
On ne voit pas non plus que la floraison actuelle des "marchés
noirs" dans de nombreux domaines d'échanges - légaux ou
... illégaux - a pour cause cette réglementation.
La tendance va-t-elle s'accentuer encore ? Où s'arrêtera-t-elle
?
J'ai mon idée sur la
question et je l'ai exposée en particulier dans l'ouvrage
intitulé La
sécurité sociale et comment s'en sortir
et à l'occasion des textes de la rubrique "économie
appliquée de l'organisation de la sécurité sociale"
de ce blog.
Sacrée sécurité sociale vraiment, triste
soixantième anniversaire.
Georges
Lane
Principes de science économique
Georges Lane
enseigne l’économie à l’Université de Paris-Dauphine.
Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du séminaire
J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi les très
rares intellectuels libéraux authentiques en France.
Publié avec
l’aimable autorisation de Georges Lane. Tous droits
réservés par l’auteur
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