Après des déficits publics à la dérive, dont nous avons parlé la semaine dernière, la France doit aussi s’inquiéter pour son secteur bancaire. En effet, selon Euromoney, d’après une étude du Center for Risk Management de Lausanne, les banques françaises présentent le plus important risque systémique en Europe !
Pour évaluer ce risque systémique, l’institut de Lausanne a mesuré le besoin en capital dont a besoin une banque s’il survient une crise financière mondiale. Cette crise est définie par une chute de 40% des indices boursiers mondiaux sur un semestre. Et c’est le Crédit Agricole qui arrive en première position, avec 86 milliards d’euros, suivi de la Deutsche Bank (82 milliards d’euros), Barclays (71 milliards d’euros), BNP Paribas (68 milliards d’euros). La Société Générale arrive en 6e position, Natixis et l’assureur AXA en 13e et 14e position. Et encore Dexia est-elle considérée comme une banque belge alors qu’en réalité la France intervient en garantie à hauteur de 45,5%. Au total, c’est 271 milliards d’euros qu’il faudrait apporter aux banques françaises dans une telle situation ! Viennent ensuite le Royaume-Uni (206 milliards d’euros), l’Allemagne (135 milliards d’euros), l’Italie (90 milliards d’euros).
Cette inquiétante première position s’explique notamment par l’effet de levier qui est en France le plus élevé d’Europe selon le Center for Risk Management de Lausanne avec un chiffre de 31 (donc 31 euros d’engagements pour 1 euro de cash)… On trouve ensuite les Pays-Bas (29), l’Italie (27), l’Allemagne (25). Les bons élèves sont le Royaume-Uni (16), la Suisse (14), la Suède (10).
Ce risque systémique élevé s’explique également par la forte concentration du secteur puisque trois banques monopolisent l’essentiel de l’activité : le Crédit Agricole (qui a racheté le Crédit Lyonnais en 2002), BNP Paribas (né de la fusion de la BNP et de Paribas en 2000, et qui a racheté Fortis en 2009) et la Société Générale. L’édifice est d’autant plus fragile. On signale juste au passage que le total du bilan de BNP Paribas est égal au PIB de la France. Nous avons ainsi trois mastodontes que l’Etat est condamné à aider quoi qu’il arrive : les banques françaises ont parfaitement théorisé et appliqué le "too big to fail" !
Ceci dit cette fragilité est celle de l’ensemble des banques européennes, la France est la plus concernée mais les autres pays ne sont pas à l’abri. D’ailleurs le fait que les bilans bancaires soient si dépendants des places boursières traduit un dérèglement de la finance, une dérive des banques vers la finance de marché (plus rémunératrice mais plus risquée, justement) au détriment de leur activité de base, le crédit (moins rémunérateur mais plus stable).
Surtout, l’hypothèse de l’étude, on le rappelle une chute de 40% des marchés boursiers mondiaux en l’espace de six mois, n’a absolument rien d’improbable, au contraire. Avec les planches à billets qui tournent à plein régime aux Etats-Unis, au Japon et dans une moindre mesure en Europe, chacun comprend que les indices boursiers sont artificiellement dopés. La question n’est même pas de savoir si une telle chute des cours peut arriver mais quand. A ce moment-là le risque systémique ne sera plus un objet d’étude mais une réalité très concrète.