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Les causes et les conséquences

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Published : October 04th, 2011
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La Grande perdition a ses causes profondes, embrouillées par le tourbillon au jour le jour de l’actualité, ainsi que ses conséquences, dont on a le loisir de contempler les rebondissements. Au premier rang desquelles figure un désendettement chaotique et impossible, qui se manifeste spectaculairement en Europe, mais également aux États-Unis, comme on l’a vu lors de l’épisode de la dégradation de leur notation. Cette fois-ci, on a vu trop grand dans l’endettement !


L’Europe est l’épicentre de la crise actuelle, faisant croire qu’il s’agit d’une crise de l’euro en confondant les causes et les conséquences. S’appuyant sur l’idée qu’une construction européenne inachevée en est à l’origine, et qu’il suffit donc de reprendre celle-ci pour tout régler. Oubliant au passage que la crise est mondiale et pas européenne. Employant un maître-mot, adoré par certains et honni par d’autres : le fédéralisme. Cherchant au bout du compte une solution politique miraculeuse à un problème financier aigu, tandis que d’autres voient dans cette situation la justification de leur opposition de toujours.


On avait cru auparavant cerner le diagnostic, en préconisant que l’Allemagne recentre sa croissance économique sur le développement de son marché intérieur. À la manière des États-Unis réclamant des Chinois qu’ils réévaluent leur monnaie et réorientent leur production vers leur marché intérieur. Mais ces rééquilibrages ne peuvent au mieux se réaliser que progressivement, laissant les problèmes qu’ils identifient entiers dans l’immédiat, sans aborder les autres, plus fondamentaux.


Plus d’Europe sans attendre, tel est le programme que vient de proposer dans Die Welt le très pro-européen ministre allemand des finances Wolfgang Schaüble. Il préconise une fois de plus des transferts de pouvoir fiscal et budgétaire plus importants au niveau européen, tout en souhaitant qu’ils bénéficient d’une légitimité démocratique, dont il ne précise pas les modalités.


Il est proposé de serrer les rangs dans l’adversité, pour ne pas avoir à affronter dans le désordre une crise qui sinon emporterait tout, et pas seulement l’euro. Au nom d’une discipline budgétaire renforcée et en l’occurrence à courte vue, qui – on le voit clairement déjà en Grèce, et ce n’est pas un cas particulier – fait plonger l’économie occidentale dans une spirale récessive, et sans doute dans la stagflation. La peste et le choléra à la fois.


Une variante de cette politique s’appuie sur l’éventuelle arrivée prochaine au pouvoir des sociaux-démocrates, en Allemagne et en France, porteurs d’une inflexion sociale rendant plus acceptable la poursuite de la stratégie de désendettement actuelle. Mais le problème n’est pas qu’elle soit acceptable – ce dont on peut douter – mais tout simplement possible !


Si au chapitre du diagnostic les dirigeants n’ont pas été particulièrement brillants, à celui des remèdes, on se réfugie volontiers dans des solutions qui n’en sont pas. L’émission d’euro-obligations en est l’exemple même, qui fait penser que parce que le pansement va être plus résistant le malade va en sortir guéri. Se mettre à plusieurs n’est pas une solution magique, faut-il encore tirer sur le bon fil rouge !


Deux grandes questions demandent en réalité à être tranchées et sont actuellement en débat :


1. Va-t-on ou non poursuivre la restructuration de la dette grecque au-delà de ce qui a déjà été décidé, ce qui ouvrira la porte à ce que la même opération soit réalisée demain pour un autre pays ?


Jacques de Larosière, ancien directeur général du FMI, et ci-devant conseiller de BNP Paribas, affirme ce matin dans Les Échos que la dégringolade boursière des banques « défie la raison ». Selon un calcul dont on aimerait beaucoup connaître le détail, il considère en effet que les banques françaises pourraient rattraper en moins d’une année de bénéfices la perte que représenterait la comptabilisation à la valeur de marché actuelle de l’ensemble des titres de dettes souveraines qu’elle détiennent. Il est des paroles irréfléchies : on nous permettra de dire « chiche ! », afin de faire rendre raison aux marchés.


En prélude à la réunion d’aujourd’hui des ministres des finances européens, George Osborne, le chancelier de l’échiquier britannique, vient quant à lui d’appeler instamment les banques à renforcer leurs fonds propres.


Si elle est lourde de conséquences, la décision à prendre n’est pas compliquée dans son énoncé : faut-il ou non partager le fardeau du désendettement avec les investisseurs privés ? Si oui, comment les soutenir, puisqu’ils n’en sont pas plus capables que les États placés sur la sellette ? Si la patate est à ce point brûlante, suffit-il d’attendre qu’elle se refroidisse ou faut-il carrément la couper ?


2. Le parapluie financier qui va devoir être ouvert pour protéger l’Italie et l’Espagne va-t-il ou non se faire aux bons soins de la BCE ?


Sur cette deuxième question, on constate des prises de position contradictoires. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, a déclaré ce matin que « tout filet de protection durable doit venir des gouvernements », manière détournée de dire que la BCE ne peut pas y pourvoir, tandis que Der Spiegel affirme que Mario Draghi, futur président de la BCE, serait favorable à ce que le FESF obtienne une licence de banque, ce qui lui donnerait accès aux financements de la banque centrale.


Les analystes financiers, pour leur part, manifestent leur scepticisme à propos du rôle central qui serait accordé au FESF. En premier lieu parce que sa nouvelle voilure pourrait avoir comme conséquence, en contre-partie des garanties supplémentaires concédées par les États, une diminution de la note des mieux dotés.


En second lieu parce que si le FESF ne s’appuyait pas sur le financement de la BCE, son mécanisme de rehaussement du crédit rappellerait celui des produits structurés de triste mémoire. Un rapprochement qui n’échappera pas aux marchés. Les garanties fournies par les États constitueraient les réserves prévues pour le rehaussement global du crédit du FESF, avec pour fonction in fine de garantir les États eux-mêmes. Un tel empilement de garanties ferait du FESF une dangereuse structure toxique en puissance, est-il analysé.


Voilà résumés les véritables enjeux des jours et des semaines à venir. Le reste est accessoire, si ce n’est irréaliste. Si la situation appelle une réponse politique, celle-ci devra s’appuyer sur des engagements financiers et non pas sur un énième raccommodage. À défaut d’un plan B, un plan A’…





Billet rédigé par François Leclerc

 

 



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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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