[Note : cet
article a été rédigé avant que nous n’apprenions la nuit dernière que George
W. Bush a été arrêté pour conduite en état d'ivresse il y a 24 ans. Il a été interpelé
dans le Maine pour avoir conduit trop lentement et dévié brièvement vers
l’accotement.]
Clinton a signé un projet de
loi proposé par le Congrès qui demande aux Etats d’adopter des mesures plus
onéreuses face à la conduite en état d’ivresse, sans quoi ils risqueraient de
voir diminuer le financement de leurs voies rapides par le gouvernement
fédéral. Vous avez bien lu : il s’agit bien ici d’une bonne vieille
technique d’extorsion. En réponse à la note de rançon des fédéraux, les Etats
s’apprêtent sans aucun doute à mettre en application des punitions plus
sévères contre les conducteurs sous l’emprise de l’alcool.
Le fédéraux déclarent
désormais criminel et passable de punition sévère un niveau d’alcool dans le
sang supérieur à 0.08%. La National Restaurant Association a raison de
trouver ce taux absurdement bas. Une grande majorité des accidents liés à la
conduite en état d’ivresse impliquent des récidivistes au niveau d’alcool
dans le sang plus de deux fois plus élevé. Si un taux de 0.1% ne les dissuade
pas, un taux plus faible n’y parviendra pas non plus.
Mais il y a un point bien plus
fondamental à relever. Qu’est-ce qui, au juste, est criminalisé ?
certainement pas la mauvaise conduite. Ni la destruction de propriété. Ni la
mise en danger ou la prise de la vie d’autrui. Le crime commis est d’avoir
une mauvaise substance dans le sang. Et pourtant, il est tout à fait possible
d’avoir de l’alcool dans le sang, même au volant, et de ne pas commettre ce
qui est traditionnellement appelé un crime.
Comment s’y est pris le
gouvernement pour criminaliser le contenu de notre sang plutôt que nos
actions elles-mêmes ? Nous lui avons donné le droit de rendre
l’application de la loi arbitraire, capricieuse et dépendante du jugement de
la police. Sans les tests d’alcoolémie du gouvernement, nous n’avons aucun
moyen de savoir si nous enfreignons la loi.
Nous pouvons bien évidemment
tenter de le déterminer mentalement, en fonction de notre poids et de la
quantité d’alcool que nous avons consommée sur une période donnée. Mais nous
ne pouvons qu’en faire une estimation. Nous devons attendre que le
gouvernement nous soumette à un test pour savoir si, oui ou non, nous sommes
des criminels. La loi n’est pas supposée fonctionner de cette manière. Il
s’agit là bel et bien d’une forme de tyrannie.
La théorie est la
suivante : la conduite en état d’ivresse doit être illégale parce que
boire augmente significativement le risque d’accident. C’est pourtant simple,
dans une société libre, le gouvernement ne devrait pas s’occuper des
probabilités. La loi devrait simplement punir les actions, si tant est
qu’elles portent atteinte à la propriété ou la personne d’autrui. Les
probabilités doivent être réservées aux compagnies d’assurance sur la base de
la compétition et du volontariat.
La campagne contre le
profilage racial touche tant de personnes pour les mêmes raisons : il
est clair qu’une personne ne devrait pas être montrée du doigt parce que
certains groupes raciaux ont un taux de criminalité plus élevé que d’autres.
Le gouvernement doit punir les crimes, et les crimes seuls, et non les
probabilités. Il ne devrait pas y avoir de profilage des conducteurs, qui
impliquent que parce qu’une personne a bu deux verres de vin, elle représente
automatiquement un danger.
Pour dire les choses comme
elles sont, le profilage de conducteurs et pire encore que le profilage
racial, parce que ce dernier implique une vigilance accrue de la part des
policiers, et non la criminalisation d’une race dans son ensemble. Malgré la
propagande, ce qui est criminalisé dans le cas de la conduite en état
d’ivresse n’est pas la probabilité qu’a le conducteur à causer un accident
mais le contenu d’alcool dans son sang. Un conducteur ivre est humilié et
détruit même s’il ne fait rien de mal.
Cette contrainte est bien
évidemment un sérieux problème. Un grand nombre de personnes sont
certainement qualifiables de conduite en état d’ivresse à la sortie
d’un restaurant ou d’un bar. Mais il n’y a qu’un seul moyen pour la police de
le savoir, à moins d’être témoin de la déviation d’un véhicule ou d’une
conduite dangereuse. La question à se poser est donc la suivante :
pourquoi ne pas punir la mauvaise conduite et laisser l’alcool hors de
l’histoire ?
Pour souligner l’idée que
c’est bel et bien le niveau l’alcoolémie qui est criminalisé, le gouvernement
viole les libertés civiles et contrôle le sang des gens – même quand ils
n’ont rien fait de mal. C’est une attaque grossière à la liberté qui implique
que le gouvernement a un contrôle total sur ses citoyens, un contrôle qui
s’étend à des faits biologiques intimes. Mais nous l’acceptons sans rien
dire, parce que nous avons assimilé l’idée que le gouvernement doit nous
punir pour le contenu de notre sang plutôt que pour nos actions.
Il existe de nombreux facteurs
qui peuvent pousser une personne à mal conduire. Il est tout à fait possible
d’avoir les muscles endoloris à la suite d’une séance d’haltérophilie et d’en
trouver son temps de réaction rallongé. Quelqu’un peut tout à fait être de
mauvaise humeur après s’être disputé avec son conjoint. Le gouvernement
doit-il être autorisé à procéder à des tests de colère ou de douleur
musculaire ? C’est ce qui nous pend au nez. Ne soyez pas étonné de voir
le Congrès se pencher un jour sur la question.
On parle aujourd’hui
d’interdire le téléphone au volant. Une telle absurdité fait suite à l’idée
que le gouvernement doive émettre des jugements quant à ce que nous sommes
susceptibles de faire.
J’ajouterai à cela que
certaines personnes conduisent mieux après quelques verres, purement parce
qu’elles savent que leur temps de réaction est rallongé et qu’elles doivent
prêter plus d’attention à ce qu’elles font. Nous connaissons tous des buveurs
qui sont capables de conduire parfaitement bien après avoir consommé de l’alcool.
Ils devraient être libérés de l’emprise de la loi et n’être punis que s’ils
font quelque chose de mal.
Il est nécessaire de mettre
fin à cette tendance dès aujourd’hui. La conduite en état d’ivresse devrait
être légalisée. Et s’il vous plaît, ne m’écrivez pas pour me dire que vous
trouvez mon insensibilité offensive parce que votre mère a été tuée par un
conducteur en état d’ivresse. Toute personne qui en tue une autre est
coupable de meurtre et doit être punie pour son crime. Il est toutefois
pervers de punir un criminel non pas pour son crime mais pour des raisons
purement biologiques, comme par exemple la couleur de ses cheveux.
Les braqueurs de banque
portent bien souvent des masques, mais les crimes qu’ils commettent n’ont
rien à voir avec le port d’un masque. De la même manière, les conducteurs
ivres causent des accidents, mais c’est aussi le cas des gens sobres. Et
nombreux sont les conducteurs en état d’ivresse qui ne causent pas
d’accidents du tout. La loi devrait se concentrer sur la réprimande de la
violation de la personne ou de la propriété d’autrui, et non de curiosités
scientifiques comme le contenu du sang des gens.
J’aimerais ajouter une
dernière chose contre la loi sur la conduite en état d’ivresse de Clinton.
Non seulement la Constitution ne permet pas au gouvernement fédéral de
légiférer sur le taux d’alcool dans le sang, le dixième amendement l’en
prévient. La question de la conduite en état d’ivresse doit être laissée aux
Etats, et chacun d’entre eux devrait libérer les conducteurs sous l’emprise
de l’alcool de l’emprise de la loi.
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