Le prêt en or, oui, mais
dans quelles proportions ?
Nous entendons souvent dire
que l’or des banques centrales placé sous la responsabilité des banques
centrales majeures que sont la Fed, la Banque d’Angleterre et la Banque de
France a été prêté sur le marché. Les banques centrales l’ont confirmé, bien
que le sujet demeure source de contestations. Il en va de même pour l’or des
banques centrales placé auprès d’autres banques centrales dans le cadre
d’accords de garde, et il est raisonnable de penser que de tels prêts ne
soient pas possibles sans l’accord du propriétaire de l’or. Voici ce que nous
savons.
Selon le premier Accord de
Washington et les Accords des banques centrales qui lui ont succédé (depuis
1999 et jusqu’au 26 septembre 2014), l’un des principes clés établis est
celui-ci :
Les
signataires de ces accords ont accepté de ne pas étendre leurs prêts d’or et
leur usage de contrats à terme et d’actions sur l’or sur la période.
Cela signifie-t-il que les
prêts existants, une fois arrivés à maturité, ne pourront pas être
reconduits ? Ou bien que le nombre total de prêts couvrant un volume
spécifique de métal sera reconduit mais que son volume ne pourra être gonflé ?
Je suppose que cette dernière
supposition est la bonne, puisque la Bundesbank est signataire de chacun des
Accords des banques centrales. L’Allemagne a demandé à ce que 150 tonnes de
son or soient rapatriées, et s’est vue dire que le retour de son or prendra
plusieurs années. Les difficultés rencontrées par le rapatriement de l’or
allemand n’ont rien à voir avec les volumes à transporter, mais avec la
récupération de l’or prêté sur le marché. L’année dernière, cinq tonnes d’or
ont pris le chemin de retour vers l’Allemagne. Je suppose que les signataires
des Accords des banques centrales sont dans la même position que l’Allemagne,
et que tout leur or a été prêté sur le marché.
En dehors de l’Allemagne,
quelles autres banques centrales ont accepté les termes de ces accords ?
Voici quels en sont les
signataires :
Oesterreichische Nationalbank-
Banque Nationale de Belgique - Suomen Pankki - Banca d’Italia - Banque centrale du Luxembourg - De Nederlandsche Bank - Banque de France - Deutsche
Bundesbank - Central Bank of Ireland - Banco do Portugal - Banco de España - Sveriges Riksbank - Schweizerische Nationalbank -
Bank of England – Banque centrale européenne
Nous pouvons en conclure que
les prêts d’actions et de contrats à terme n’ont pas augmenté depuis 1999,
puisqu’aucune d’entre elles n’a augmenté ses réserves d’or sur la période.
Mais à l’époque, les quantités d’or prêtées sur le marché correspondaient à
l’intégralité de leurs réserves (afin qu’elles puissent en tirer des revenus
modestes). Comment et pourquoi pouvons-nous en conclure ainsi ?
Si ce n’était pas le cas,
pourquoi les banques centrales responsables de l’or de l’Allemagne ne lui
livrent pas les quantités d’or qu’elle demande immédiatement ? Si une
portion de cet or avait été prêtée, celle qui ne l’aurait pas été aurait pu
lui être rapatriée. Mais seules cinq tonnes d’or sont rentrées en Allemagne.
La seule explication à cela est que tout l’or a été prêté et que seules cinq
tonnes ont jusqu’à présent pu être rapatriées. Certains pensent que l’or doit
être affiné une nouvelle fois. Si c’était le cas, bien plus de cinq tonnes
d’or auraient pu être produites en 2013.
Les termes de l’Accord des
banques centrales ressemblent de très près à une tentative de nous faire
croire que seule une partie de cet or a été prêtée.
C’est d’autant plus apparent
depuis que les termes du prochain Accord des banques centrales ont été rendus
publics. Les prêts n’y sont mentionnés nulle part !
Où déposer les réserves
d’or des banques centrales
Les investisseurs sur l’or ont
pu penser que les banques centrales devraient détenir leur or dans leurs
propres coffres. La raison pour laquelle elles possèdent de l’or est que si
leur devise perdait de sa crédibilité à l’international, elles pourraient se
tourner vers leur or.
Si cet or était à portée de
main, sa capacité à servir de garantie ou à payer les factures de la nation
s’en trouverait réduite, parce qu’il devrait en premier lieu être envoyé vers
des créditeurs potentiels. En déposant de l’or hors des frontières de sa nation,
une banque centrale le rend instantanément disponible. Si tant est qu’il
n’ait pas été prêté. Les créditeurs peuvent bien entendu accepter le
transfert de propriété d’or prêté, parce que son propriétaire n’a plus la
possibilité d’y accéder. Mais cela ne ferait que réduire son accessibilité, à
moins que l’or des banques centrales soit prêté dans sa quasi-totalité.
La conclusion est donc
évidente : tout l’or de l’Allemagne, et tout l’or que les autres nations ont
déposé hors de leurs frontières a été prêté.
Les
contreparties des banques centrales
Quelles sont les institutions
auxquelles les banques centrales prêtent leur or ? Elles sont celles qui
font les marchés, les banques commerciales, qui prêtent ensuite cet or sur le
marché à de nombreuses autres contreparties. Il est possible que si le prix
de l’or venait à flamber, ces contreparties ne seraient pas capables de
récupérer ou d’acheter suffisamment d’or pour retourner l’or qu’elles ont
prêté. Après tout, la Chine a absorbé une immense quantité de l’or disponible
sur le marché libre en 2013.
Pour comprendre les situations
qui pourraient se développer sur le marché de l’or, il est nécessaire
d’observer le processus de découverture qui a pris place chez les sociétés
minières qui avaient couvert leur production depuis 1085 et jusqu’en 2005.
Situations
parallèles : la découverture
Les sociétés minières se sont
retrouvées dans ce type de situation après que le prix de l'or soit grimpé
depuis son niveau de 400 dollars. C’est à ce prix qu’elles avaient couvert leur
or alors que le prix de ce dernier chutait depuis 850 dollars jusqu’à
atteindre 275 dollars en 1999. Une fois que le prix de l’or a de nouveau
atteint 400 dollars, leur couverture a commencé à perdre par rapport au prix
de l’or, au détriment de leurs actionnaires. Si elles avaient conservé leurs
couvertures, elles seraient passé à côté d’opportunités et auraient pu être
accusées de spéculation par les gérants de mines d’or. Les sociétés minières
qui avaient couvert leur production future avaient couvert la communauté
minière toute entière.
Les sociétés minières ont eu à
mettre la main sur 3.000 tonnes d’or pour annuler la couverture de leurs
positions dans leur totalité. Le marché de l’or n’avait à lui seul pas
suffisamment d’or pour accommoder les sociétés minières. La production d’or
n’augmentait pas, malgré l’importante hausse du prix de l’or. La raison en
était la hausse des prix et les risques politiques qui sont nés au fil du
temps sur le marché de l’or. La production accélérée d’or depuis 1985 avait
cueilli tous les fruits accessibles des dépôts d’or sur la période. La même
chose se passe aujourd’hui.
C’est alors que les banques
centrales sont entrées en jeu. Sous les Accords de Washington et les deux
Accords des banques centrales qui leur ont fait suite, elles sont venues en
aide aux sociétés minières grâce à la vente de leurs réserves d’or à hauteur
de 400 à 500 tonnes d’or par an jusqu’en 2009, date à laquelle les sociétés
minières ont complété leur découverture. Leurs ventes ont non seulement couvert
les 3.000 tonnes d’or nécessaires, mais ont vu le prix de l’or passer de 400
à 1.200 dollars. Ce n’est pas une coïncidence si les banques centrales
européennes ont cessé de vendre en 2009, et si toutes les ventes d’or des
banques centrales du monde ont pris fin à cette date. Les banques centrales
ont déclaré leurs ventes avec prudence afin de dissimuler le sauvetage des
sociétés minières.
L’échec de contreparties
Les banques centrales du monde
sont désormais engagées à prêter de l’or pour en tirer des revenus. Mais les
volumes dont nous parlons ici pourraient représenter l’intégralité des
réserves des banques centrales du monde, soit plus de 30.000 tonnes.
Imaginez que le prix de l’or atteigne
2.000 dollars ou plus. Combien des contreparties de ces contrats sur l’or
devraient mettre de la main sur du métal coûte que coûte ? Nous
pourrions y voir une parallèle avec ce que nous avons vu chez les sociétés
minières au début du siècle. Les contreparties pourraient sombrer dans la
banqueroute, et les banques commerciales aussi. Les banques centrales
auraient donc à leur tour à admettre d’importantes pertes en matière de
réserves d’or, ce qui déstabiliserait le système financier dans son ensemble.
Et cette fois-ci, il n’y aura
pas d’autres banques centrales pour venir les sortir d’affaire grâce à leur
or ! Le marché de l’or lui-même n’a certainement pas suffisamment d’or
(production annuelle de 2.800 tonnes par an). Même une flambée du prix de l’or
ne suffirait pas à générer des quantités d’or suffisantes et à couvrir une
petite proportion de ces prêts. La chasse à l’or serait en marche.
Les banques centrales
devraient chercher de l’or hors du marché. Il existe un autre endroit où en
chercher : vos réserves, et celles des autres investisseurs, revendeurs
et dépositaires…
|