L’alcool
et le tabac sont depuis longtemps soumis à une taxation
spécifique lourde. Or, dans l’objectif de faire
disparaître leur consommation et de financer le système de
santé, les pouvoirs publics comptent alourdir la charge fiscale qui
pèse sur eux.
Début
2013, les taxes sur la bière ont ainsi été
augmentées de 165% en France et des discussions portent sur
l’augmentation de celles sur le vin. Dans la lignée du plan
cancer 3, un rapport du Sénat, préconiserait d’augmenter
les taxes sur le tabac de plus de 60% sur les cinq prochaines années.
Or,
en dépit des objectifs affichés, une telle politique
présente un bilan mitigé sur le plan sanitaire. Elle est en
réalité une fuite en avant qui débouche in fine sur un marché
parallèle dynamique, menaçant non seulement la filière
légale, mais aussi la santé des consommateurs et les recettes
de l’Etat.
Des effets pervers sur le
plan sanitaire
Plusieurs
études constatent que la hausse de la fiscalité
s’accompagne d’effets qui diminuent son efficacité en
matière de santé.
1. Taxes sur l’alcool : sans impact sur les gros buveurs ; les autres consommateurs se
mettent à consommer des boissons moins chères et/ou plus
fortes, voire même d’autres drogues (cannabis) ;
2. Taxes sur le tabac : consommation plus
intense des cigarettes fumées (plus de nicotine ou de goudron
absorbé par cigarette) ou effet substitution par des produits du tabac
moins chers, tel que le tabac à rouler :
1. la consommation de tabac
à rouler est en hausse dans de nombreux pays européens. En
France, les ventes ont augmenté de 57% entre 2001 et 2012 ;
2. Or, la consommation de
tabac à rouler s’avère au moins aussi,
voire plus néfaste pour la santé des fumeurs : lors d'une
étude, 77% des fumeurs de tabac à rouler fabriquaient des
cigarettes ayant une quantité supérieure de nicotine à
la quantité maximale contenue dans une cigarette manufacturée ;
dans 57% des cas il y a avait plus de goudron que celui présent dans
une telle cigarette.
Cause de «
radicalisation » du marché parallèle
La
contrebande et le trafic illicite d’alcool et de tabac sont aussi
« vieux » que la mise en place des taxes spécifique sur
ces produits.
Leur
cas suggère qu’au-delà d’un certain point, le
marché légal et le marché parallèle fonctionnent
comme des vases communicants. Plus la fiscalité devient lourde plus ce
marché parallèle prend de l’expansion, au
détriment du marché officiel.
Marché
parallèle de l’alcool
Selon l’OMS, il semble encore peu important en France (3%),
contrairement aux pays à forte fiscalité : 15% au Royaume-Uni,
18% au Danemark, 26% en Norvège, 29% en Finlande et 54% en
Suède (chiffres 2003-2005), le seul pays, comme le souligne la
Commission européenne, où les objectifs de santé
publique jouaient un « rôle prépondérant dans la
fixation » des taxes sur l’alcool.
S’engager
dans la voie de ces pays à forte fiscalité représente
des dangers pour la santé. Par exemple, de la vodka fabriquée
à partir d’alcool industriel a été
découverte Outre-manche en 2013. La perte de recettes fiscales
liée à ce marché parallèle est estimée
à 1 milliard de livres au Royaume-Uni.
Fiscalité sur le
tabac et « radicalisation » du marché parallèle
Le
commerce illicite serait en hausse de 30% au sein de l’UE entre 2007 et
2012, selon un rapport de la Commission européenne. En France, le
marché parallèle dans son ensemble a pris un essor important
notamment depuis la hausse des taxes de 2003-2004, représentant
désormais environ 20% du marché officiel (grâce notamment
aux achats transfrontaliers).
Ce
commerce s’adapte et, face aux efforts de répression, il prend
de nouvelles formes.
1. Contrebande de «
cheap whites » (cigarettes produites
légalement, mais destinées à la contrebande) : hausse du
nombre de saisies et des quantités confisquées respectivement
de 52% et de 17% entre 2012 et 2011.
2. Contrebande en provenance
de pays hors UE : recours à de véritables infrastructures comme
un tunnel entre l’Ukraine et la Slovaquie permettant
l’évasion fiscale de 50 millions d’euros par an.
3. Contrebande intra-UE : 9 usines
illégales découvertes en 2011 (avec une production
estimée à 9 millions de cigarettes par jour et parfois avec du
tabac plus mauvais pour la santé) contre 5 en 2011.
Avant
de s’engager davantage dans la voie de la fiscalité
comportementale, l’ensemble de ces effets pervers mériterait
d’être au placé au cœur du débat public.
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Intitulée Fiscalité
comportementale : les cas de l’alcool et du tabac,
l'étude est disponible à : http://www.institutmolinari.org/
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