Le président
Trump a été élu en raison de ses nombreuses promesses, l’une d’entre elles se
trouvant être le financement de réductions fiscales au travers de réductions
des dépenses publiques. Les cyniques pourraient noter que sa première
décision a été d’augmenter le budget militaire de 54 milliards de dollars, l’équivalent
de six armées polonaises.
C’est loin d’être un bon début.
Trump est acclamé, dans certaines régions, comme le nouveau Reagan, un président
républicain qui comprenait l’impuissance de l’Etat, et le fardeau qu’il
représente pour la libre-entreprise. Ce n’est, là non plus, pas un bon
précédent.
Les taxes et les déficits ont
augmenté sous Reagan. Comme Murray Rothbard l’a expliqué en 1988 dans son
analyse rétrospective des années de Reagan à la Maison blanche :
« Pour commencer, la
célèbre réduction fiscale de 1981 n’a aucunement réduit les taxes. Il est
vrai que les impôts applicables aux tranches d’imposition supérieures aient été
réduits ; mais pour l’individu moyen, les taxes ont augmenté plutôt que
décliné. La raison en est que, dans l’ensemble, la réduction des impôts sur
les revenus ait été plus que contrebalancée par deux autres hausses. La
première a été la modification des tranches d’imposition, une inflation
silencieuse qui a discrètement mais sûrement fait passer certains individus
dans la tranche d’imposition supérieure afin qu’ils paient des impôts
proportionnellement plus élevés, bien que les taux d’imposition soient restés
les mêmes. La deuxième a été la hausse de la taxe sur la sécurité sociale,
qui a contribué à la hausse générale des taxes. »
Au cours des années Reagan qui
ont suivi, les impôts collectés ont augmenté. L’IRS a fait grimper ses frais,
et s’en est pris à ceux qu’il suspectait d’évasion fiscale. Ces hausses n’ont
rien fait pour réduire le déficit budgétaire, qui s’est élevé à 4,2% du PIB par
an sur la durée de son mandat. Malgré les promesses de Reagan de réduire l’Etat
i.
La réalité à laquelle font face
tous les présidents entrants est que l’Etat est une entité parasite déliée de
son hôte électoral duquel il se nourrit. Et ses fonctionnaires permanents le
savent. Ils sont très doués pour protéger leurs budgets, et peuvent
facilement faire pleuvoir des conséquences néfastes sur un président qui
oserait les réduire. En matière de défense, les Etats-Unis dépensent déjà
plus que les dix autres plus grosses puissances militaires combinées, dont la
Chine et la Russie, et six de leurs propres alliés. Il serait bien plus
sensible de réduire le budget militaire, comme l’a d’abord proposé Trump, que
de l’accroître de 54 milliards de dollars. Il semblerait qu’il ait eu affaire
aux membres permanents de l’armée.
La citation de Rothbard
ci-dessus est également valide pour le Royaume-Uni d’aujourd’hui, dans le
contexte de sa décision budgétaire de la semaine dernière. Le chancelier, Philip
Hammond, a annoncé une hausse mineure des taxes de sécurité sociale versées
par les autoentrepreneurs, sur le principe de l’équité. Il était clairement
en violation avec le manifeste électoral du parti conservateur selon lequel
les taux d’imposition, y compris celui lié à la sécurité sociale, ne seraient
pas rehaussés. Nous avons donc là un politicien élu plus motivé par les
arguments de ses fonctionnaires permanents que de ses propres promesses aux
électeurs. Seule l’opposition générale des parlementaires conservateurs l’ont
forcé à revenir sur sa décision.
Une partie du problème auquel
font face les gouvernements est que l’inflation, que Rothbard a décrite comme
les modifications de tranches d’impositions, ne revient pas seulement à une
réconciliation des numéros d’identification fiscale. Les établissements
dépensiers ont recours à tous les moyens possibles pour rehausser les taxes,
malgré leurs promesses de ne pas le faire. Les dépenses générales d’un
gouvernement ne sont jamais réduites pour équilibrer le budget national.
Ainsi, les dépenses
gouvernementales, notamment dans les Etats-providence, ne cessent jamais de
grimper. Même pendant les années Thatcher, elles sont passées de 85,2 à 201
milliards de livres, malgré les privatisations en masse d’industries
publiques en déficit. Et Margaret Thatcher était une grande admiratrice d’Hayek.
Les conservateurs, qui lui rendent hommage, ont aujourd’hui cessé de
prétendre que les dépenses publiques devraient être réduites, et s’en
prennent même aux contribuables qui ont recours à des méthodes légitimes de
planification fiscale pour réduire l’impact de la déprédation de l’Etat.
Le concept keynésien derrière l’intervention
de l’Etat dans l’économie, qui veut qu’à ce stade du cycle économique, les
finances du gouvernement soient en surplus, n’est plus applicable. Nous
sommes passés de tentatives de gérer les cycles économiques à un besoin
constant d’accroître les fonds prélevés au public par tous les moyens,
déclarés comme dissimulés. Et si certaines taxes ne voient pas le jour, les
gouvernements empruntent, détournent du capital depuis le secteur privé
productif, ou impriment de la monnaie sous forme de crédit bancaire,
dévaluant ainsi le capital de tout un chacun. Les acteurs du secteur privé en
sortent toujours perdants.
Imaginez à quoi ressemblera le
déficit la prochaine fois que le cycle se retournera, chose qui se passera
aussi sûrement que la nuit laisse place au jour. Notez comment, au lendemain
de la crise Lehman, les dépenses publiques ont augmenté dans tous les
Etats-providence, à mesure qu’ils ont tous fait ce qu’ils savent faire le
mieux : dépenser l’argent du secteur privé, à une heure où le secteur
privé en avait le plus besoin.
Il n’est pas surprenant que ce
comportement parasitique empêche encore largement les acteurs du secteur
privé à créer du capital véritable autrement qu’au travers de la spéculation,
huit années après la dernière crise financière. Nous avons traversé un cycle
expansion-récession bien défini alimenté par le crédit. Mais plutôt que d’établir
des politiques monétaires pour empêcher à cette situation de se reproduire,
les banques centrales ont encouragé les banques commerciales à créer
davantage de crédit pour alimenter le cycle économique. En empêchant la
destruction créatrice qui s’intègre naturellement dans une période de récession,
comme l’a expliqué Schumpeter, le chômage de masse se trouve différé. Les
entreprises non compétitives survivent telles des zombies, et imposent un
frein au progrès économique. L’Etat, quant à lui, a économisé des fonds en matière
d’allocations chômage, et continue de prélever des impôts à ceux à qui il a permis
de garder un emploi.
L’accumulation cyclique de dette
par le secteur privé ne disparaît jamais du système, et finit par entraîner
un super-cycle du crédit, qui voit l’accumulation de mal-investissements
couvrir plusieurs cycles du crédit. Les deux super-cycles que nous avons
traversés depuis la naissance de la Fed ont atteint leur apogée en 1929 et à
la fin des années 1970, et ont présenté des caractéristiques bien
différentes. Les crises du crédit représentent une menace constamment accrue
pour la survie du système financier. Comment pourrions-nous oublier ce qui s’est
passé après l’effondrement de Lehman ; l’effondrement des prix, et le
plus gros chèque bancaire jamais signé, d’une valeur de 13 trillions de
dollars, financé par la dévaluation monétaire et offert aux banques par la
Fed ? Au vu de la dette non-productrice accumulée depuis 2008, que
pouvons-nous attendre de la prochaine crise ?
Quand le prochain effondrement
se produira, nous pouvons être certains qu’il sera d’une échelle plus
importante encore. La dette du secteur privé aux Etats-Unis et ailleurs est
désormais si importante et si dangereuse qu’il pourrait suffire de bien moins
que d’une hausse des taux d’intérêt pour que tout s’effondre. Le cycle du
crédit présente des signes de fatigue tels que le temps pourrait suffire à l’abattre.
Très peu de gens comprennent les
dynamiques d’un cycle du crédit, parce qu’on les a poussés à croire qu’il s’agit
d’un cycle économique susceptible d’être corrigé par une création judicieuse
de crédit. Keynes, le dieu économique des économistes d’Etat, s’est trompé.
Les monétaristes aussi, qui pensaient que les banques centrales n’avaient qu’à
modifier leurs politiques. Il est impossible de répondre à un cycle du crédit
par la gestion des taux d’intérêt et la création de toujours plus de crédit.
Cela revient simplement à donner à un pyromane une nouvelle boîte d’allumettes.
C’est une situation qui frustre
énormément la majorité silencieuse, les « déplorables », pour
reprendre les mots d’Hillary Clinton, ceux qui demeurent silencieux jusqu’aux
élections. Pour les déplorables, obtenir ce pour quoi ils votent s’avère
impossible, parce que le faire reviendrait à remettre l’Etat lui-même en
question. Nous pouvons le voir au travers des luttes quotidiennes entre l’Etat
américain et le nouveau président. L’idée que le président dirige l’Etat est
lentement réfutée. Le Deep State, les agences de renseignements dont les
conseils ont jusqu’alors toujours été acceptés par les présidents, gagne de
jour en jour des batailles clés contre le président Trump. Poutine est de
nouveau diabolisé, des forces américaines sont de nouveau déployées pour
combattre Isis (une organisation terroriste créée par l’approbation tacite
des alliés des Etats-Unis), et 54 milliards de dollars supplémentaires vont
être dépensées par le secteur militaire.
La bataille la plus importante
entre l’Etat et le président se jouera cette semaine. Le Trésor n’a plus d’argent.
Le président tentera-t-il de réduire l’Etat, comme il l’a promis aux déplorables,
ou trahira-t-il ses électeurs en faveur d’une hausse du plafond de la dette,
d’une hausse des taxes, ou les deux ? La position du président est
remise en question non seulement par le Deep State, mais aussi par le
Département du Trésor.
Pour les marchés financiers, les
conséquences en seront potentiellement alarmantes. Les évaluations boursières
sont basées sur l’idée que Trump sait ce qu’il fait et pourra parvenir à ses
objectifs. S’il échouait et devait rehausser les dépenses publiques et les
taxes, les marchés boursiers surévalués se trouveront affaiblis par l’argent
qui sortira de Wall Street. Non seulement les entreprises continueront d’avoir
besoin de financer leurs mal-investissements au travers d’un niveau d’endettement
croissant, un déficit gouvernemental croissant, en l’absence d’une hausse des
taxes, nécessitera aussi une accélération des émissions d’obligations par le
Trésor. Ajoutez à ces flux de capitaux qui draineront les marchés financiers
le besoin pour la Fed de rehausser les taux d’intérêt à mesure qu’accélèrera
l’inflation, et vous avez tous les ingrédients nécessaires à un retournement
brutal du marché obligataire.
Et c’est probablement ce qui se
passera. La réponse à la question posée par le titre de cet article est
simplement un « non » empathique. Les déplorables sont loin de
comprendre ces dynamiques, et il semblerait que ce soit aussi le cas de
celui qu’ils ont désigné, le président Trump. La Fed, qui continue de croire
qu’elle gère un cycle économique, ne semble pas non plus le comprendre.
Comment la situation pourrait-elle bien tourner ?
i voir Why American History is not what they say: An
Introduction to Revisionism par Jeff Riggenbach, p.167.