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Les emprunts toxiques ont souvent été
analysés comme la cause déterminante de la crise financière de 2007-2008.
S’il est évident qu’ils ont eu un rôle néfaste dans l’économie mondiale, on
ne doit certainement pas occulter la responsabilité de la Réserve fédérale
américaine et de son éminent président, Alan Greenspan, dont la politique
monétaire était déroutante et donnait lieu à spéculation.
Il convient de se souvenir que les taux
fixés par la Fed, entre 2000 et 2003 étaient particulièrement bas. Ils ont
été ainsi abaissés à 1%. De nombreux agents économiques voulurent alors
contracter des crédits quasi gratuits, surtout si on prend en compte
l’inflation qui dépassait 1% pendant cette période. L’allocation de crédits
n’était pas intéressante pour les banques à des taux aussi bas. Le problème
est que, dans certains pays – comme aux États-Unis – des législations assez
anciennes, renforcées par la suite, contraignaient les banques à octroyer des
crédits aux personnes les plus nécessiteuses.
Parallèlement, contrairement à ce qui
est constamment affirmé, il n’y a jamais eu de déréglementation réelle du
secteur bancaire et financier. Pour ne prendre que le cas des États-Unis, une
étude de Véronique de Rugy et de Melinda Warren montre que les dépenses
pour la réglementation bancaire et financière sont passées de 190 millions de
dollars en 1960 à 1,9 milliards de dollars en 2000, puis à 2,3 milliards de
dollars en 2008. Les effectifs de la SEC (Securities and Exchange Commission)
ont considérablement augmenté en 2000 et 2008. Le porte-parole de la SEC,
John Heine, avait lui-même indiqué
que les règles adoptées aux États–Unis en 2004 avaient permis d’intensifier
la surveillance des marchés de titres.
Le seul moyen – subtil – trouvé par les
banques pour rendre ces crédits plus intéressants pour elles et, au passage,
contourner les pesanteurs réglementaires, était d’imaginer des crédits à taux
variable qui tiendraient compte d’une possible hausse des taux d’intérêt par
la suite. Ce sont ces crédits qui ont donné lieu à controverse. Des millions
de personnes ont ainsi perdu leur bien immobilier, objet du crédit.
Accessoirement, il a été révélé que
certaines collectivités locales ont également souscrit ce type d’emprunts. Si
certains « consommateurs » peuvent faire valoir leur incompétence quant à la
compréhension de complexes contrats de prêt, en revanche, on peut être plus
surpris que des collectivités locales, aux services juridiques parfois
imposants, n’aient pas été plus attentives à ces points contractuels.
Saint-Étienne a été la première ville à
avoir assigné Deutsche Bank pour « posture
peu coopérative ». Mais Saint-Étienne ne s’est pas contentée d’un contrat
de crédit isolé avec la banque allemande. Elle a également passé le même
type d’accord avec Dexia, Natixis, Depfa et Royal Bank of Scotland.
L’ignorance ne saurait donc être érigée en excuse par la mairie stéphanoise.
La Chambre régionale des comptes de Rhône-Alpes a d’ailleurs rendu un rapport
insistant bien sur le fait que les établissements de crédit avaient valablement
averti la ville des risques encourus. L’action en justice de Saint-Étienne
visant à se défausser de son irresponsabilité est donc des plus pathétiques.
Mais, finalement, ce long contentieux a débouché sur une médiation
entre la ville et Deutsche Bank.
L’exemple de Saint-Étienne n’était pas
isolé : le Conseil général de Seine-Saint-Denis lui a emboîté le pas et a
obtenu partiellement gain de cause contre Dexia devant le tribunal de grande
instance de Nanterre, notamment pour défaut de mention du taux effectif
global. Partiellement car l’argumentation du département a été, en partie,
rejetée. Le tribunal n’a pas considéré que ce dernier était un emprunteur
profane et n’accueille pas l’argument selon lequel son consentement aurait
été vicié (Julien MARTIN, Il ne faut pas prendre les collectivités
territoriales pour des profanes, et les emprunts structurés pour des produits
spéculatifs . – À propos de TGI Nanterre, 8 février 2013, RG : 11/03778,
11/03779, 11/03780, Département de la Seine-Saint-Denis c/ Société Dexia
Crédit local (3 esp.), Revue de Droit bancaire et financier n° 2, mars 2013,
étude 5).
Toutefois – et cela a été moins
commenté –, le département de la Seine-Saint-Denis a été débouté par le
tribunal de grande instance de Paris, le 25 juin 2013, à l’occasion d’un
autre litige contre la société Calyon et le groupe Crédit agricole (Julien
MARTIN, Impossibilité d’interdire les produits spéculatifs par voie de
circulaire et suffisance de l’information fournie par les banques, Revue
de Droit bancaire et financier n° 5, septembre 2013, comm. 150).
Aujourd’hui, de nombreuses
collectivités locales persistent à s’engouffrer dans cette brèche alléchante
que constitue le Code de la consommation dans le but de mieux masquer leur
irresponsabilité et le fait que leurs velléités spéculatives aient été
marquées par un échec cuisant.
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