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Les affres de la FED

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Published : October 21st, 2010
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FOLLOW : Fmi Strauss Kahn
Category : Editorials

 

 

 

 

Les guerres sont faites de phases de préparation et d’offensives. Elles sont aussi psychologiques. Les réunions de Washington s’étant terminées sur des appels pressants à la coopération de Dominique Strauss-Kahn sans effets notables à ce jour, la voie est donc toute tracée pour que la guerre monétaire se poursuive.


Bien que Jean-Claude Trichet se soit prononcé « très, très contre une guerre des monnaies », et que d’autres en aient nié l’existence. Timothy Geithner venant tout juste de déclarer qu’il ne voit « aucun risque » d’éclatement de celle-ci.


Que les marchés monétaires – contrairement aux attentes, dit-on dans ce cas – soient restés imperturbables depuis le début de la semaine, de marbre même, doit-il être considéré comme signal d’une trêve ? Un grand silence précède et suit les batailles, il ne faut donc pas trop s’y fier. D’autant qu’ils avaient anticipé le fiasco de Washington.


L’attente domine, non pas en raison de la prochaine tenue d’un G20, mais de la réunion du Comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) de début novembre. Ce qui confirme bien que les Américains vont tirer les premiers. En utilisant quelles armes ? toute la question est là…


On se croirait revenu du temps de ces kremlinologues qui scrutaient tous les indices possibles des changements au sein du Politburo soviétique. Ou de ces sinologues qui faisaient de même à propos des Chinois depuis le bar du Foreign Correspondant Club de Hong Kong.


Plusieurs hypothèses circulent, à propos de ce que pourraient décider les membres du FOMC, qui pour l’instant étalent leurs divisions en multipliant les interventions publiques. Un seul objectif est poursuivi, mais les discussions portent sur la meilleure manière de l’atteindre : relancer une économie américaine au bord d’une dangereuse récession et d’une trappe dans laquelle les flots de liquidités de la Fed se sont jusqu’à maintenant déversés en pure perte.


Car le débat sur le danger que représenterait l’ouverture de cette trappe est tout aussi dépassé que celui qui consiste à savoir si la guerre des monnaies a oui ou non commencé. C’est chose faite dans les deux cas.


Sur quoi porte-t-il dans les cercles du pouvoir américain ? Non pas sur l’opportunité d’un nouveau round d’émission monétaire par la Fed – il semble acquis – ni sur son ampleur, mais sur son efficacité. Les opposants minoritaires bien connus de la Fed n’ont cessé d’agiter le spectre du retour de l’inflation. Sans être très clair sur la nature de celle-ci : inflation des prix à la consommation, ou des actifs ?


Ils ont trouvé un renfort en la personne de ceux qui craignent qu’un phénomène déjà enregistré ne se reproduise : que les nouvelles liquidités soient précieusement mises de côté par les banques, au cas où, et qu’elles ne soient pas utilisées pour relancer l’économie. Sans impact sur le chômage, cette douloureuse et tangible manifestation de la fin du rêve américain, comme l’est la poursuite à un rythme très soutenu – provisoirement interrompue pour vices de forme – des expulsions immobilières.


Une pression générale sur les taux d’intérêt et sur la valeur du dollar, conséquence de la mise en marche de la planche à billet, aurait par contre un effet garanti : les tensions sur le marché monétaire grimperaient sans tarder. Sans que des effets positifs soient nécessairement ressentis à l’intérieur du pays.


Les exportations chinoises seraient atteintes, mais la production américaine en profiterait-t-elle pour redémarrer ? Car même si les produits made in USA redevenaient plus compétitifs sur le marché intérieur, leur substitution aux produits chinois impliquerait pour les consommateurs des prix plus élevés.


Alternativement à cette option, ou de manière combinée, la Fed envisage d’afficher un objectif accommodant d’inflation pour une longue période, afin de donner au système bancaire l’assurance qu’il peut utiliser les liquidités déjà en sa possession pour enfin développer le crédit, sans risquer d’être pris par surprise par une remontée des taux directeurs qui détruirait ses marges. Mais cette option reviendra également, si elle est choisie et fonctionne, à déverser des flots de liquidité dans l’économie, avec à l’arrivée d’identiques conséquences sur le dollar et donc sur le marché monétaire.


Olivier Blanchard, l’économiste en chef du FMI, avait il y a plusieurs mois proposé de relever à 4% le taux d’objectif de l’inflation, suscitant alors un tollé chez les banquiers centraux. Sous un autre habillage et de manière plus mesurée, on en vient à une solution de même nature.


Afin d’arrêter pendant qu’il est temps la guerre, la paix est-elle possible ? Une coopération peut-elle s’engager, afin d’entamer un processus négocié d’appréciation du yuan par rapport au dollar (ainsi qu’aux autres monnaies) ? La chance de voir cette solution de la sagesse adoptée renvoie à deux questions sans réponse.


Les dirigeants chinois ont-ils les moyens de s’engager dans cette voie, le rythme d’appréciation du yuan qu’ils pourraient consentir risquant d’être beaucoup trop lent par rapport aux attentes américaines. Que pourraient-ils obtenir en contrepartie, sur le terrain qui leur est cher de la réforme progressive du système monétaire international ? L’option de la négociation est dans la pratique incertaine, car elle touche des deux côtés à des œuvres vives. Elle supposerait aussi que la Fed n’engage pas de nouvelles hostilités.


En tout état de cause, il n’y aura pas de solution monétaire pure. Car derrière les monnaies se cachent des réalités économiques et sociales, et ce sont celles-ci qu’il faut faire évoluer. Ce qui est paradoxalement plus concevable – mais à terme – en Chine qu’aux Etats-Unis. Si les obstacles à un changement de modèle de développement dans les pays émergents sont élevés, les pays développés ne peuvent le trouver qu’à la faveur d’une redistribution de la richesse et du pouvoir d’achat. « - Mais c’est une révolte ? – Non, Sire, c’est une révolution ! »


Les obstacles que rencontreront les pays émergents pour faire évoluer leur modèle de développement ne sont pas et de loin exclusivement intérieurs. Les capitaux étrangers qui affluent en volume croissant dans ces pays, à la recherche de forts rendements, induisent la poursuite du développement inégal qui a été engagé.


S’y opposer implique une maîtrise des flux financiers. Qui ne pourra résulter que de la réduction drastique de la taille d’un monde qui n’en fait qu’à sa tête et dont la capacité de nuisance est restée intacte, ainsi qu’en interdisant les leviers de la spéculation. Nous n’y sommes pas.


Le rééquilibrage du monde ne se heurte donc pas uniquement au bon ou au mauvais vouloir des dirigeants des pays émergents. Car son déséquilibre est le produit de la mondialisation financière, qui s’accélère.


Dans une allocution un peu surprenante prononcée à New York, Jean-Claude Trichet a expliqué hier mardi que « nous sommes loin d’en avoir fini avec la réforme financière », remarquant que « le système financier n’est pas seulement constitué des banques réglementées » et précisant les « six autres points où des progrès doivent être faits » : « la comptabilité, la notation, les ventes à découvert, la rémunération, les dérivés de gré à gré et les véhicules d’investissements alternatifs ». Si c’est lui qui le dit !



Billet invité : François Leclerc


 

Paul Jorion

pauljorion.com

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).


 

 

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