Les banques centrales ont pris l’économie
et les marchés sous leur aile.
Elles savent ce qu’elles font.
Leurs théories sont garanties par des décennies de recherches académiques et
de conseils d’experts.
La Reine Elizabeth
inspecte les barres d’or du Royaume-Uni à la Banque d’Angleterre - Source:
Money Week
Les conseils des experts, comme
nous le savons tous, sont complètement apolitiques, ne changent que très
rarement et ne sont jamais, ô grand jamais, révisés – comme quand ils nous
disent de commencer à manger du beurre après nous avoir conseillé des décennies
durant de ne pas nous en approcher, ou quelque chose dans le genre.
Pourquoi s’inquiéter ? Quel
genre de déluré pourrait encore vouloir s’accrocher à son or (et en tant qu’assurance!),
maintenant que des individus de gros calibre se chargent de la situation ?
Je regrette d’avoir à vous le
dire, mais…
Devinez qui achète de l’or
?
Les banques centrales ne cessent
plus d’en accumuler. Et elles le font depuis la crise financière de 2008.
A dire vrai, comme le montre un
récent rapport publié par le groupe de recherche de l’OMFIF (Official
Monetary and Financial Institutions Forum), les banques centrales ont acheté
une moyenne de 350 tonnes d’or par an ces huit dernières années. Ce qui nous
ramène aujourd’hui aux niveaux de réserves d’avant les années 1970.
L’OMFIF s’est penché sur le
comportement des banques centrales vis-à-vis de l’or depuis 1871, et est
parvenu à différencier sept “âges d’or”. C’est assez intéressant, mais je ne
remonterais ici que jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, puisque c’est
la période qui est la plus pertinente pour notre sujet d’aujourd’hui.
Le quatrième âge d’or – 1845 à
1973 – couvre l’ère de Bretton Woods, au cours de laquelle les réserves d’or
étaient en hausse, comme l’explique David Marsh, membre de l’OMFIF : “les
pays d’Europe et le Japon ont amassé des réserves d’or importantes à la fin
de la seconde guerre mondiale, grâce à l’échange de leurs surplus de dollars
contre de l’or auprès du Trésor américain”.
En effet, entre 1950 et 1965,
les banques centrales ont acheté plus de 7000 tonnes d’or.
Mais cette accumulation a
brusquement pris fin en 1971 après que le président des Etats-Unis, Richard
Nixon, a pris la décision de fermer le guichet de l’or. L’or n’était alors
plus utilisé pour garantir la devise de réserve internationale, qui ne repose
plus depuis que sur la confiance en le gouvernement américain. Le dollar est
alors devenu une devise fiduciaire.
Le cinquième âge d’or – 1973 à
1998 – n’a pas été ce que nous pourrions appeler une transition. Les années
1970 ont été des années de stagflation qui ont aussi subi de gros chocs
énergétiques, et ont été marquées par des conflits géopolitiques et un tumulte
politique interne pour de nombreuses nations.
Mais la situation a commencé à
se calmer dans les années 1980, et l’or a perdu de son attrait, grâce
notamment au gouverneur de la Fed, Paul Volcker, qui était déterminé à
écraser l’inflation et à redonner du lustre au dollar.
Le pic du papier – l’or
aux oubliettes
Nous en arrivons ensuite à ce
que l’OMFIF a qualifié de “période de vente” – le sixième âge d’or. De 1998 à
2008, “les banques centrales, notamment celles des pays développés, dont celles
du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de la Suisse, se sont débarrassé d’une partie
de leurs réserves d’or”.
J’aimerais qualifier cette
période – la naissance de l’expérience de l’euro – de “pic” des devises
papier. C’est aussi pendant cette période que Gordon Brown a décidé de vendre
une grosse partie des réserves d’or de la Banque d’Angleterre alors que le
prix du métal était au plus bas sur vingt ans. Le plus gros creux de l’or a
correspondu à un pic des devises fiduciaires.
Les deux phénomènes étaient
liés, bien évidemment. De l’or était vendu pour acheter des euros. Et tout
était purement politique – l’or n’était pas vendu dans l’espoir d’en tirer un
bon prix, et les euros étaient achetés pour que la jeune devise puisse
obtenir un support de départ.
Il est aussi important de
relever – d’après moi – que les pays européens qui n’ont pas adopté l’euro
sont aussi ceux qui ont vendu le plus d’or pour soutenir la nouvelle devise.
C’est comme s’ils avaient payé des frais de pénalité pour leur manque d’engagement
envers le grand projet.
Le problème, c’est que depuis
lors, l’ère des devises garanties par la dette ne nous a rien apporté. Et
puis il y a eu l’effondrement de 2008, qui a en lui-même été une conséquence
directe des efforts de relancer les marchés après l’éclatement de la bulle
dotcom, et qui a secoué la confiance du public en le système monétaire
international.
Mais aussi la confiance des
banques centrales. Depuis 2008, elles ont ajouté plus de 2800 tonnes d’or à
leurs réserves – près de 10% des réserves totales. La Chine et la Russie ont
été les acheteurs principaux, mais les banques centrales du monde développé
ont aussi accumulé du métal, ou se sont au moins efforcées de ne pas réduire
leurs réserves.
Il s’agit donc de la plus longue
période d’achats depuis celle qui s’est étendue de 1950 à 1665. Comme l’explique
Marsh, “ces achats ont de nouveau souligné le rôle de l’or en tant qu’élément
central de la gestion monétaire, après quatre décennies de tentatives de
démonétisation”.
Voilà qui prouve d’un manque de
confiance remarquable des banques centrales en leur propre gestion des
affaires monétaires, et qui n’est pas sans rappeler la décision de la Banque
d’Angleterre de transférer une majorité de ses fonds de pension vers des
indices liés à l’or.
Et je n’en suis pas surpris. Il
est difficile de croire que le fardeau actuel de la dette finira par
disparaître. Je suis d’avis que nous assisterons à une transformation majeure
du régime monétaire. Une transformation de grande échelle qui sera plus tard
elle-aussi qualifié d’ère, de la même manière que nous qualifions aujourd’hui
d’ère la période de Bretton Woods.
A quoi cette ère
ressemblera-t-elle? Je ne le sais pas. Le public n’aura certainement plus
confiance en les espèces, et à en juger par ce qui se passe aujourd’hui, il
se pourrait qu’il se tourne plus encore vers les devises digitales.
Mais peu importe ce qui se
passera, cette ère sera une période chaotique au cours de laquelle très peu
de choses seront encore fiables.
Avoir un peu d’or dans
votre portefeuille – comme nos banquiers centraux – pourrait être une
précaution appréciable.