Mais voilà un problème se présente dès la première recherche sur le site
de la TDG (journal de parution). L’article n’était plus disponible. Comble de
malchance, il ne l’était pas non plus sur 24 heures (la publication-soeur).
Après une demande faite sur facebook, tout est rentré dans l’ordre et
l’article est en ligne sur les 2 sites.
Bref, c’est donc avec délectation que nous pouvons tous prendre
connaissance des interrogations de M Paolo Bernasconi, un ancien procureur
des plus intègres qui a milité aussi pour la loi Minder sur le plafonnement
des bonus…
Les exemples d’impunité voire d’immunité sont nombreux, sans quoi nous
n’aurions pas eu à assister aux nominations de certaines personnes,
discréditées par de graves soupçons d’infractions, à des postes stratégiques
de la finance helvétique laissant perplexes certains commentateurs étrangers…
Le système a mis en place -avec Finma comme pivot- soit des mesures de
bail out ou de bail in du système bancaire.
Le Bail out fait appel au contribuable via l’Etat pour sauver les banques.
Quant au Bail in, le renflouement bancaire se fait par l’épargnant et
l’actionnaire. N’oublions pas que ce dernier est souvent issu des rangs des
caisses de pension et assurances. Mais l’actionnaire peut être le client
sociétaire de la banque dans le cas d’une Raiffeisen par exemple.
L’année 2016 marque le retour des banques aux «affaires». Noms de code ?
1MDB pour le scandale de l’argent opaque en lien avec la Malaisie, Petrobras
pour celui ramenant au Brésil. La BSI tessinoise, l’une des banques suisses
au coeur des ces réseaux tentaculaires, destinés à planquer les fonds
détournés par la camarilla d’intermédiaires gravitant autour de ces géants
parapublics de deux grandes puissances «émergentes» vient de tomber. Et d’une
manière qui rompt avec les pratiques du microcosme. La FINMA l’a exécuté en
public, mardi dernier. Son sort est scellé. L’établissement, qui emploi 1900
personnes, devrait être fondu dans EFG, l’institution de la famille Latsis.
Banque tessinoise, argent opaque, blanchiment. Scandale, pressions
internationales. Encore? Rien n’aurait donc changé depuis 1977 et l’affaire
Chiasso. Ou depuis 1988 et l’affaire Kopp?
Encore, répond en substance Paolo Bernasconi, l’une des meilleurs
spécialistes de la question. Procureur au début des années 80, longtemps
conseiller des autorités fédérales sur les questions de blanchiments,
l’avocat tessinois insiste certes sur les changements «colossaux» opérés dans
l’arsenal législatif anti-blanchiment et anti-corruption imposé aux banques
ces quarante dernières années. Aujourd’hui, chacun de leur département de
«compliance» emploie des dizaines d’employés chargés de vérifier la légalité
de tel contrat, ou le risque que fait encourir tel client.
«Une chose en revanche n’a pas changé – la cupidité de certains banquier»,
soupire Paolo Bernasconi. Cupidité. Le terme n’est pas de lui. Il a été
prononcé mardi, lors de l’annonce de la dissolution de la BSI, par Mark
Branson, cet ancien d’UBS aujourd’hui à la tête de la FINMA. Depuis quarante
ans le monde bancaire a pourtant tenté de gérer les effets collatéraux de
cette cupidité. «Apparemment ce n’est pas assez», tranche Paolo Bernasconi,
contacté cette semaine à la suite de la chute de l’ancienne Banca della
Svizzera Italiana (BSI). L’avocat tessinois, qui préside Ethics and
Compliance Switzerland – une association de compliance regroupant des
multinationales helvétiques – évoque quatre pistes pour nettoyer le secteur
bancaire.
1- Ne plus payer les banquiers comme des chasseurs de primes
Pour Paolo Bernasconi, il faut lire et relire le communiqué de 4 pages
dans lequel FINMA exécute la BSI mardi. «C’est le résumé de tout ce que l’on
peut faire de pire en matière de gestion de clientèle étatique sensible – ces
fameux PEP [ndlr: Personnes Exposées Politiquement]» résume l’avocat.
Exemple? Dans le scandale en lien avec le Fonds souverain de la Malaisie – le
1MDB – «la personne qui gérait ce compte était celle qui avait le bonus le
plus élevé au sein de la banque» souligne la FINMA. Pour celui qui est
également professeur à l’Université de St Galles, les bonus bancaires
représentent un «système de rémunération criminogène».
Dans le scandale 1MDB, «celui qui gérait ce compte était celui
qui avait le bonus le plus élevé»
A l’issue du vote de l’initiative Minder il y a trois ans – l’avocat
tessinois faisait partie du comité national poussant le texte – le
législateur n’a-t-il cependant pas fini par imposer que les rémunérations soient
approuvées par les actionnaires au sein d’une banque? «Au final l’influence
de ce texte a été extrêmement limitée: les montants versés n’ont cessé
d’enfler depuis», balaie Paolo Bernasconi. Selon ce dernier, il faudra«
lancer une deuxième initiative» sur le sujet.
2- Ne plus accepter de dépôts de personnalités politiques
FIFA, Petrobras ou 1MDB ne représentent que la pointe de l’iceberg de ces
dizaines d’affaires signalées chaque année aux autorités. Autant de cas
soulignant l’incapacité du secteur bancaire à faire la police dans ses rangs?
«En effet, l’histoire montre que quelques moutons noirs ont toujours suffi à
faire échouer cette autorégulation – ce qui a forcé le Parlement à
intervenir», reconnaît, à regret, ce libéral convaincu.
«Des avocats genevois ont tout fait pour affaiblir la loi sur l’argent des
potentats»
Les règles édictées par la FINMA ont pourtant été maintes fois révisées en
ce qui concerne l’argent de la corruption. Mais un pas reste à franchir.
«Aujourd’hui il serait facile de décider qu’aucune banque ne peut désormais
ouvrir de compte pour un membre d’un gouvernement étranger», lance l’ancien
expert du comité conseillant les autorités fédérales dans la lutte
anti-blanchiment.
«Cela ne coûterait en réalité pas grand-chose aux banques et cela
grandirait considérablement l’image de la Suisse», poursuit ce dernier. Le
problème selon lui reste ce «noyau dur» d’irréductibles opposés à toute
évolution. Et notamment «ces avocats genevois qui ont fait tous les efforts
de lobbying possibles pour affaiblir la loi sur l’argent des potentats»,
finalement édictée en décembre dernier.
3- Fin des comptes masqués par des paravents exotiques
Autre interdiction proposée par Paolo Bernasconi: celle d’ouvrir un compte
au nom d’une société boîte à lettre «offshore». Les récentes révélations de
millions de documents – les «Panama Papers» – par la presse internationale
(dont la Tribune de Genève) ont rappelé début avril à quel point ces
paravents restaient utilisés à échelle industrielle pour cacher, dans des
banques, l’argent de la corruption ou du crime.
L’effort pour faire tomber les paravents dressés devant les comptes
bancaires remonte à… 1977. Dans le sillage du scandale dit de Chiasso. Trois
cadres de la succursale du locale du Credit Suisse avaient alors créé une
société-écran liechtensteinoise pour recycler des fonds venus d’Italie et y
cacher des pertes de 1,3 milliards – montant faramineux pour l’époque. La
guilde des banquiers se résoudra peu après identifier de façon systématique
les personnes se cachant derrière les sociétés paravents ouvrant des comptes
chez elles. Au départ ce qu’elles appellent une «convention de diligence»
n’est qu’un gentleman agreement. «Cela faisait rigoler pas mal de banquiers»
se souvient celui qui, procureur à Chiasso, avait dévoilé cette affaire et
fait condamner les cinq responsables.
Il faudra attendre treize ans pour que ces obligations prennent force de
loi. Ce n’est qu’en 1990, que sera ajouté au code pénal l’article 305 ter
faisant encourir jusqu’à un an de prison au banquier qui omettrait «de
vérifier l’identité de l’ayant droit économique d’un compte». Un pas
également franchi à la suite d’un autre scandale (également tessinois) lié au
blanchiment de l’argent de la drogue: l’affaire dite de la «Liban connexion»,
qui, avec 1,5 milliards en jeu, devait coûter son poste à la conseillère
fédérale Elisabeth Kopp.
«Ces scandales récents pourraient bien marquer une rupture
similaire à ceux de Chiasso ou de la Liban connexion»
Le 1er janvier 1998, un autre pas est franchi avec la loi fédérale
anti-blanchiment, introduisant l’obligation de dénoncer toute suspicion quant
à l’opacité de fonds déposés sur un compte. Aux yeux du père de la lutte
anti-blanchiment, les scandales récents de corruption – FIFA, Petrobras ou
1MDB – pourraient bien marquer une rupture similaire.
Mardi, en frappant la BSI, la FINMA a rappelé combien la banque tessinoise
«a soutenu la construction de structures [ndlr: offshore] dans le but
d’atteindre une plus grande confidentialité de l’activité d’investissement»
des centaines de millions de l’argent opaque en provenance du fonds souverain
étranger. Un entrelac de sociétés écrans qui ont conduit la BSI à «ne plus
distinguer comment ces moyens avaient été utilisé», a ajouté l’autorité de
tutelle du secteur bancaire.
4- Faire payer les décideurs, pas les actionnaires
Poursuites pénales à l’encontre d’une BSI reléguée au rang d’établissement
voyou, amende de 40 millions imposée l’an dernier à l’antenne genevoise de
HSBC pour éviter un désastreux procès… les autorités helvétiques sont
enclines à utiliser les méthodes américaines. Est-ce dissuasif? Pas vraiment
à en croire le nombre d’établissements qui ont cru bon d’accepter les dépôts
d’une clientèle américaine en délicatesse avec le fisc après 2009. Ceci alors
que le plus important établissement du pays, UBS venait d’être torpillé à
hauteur de près de 800 millions par Washington.
Si elle ne peut frapper au porte-monnaie, la FINMA s’est cependant vue
dotée en 2009 d’un maigre pouvoir, celui de confisquer les gains tirés d’une
activité illicite. C’est à ce titre que la BSI a été frappée par une retenue
de 95 millions. «Il y a là un paradoxe», s’étonne celui qui
officie depuis cinquante ans comme avocat. D’un côté, «les pouvoirs
publics essaient à grand-peine de forcer les banques à renforcer leur assise
en capital – afin de les rendre plus solides». Mais de l’autre,
lorsque ces institutions sont touchées par un scandale, «ces mêmes
autorités exigent de ponctionner cette assise», remarque l’avocat
tessinois.
«La restitution de ces bonus doit être imposée par la loi»
«Mais qui paie in fine? Les actionnaires de la banque qui n’ont rien
fait!», s’exclame Paolo Bernasconi. Et pendant ce temps, «aucune
mesure sérieusement dissuasive n’est prise à l’encontre des dirigeants
incriminés et des membres du conseil d’administration», s’étouffe
celui qui fut jusqu’en 2013 membre du conseil de surveillance de
l’Association suisse des banquier.
Les banques ont certes la possibilité de porter plainte au civile
contre leurs anciens responsables, pour demander le remboursement des primes
versées. Mais si ces derniers sont en place, une telle décision demeure
illusoire. «En cas de défaillance d’un établissement, la restitution de ces
bonus – des millions censés récompenser sa bonne gestion – doit être imposée
par la loi», esquisse Paolo Bernasconi. Un quatrième objet de combat pour
celui qui a derrière lui cinquante ans de pratique du métier d’avocat.