Ils
sont encore loin du but, car tout reste à finaliser, et il va falloir
des semaines pour y parvenir est-il reconnu !
En
attendant de trouver le montage financier miracle qui va faire office de
« pare-feu » pour l’Italie, et pour la zone euro toute
entière, des solutions de fortune vont être mises en place. Le
FESF devrait engager sans attendre des achats de la dette italienne sur le
second marché, afin de stabiliser son taux et d’éviter
qu’il ne devienne totalement insoutenable (il l’est
déjà, dans la réalité).
Vu
le temps qui risque d’être nécessaire pour mettre en place
un nouveau dispositif financier, les moyens du FESF étant insuffisants
au regard de la tâche qui lui est dévolue, il se profile que la
BCE pourrait également continuer ses achats – elle est le seul
bouclier crédible – car deux précautions valent mieux
qu’une étant donné l’enjeu : il n’y aura pas
de seconde chance si l’Italie tombe dans le trou, tandis que les paris
sont ouverts sur la capacité de la coalition italienne au pouvoir
à satisfaire les exigences des dirigeants européens. Cela sera
un des enjeux du sommet que de le demander formellement à la BCE,
sachant qu’elle restera nécessairement une solution de derniers
recours.
Sauver
l’Italie est vital, mais en faire autant de la Grèce est tout
aussi indispensable. Devant le risque de piétinement des
négociations avec l’Institute of International Finance, qui
représente les banques détentrices de la dette grecque, il
n’est pas exclu qu’un passage en force soit finalement
décidé, et que soit présentée comme volontaire
une mesure en réalité forcée, en prenant le risque
d’une réaction des marchés. A un moment donné,
le distinguo devient subtil…
Y
a-t-il encore le choix ? Peut-il être répété la
séquence précédente de l’été et
attendu de nombreuses semaines avant que les négociations avec les
banques finalement débouchent, si c’est le cas ? Peut-on une
nouvelle fois prendre des demi-mesures et s’en tenir à une
décote de 40%, alors qu’il a été calculé
par la Troïka que 60% était nécessaire pour que la
Grèce puisse renouer avec la solvabilité ? Enfin, la menace
suffira-t-elle pour amener les banques à résipiscence ? Poser
ces questions, c’est semble-t-il y répondre. Ce qui ne
réglera pas un autre problème: la Grèce devra renflouer
ses banques et les caisses de retraite, à un coût qui annihilera
une partie significative des effets de la restructuration…
Le
destin du Portugal est entre temps oublié, qui va se rappeler à
l’ordre.
Il
a été par ailleurs calculé que la recapitalisation qui
est projetée des banques devait se faire en application d’un
ratio de 9% entre leurs fonds propres et leurs engagements, ainsi que
d’une valorisation de la dette souveraine à la valeur du
marché pour quantifier ceux-ci. Ce sont les banques des pays du Sud
qui vont de devoir le plus y procéder. On comprend mieux la virulente
opposition de la banque espagnole Santander à toute recapitalisation.
Mais
le gros morceaux est de se mettre d’accord sur
le « pare-feu », à propos duquel plusieurs options sont
sur le tapis. A remarquer que cette expression a remplacé au
débotté « l’effet levier », avec pour mérite
de clairement identifier le danger à défaut d’en faire
autant pour le remède.
La
première option reste européenne et repose sur un dispositif
assuranciel, qui garantirait les investisseurs achetant de la dette des pays
y adhérant (moyennant conditions) à hauteur de 20 à 30%
des montants investis. Mais elle se heurte à deux difficultés
pouvant aboutir à écarter cette solution : l’effet levier
qu’elle permet est limité (coefficient 5 dans le cas d’une
assurance portant sur 20% de l’investissement) et rien ne dit que les
investisseurs se satisferont d’une telle garantie limitée, vu le
sort réservé à la dette grecque. Dans ces conditions, les
marchés n’auront même pas besoin d’anticiper
pour prendre leur décision !
Un
autre montage est donc étudié, qui pourrait venir en
complément et s’appuierait sur la création d’un véhicule
spécial (comme l’est le FESF), dans lequel pourraient
investir des fonds souverains et des banques. Une variante adosserait ce véhicule
spécial au FMI et non plus au FESF. En tout état de cause,
le risque serait évacué vers ces nouveaux investisseurs, qui
disposent des moyens financiers qui font défaut aux européens,
mais qui ne manqueront pas de demander des compensations pour les bas taux
qu’ils accorderont. Tout reste à négocier pour que cette
seconde hypothèse devienne réalité.
Dans
les deux cas – sans entrer dans le détail de mécanismes
financiers sophistiqués puisés dans la boîte à
outils d’une ingénierie créatrice (et dangereuse) –
l’objectif est d’apporter aux marchés des garanties
afin que les taux obligataires des pays émetteurs redescendent de
leurs sommets. Pour appeler les choses par leur nom, de créer un
marché obligataire sous assistance subventionné en
dernière instance par les Etats. C’était cela ou la
BCE…
Les
deux sommets de demain ne pourront pas conclure si des négociations
internationales doivent être engagées pour financer le sauvetage
de l’Europe. La balle sera renvoyée au G20, qui débutera
dans une grosse semaine, ce qui ne donnera pas non plus un répit
suffisant pour finaliser un dispositif. D’où l’importance
des solutions palliatives mises en place avec le FESF et la BCE en second
rang.
La
fragilité des dispositifs est impressionnante, comme si elle
s’accentuait au fur et à mesure que de nouveaux plans
d’action se révèlent nécessaires, avec à
chaque fois la garantie illusoire que cela sera le dernier. Comme on le
disait des guerres… Pour ne prendre qu’un exemple, recapitaliser a minima les banques n’est possible que si le FESF
achète les titres de la dette italienne dont la détention
pourrait menacer certaines d’entre elles (BNP Paribas au premier chef),
transformant le Fonds en une bad bank potentielle. Le risque n’est pas
supprimé, il est transféré auprès des garants du
FESF, une fois de plus les Etats.
Après
avoir été refusé jusqu’à il y a encore
très peu de temps, il a été reconnu qu’il fallait
agir sur deux tableaux : restructurer une dette grecque insoutenable et
renforcer les banques pour qu’elles puissent faire face à de
nouveaux chocs. En espérant que ceux-ci n’interviendront pas,
les ardeurs du marché obligataire ayant été calmés par l’assistance qui leur est
apportée par les Etats encore vaillants. Un sacré pari,
à voir le sort réservé ce matin à une
émission obligataire espagnole pourtant à trois mois seulement.
Mais
cette adaptation de la stratégie qui a été depuis le
début adoptée fait l’impasse sur
une nouvelle menace qui la condamne sans appel : la récession
économique et la spirale descendante qui va l’accompagner. A
chaque jour suffit sa peine, vont-ils se dire demain, à Bruxelles,
après avoir accouchés d’une souris.
Résumer
la crise européenne à une gestion irresponsable de la dette
publique, à laquelle il suffirait de remédier, est une histoire
à laquelle même les enfants ne peuvent pas croire. C’est
pourtant ce qui tenté, sans voir ce qui s’annonce et
qu’ils accélèrent encore… comme de vrais
irresponsables.
Le
nouveau thème à la mode, la relance de l’Europe
permettant une sortie de la crise par la haut, fait
l’impasse sur une interrogation qui reste en suspens : quelle est la
nature du développement futur de l’Europe, sur quelles
ressources devrait-il s’appuyer ?
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