La politique est bien entendu un
organisme social, ce qui signifie qu’elle représente plus que la somme de ses
différentes composantes. Elle est un corps politique, si vous
préférez, de la même manière que chacun d’entre nous représente plus que son
simple corps. La politique est vivante tout autant que nous le sommes. Nous
avons des besoins que nous avons l’intention de satisfaire. Cette intention
nous anime et nous force dans une direction ou dans une autre afin de rester
en vie, ou mieux encore, de prospérer.
La politique américaine ne
prospère pas. Elle ne cesse plus d’échouer à satisfaire ses besoins, et joue
aux cartes avec elle-même dans le seul but de prétendre que tout va bien,
alors que ses organes institutionnels et ses opérations économiques se
décomposent. Elle erre ici et là, tourne à gauche et à droite telle un
ivrogne sur l’autoroute. Elle a bu bien trop des mensonges qu’elle se
chantonne pour éviter d’avoir à faire face à ses véritables besoins. Mais les
contes ne sont pas la réalité.
Voici une question qu’il nous
est impératif de nous poser : voulons-nous vivre dans une société saine ?
Voulons-nous prospérer ? Et si c’est le cas, alors pourquoi laisser des
contes se tenir en travers du chemin que nous devrions suivre ?
Commençons par ces soi-disant
soins de santé. De quel conte s’agit-il ici ? De l’idée que les « prestataires
de soins » (médecins et hôpitaux) peuvent s’allier à des sociétés
bancaires appelées « compagnies d’assurance » pour allouer de
manière « aussi juste que possible » des « services » à
la population, sans aucune aide de la part du gouvernement. Mais ce n’est pas
ainsi que les choses fonctionnent. Les trois « acteurs » s’engagent
de leur plein gré dans une matrice de racket – et extraient d’énormes sommes
de monnaie au public qu’ils prétendent servir. Et ils le font deux fois :
la première au travers de leurs frais, et la deuxième au travers des taxes
versées pour mitiger les effets de leur racket.
Et le public a aussi son propre
conte, qui veut qu’il n’y ait aucune connexion entre ses problèmes médicaux
et la manière dont il vit. Le fait est que les gens mangent trop de
nourriture empoisonnée parce que c’est ce qu’ils préfèrent, et ils le font
parce que les habitudes de la vie qu’ils ont laissé se développer dans ce
pays ne leur apportent autrement que des satisfactions dérisoires. Ils vivent
dans des environnements sinistres, qu’ils passent bien trop de temps et
dépensent bien trop d’argent à parcourir de long en large au volant de leur
voiture, et ont été les complices de tous les efforts de démantèlement de l’armature
des échanges sociaux qui donne ce que nous pourrions appeler une dimension
humaine à la vie de tous les jours.
Le racket médical représente
quelques 20% de l’économie, et gonfle à mesure que le public devient de plus
en plus gros, malade et déprimé. Et pourtant, rien n’indique que nous
souhaitions nous extirper des histoires qu’on nous raconte.
En voici d’ailleurs une autre :
nous traversons une « reprise » économique – après qu’un dos d’âne
nous ait supposément fait quitter la route en 2008. Ce n’est pas vrai. L’économie
des Etats-Unis est entrée dans un état permanent de contraction, parce qu’elle
ne peut plus se permettre de payer pour l’énergie fossile nécessaire à l’expansion
de ses activités techno-industrielles (et parce qu’il n’en existe aujourd’hui
aucun substitut adéquat). Nous avons tenté de couvrir cette réalité en
empruntant de l’argent à l’avenir, en émettant des obligations pour « créer
de la monnaie », mais ce racket vient de toucher à sa fin, parce qu’il
est désormais évident que nous ne pourrons jamais rembourser notre ancienne
dette, et n’aurons aucune chance de rembourser la plus récente. De la nouvelle
dette a récemment été émise pour rembourser la plus ancienne, et il ne faut
pas être un génie pour comprendre où cela nous mènera.
La réalité veut que nous ayons
impérativement à gérer la contraction de notre économie, mais parce que ce n’est
pas chose facile, et qu’il nous faut pour y parvenir changer quelque chose
qui nous est familier, des arrangements qui nous sont confortables, nous
continuons de prétendre que nous pourrons toujours continuer d’élargir le
système actuel. Et ces prétendus ne font qu’accentuer la fragilité du
système, et nous poussent droit vers un échec soudain qui pourrait littéralement
détruire la société civilisée.
Un autre conte aujourd’hui
populaire – qui préoccupe particulièrement les élites – veut que nous ayons
le pouvoir de changer la nature humaine, plus particulièrement la sexualité
et les comportements qui dérivent de l’existence de mammifères de sexes
opposés. Ce conte est profondément entremêlé avec la mode et la recherche de
statut, le plus élevé de tous étant actuellement conféré à ceux qui ne se
disent appartenir ni à un sexe ni à l’autre. C’est un comportement qui a été
identifié par Hugo Salinas Price comme une nouvelle forme de gnosticisme, et
est désormais l’idéologie dominante sur les campus. Certains l’appellent « marxisme
culturel », mais il s’agit véritablement d’une forme de religion, qui
nous distrait de la tâche plus adule qu’est la gestion de la contraction
économique et de la reconstruction des armatures sociales de l’économie
politique.
Ces conditions me poussent à me
poser une question plus générale : combien de temps continuerons-nous encore
de prétendre que ces contes ne sont pas différents de la réalité ? Comme
je l’ai déjà dit, la réalité elle-même devra forcer le processus en apportant
des circonstances si désastreuses qu’il ne nous sera plus possible de nous raconter
les mêmes vieilles histoires. Et le jour fatidique n’est plus très loin.