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En novembre 2008, le Zimbabwe a
fait l’expérience du deuxième taux d’inflation le plus élevé jamais
enregistré, un record qui lui a valu d’être inclus dans le tableau Hanke-Krus des hyperinflations du
monde. Le taux d’inflation annuel du pays a atteint un pic de
89,7 sextillions (10^21) %.
A ce moment-là, les prix
doublaient toutes les 24,7 heures. Pendant l’épisode d’hyperinflation
zimbabwéenne (2007-2008), la Banque de réserve du Zimbabwe a manqué de
rapporter toute donnée économique significative, y compris le taux d’inflation.
J’ai moi-même été, ainsi que mon équipe de l’Université Johns Hopkins, le
seul à avoir mesuré de façon précise l’hyperinflation qu’a traversé le
Zimbabwe.
Comment y suis-je parvenu ?
Pendant un épisode d’hyperinflation, la seule manière fiable de mesurer l’inflation
est d’observer la parité de pouvoir d’achat. Pour y parvenir, il est
nécessaire de disposer des données relatives au plus important des prix au
sein de l’économie : le taux de change entre la devise domestique et une
devise internationale stable. Une telle chose n’était pas faisable pour le
Zimbabwe. Le dollar zimbabwéen n’était pas échangé sur un marché
international organisé qui publiait les taux de change. Il existait également
plusieurs taux sur le marché noir (lire : sur le marché libre) pour le
taux de change des dollars zimbabwéens. Il n’était donc pas non plus possible
d’utiliser le taux de change du marché noir.
En raison du manque de données,
la mesure de l’inflation zimbabwéenne est vite parue impossible. Mais le
marché boursier organisé d’Harare fournissait des prix qui m’ont permis de
calculer les taux de change du dollar zimbabwéen. J’y suis parvenu ainsi. Une
action – celle de la société d’assurance et d’investissement Old Mutual – est
cotée en bourse sur le marché boursier de Londres ainsi que sur le marché
boursier du Zimbabwe. Chaque action Old Mutual représente le même titre de
propriété sur les revenus et les actifs de la société, quel que soit le
marché sur lequel elle est échangée. La seule différence entre les actions
Old Mutual négociées sur différents échanges est que les actions négociées à
Londres sont libellées en livres sterling, alors que celles négociées à
Harare sont libellées en dollars zimbabwéens. Ainsi, si l’arbitrage
fonctionne correctement et que la parité de pouvoir d’achat se maintient, la
différence entre le prix d’une action Old Mutual à Harare et son prix à
Londres représente le taux de change dollars zimbabwéen/livre sterling. Pour
convertir ce résultat en un taux de change dollar zimbabwéen/dollar
américain, j’ai multiplié le taux dollar zimbabwéen/livre sterling par le
taux sterling/dollar américain pour obtenir ce qu’on appelle le taux
implicite Old Mutual.
En utilisant ce taux de change
entre les dollars zimbabwéens et les dollars américains, j’ai été capable d’appliquer
la théorie de la parité de pouvoir d'achat pour transformer ce taux de
change en une estimation du pourcentage d’évolution du niveau de prix au
Zimbabwe. Ce qui m’a donné une estimation fiable du taux d’inflation
implicite enregistré par le Zimbabwe sur la période 2007-2008.
A l’apogée de l’épisode d’hyperinflation,
en novembre 2008, les Zimbabwéens refusaient de continuer d’utiliser la devise
nationale. L’économie de leur pays a été spontanément, et officieusement,
dollarisée. Finalement, le gouvernement zimbabwéen l’a accepté comme fait
accompli en 2009, en adoptant le dollar comme unité de compte pour les
finances gouvernementales.
Sous ce régime lié au dollar,
les autorités fiscales du Zimbabwe ne pouvaient plus demander à la Banque de
réserve de leur pays de fournir au gouvernement du nouveau crédit (d’imprimer
de la monnaie). Cette contrainte budgétaire est vite devenue trop difficile à
respecter pour le gouvernement dépensier. En conséquence, le gouvernement du
Zimbabwe a adopté la magie d’Harry Houdini et contourné la contrainte imposée
par la dollarisation en créant un nouveau faux dollar, que l’on appelle le nouveau
dollar du Zimbabwe. Chose peu surprenante, cette nouvelle création perd
rapidement de sa valeur. Ce qui remet la méthodologie que j’ai employée pour
mesurer l’inflation zimbabwéenne au goût du jour. Parce que les actions Old
Mutual sont libellées en nouveaux dollars zimbabwéens sur le marché d’Harare,
nous pouvons établir un taux de change nouveaux dollars zimbabwéens/livre
sterling, qui peut être transformé à l’aide de la parité de pouvoir d’achat
pour mesurer l’inflation zimbabwéenne. A l’heure actuelle (11 octobre 2017),
le taux d’inflation annuel du Zimbabwe est passé à 332,62%. Le deuxième taux
d’inflation le plus élevé au monde après celui du Venezuela (voir graphique
ci-dessous).
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