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On
n’aura jamais autant parlé de solutions à la crise de la
dette européenne et aussi peu agi simultanément. Les rumeurs se
multiplient, les démentis catégoriques de même : le FMI serait
en train d’étudier un prêt de plusieurs centaines de
milliards de dollars à l’Italie, en s’adossant à la
BCE faute d’en avoir les moyens ; réunis autour de
l’Allemagne, le cœur de la zone euro dotée de la note AAA
étudierait l’émission d’obligations d’élite,
afin de venir via le FESF au secours des pays attaqués. De fortes
attentes sont exprimées, mais rien n’est pour l’instant
sur le tapis.
En
Belgique et en Italie, des emprunts d’État destinés aux
particuliers ont été symboliquement lancés.
Dérisoires cagnottes en dépit de leur succès,
comparées aux besoins financiers, ridicules remparts comme l’ont
été la semaine dernière les quelques 8 milliards
d’euros d’achats obligataires de la BCE.
Venant
confirmer que l’achat de la dette européenne n’est pas leur
priorité, les dirigeants du fonds souverain chinois CIC ont
précisé leur intention d’investir dans les
infrastructures américaines et européennes, y compris pour en
devenir les opérateurs, un secteur où les besoins sont
importants et les rentabilités à long terme prometteuses.
Les
modalités techniques de multiplication des moyens financiers du FESF
vont être demain mardi adoptées par les ministres des finances
européens, mais les déclarations imprécises se sont
succédées à propos de son fameux effet levier, si
bien que l’on ne sait plus qui il faut croire : le Klaus Regling (son directeur général) qui
évoquait il y a trois jours un coefficient 2, voir 3 dans le meilleur
des cas, ou celui qui parle aujourd’hui devant une autre tribune
d’un coefficient entre 3 et 4 !
Dans
ces conditions, les pays les plus proches de l’Allemagne flanchent, la
Finlande à propos d’une intervention de la BCE, désormais
de circonstance, ou l’Autriche en ce qui concerne
l’émission d’euro-obligations. Les Polonais appellent les
Allemands à agir, devant « les conséquences
apocalyptiques » de la fin de l’euro. L’OCDE se met de la
partie et craint « un événement négatif majeur
», qui pourrait avoir des conséquences dévastatrices pour
l’économie mondiale, et estime que « les décideurs
doivent se préparer au pire ». « Seul instrument efficace
pour faire barrage à la récession », la BCE doit «
agir maintenant ».
Les
marchés, eux, sont euphoriques comme si de rien n’était,
se raccrochant aux rumeurs et ne voulant pas croire aux démentis, dopés
par l’espoir d’un accord politique franco-allemand en faveur
d’un pacte de stabilité musclé. Celui-ci est pour
l’instant à géométrie variable, sa
présentation adaptée aux circonstances et aux aléas des
débats politiques nationaux. Les pays qu’il pourrait concerner
sont tout aussi indéfinis que ses modalités, allant de
l’ensemble de l’Union européenne à un groupe
restreint des membres de la zone euro, ce qui désignerait
aussitôt à la vindicte des marchés ceux qui ne
l’auraient pas rejoint.
Pour
sans nul doute tout clarifier, des discours de Nicolas Sarkozy et
d’Angela Merkel qualifiés d’importants
sont annoncés pour jeudi et vendredi prochains, avant la tenue
d’un sempiternel sommet européen, les 8 et 9 décembre !
Afin de poursuivre la chronique des grands de ce monde, Barack Obama a
rencontré à Washington José Manuel Barroso et Herman van
Rompuy, toujours dans l’attente d’un
plan européen crédible aux yeux des marchés,
après que Moody’s a annoncé dimanche qu’au rythme
où vont les choses, la note de tous les pays européens,
même les plus solides, était menacée. La rencontre devait
être à l’origine consacrée à la situation
dans le monde arabe, mais un autre ordre du jour s’est imposé.
Utilisant une formulation inédite, Barack Obama a affirmé que
les États-Unis étaient prêts « à faire leur
part » pour aider l’Union européenne, sans préciser
en quoi cela pourrait consister.
Les
prévisions de l’OCDE font désormais dans le genre
apocalyptique, analysant différents scénarios intitulés
« du pire », et estimant les effets domino d’un
défaut désordonné d’un État sur sa dette,
via le système bancaire et le marché obligataire. Il en
résulterait de nouvelles hausses sur ce dernier marché, qui
impliqueraient des mesures renouvelées de rigueur, inhibant la
croissance et créant un cercle vicieux. La diminution de l’offre
de crédit des banques y contribuerait, en raison de
l’approfondissement de leur propre crise. Il en découlerait une
déstabilisation du système bancaire et de nouveaux
défauts d’États. Il a fallu de très nombreux mois
pour que ce schéma soit reconnu…
L’ampleur
de ces phénomènes en série dépendrait de la
taille du ou des pays faisant défaut à l’origine. Une
sortie de la zone euro serait toute aussi dévastatrice, induisant une
profonde dépression atteignant l’économie mondiale dans
son ensemble. En attendant que de telles prédictions se
réalisent, l’OCDE estime que la contagion est «
entrée dans une nouvelle phase », et que la zone euro, qui
connait une « légère récession », est
appelée à stagner l’année prochaine. Toute la zone
OCDE est dans le même cas selon elle, du Japon à l’Europe
et aux États-Unis, même les pays émergents pouvant
en subir le contre-coup. Si les États-Unis
entraient à leur tour en récession, l’organisation ne
voit pas comment elle pourrait en sortir, même avec les moyens
monétaires de la Fed.
N’ayant
pas l’honneur de faire les manchettes de l’actualité,
qu’elle ne revendique surtout pas, la crise de l’endettement des
banques européennes s’accentue dans la discrétion,
parallèlement à celle de la dette publique. Celles-ci
n’ont vendu cette année que pour 413 milliards de dollars
d’obligations, alors qu’elles doivent rembourser 654 milliards de
dollars, selon le Financial Times. Cette situation inédite laisse 241
milliards de dollars de trou. 720 milliards de dettes devront être
refinancées l’année prochaine, arrivant à
maturité.
Les
banques doivent également augmenter leurs fonds propres, à un
niveau inférieur pour l’instant aux 200 milliards de dollars que
le FMI avait estimé nécessaire et, comme déjà
évoqué, les investisseurs ne se pressent pas à leurs
portes. Ni pour acheter des actions, ni pour en faire autant des obligations.
Les banques s’engagent donc dans des opérations de conversion d’obligations
en actions, d’échanges d’actifs et dans une
réduction de leurs engagements en s’en délestant comme
elles peuvent. Tous les moyens sont bons, comme lorsque l’on doit
alléger d’urgence la charge d’un bateau qui menace de
couler, y compris en réduisant leurs opérations de
crédit.
On
a aussi vu comment pouvaient être opérés des bidouillages
sur les pondérations de risque des actifs. Mais la grande inconnue est
l’impact sur le crédit et ses répercussions sur
l’économie. Le rétablissement des banques a un
coût, qu’elles vont faire payer aux entreprises (les PME en
priorité), aux collectivités et aux particuliers.
La
conjonction des deux crises de l’endettement privé et public va
lourdement peser sur l’économie et entraîner tous les pays
occidentaux dans une récession de longue durée, avec son
cortège de misères. Cependant, aucune réponse
n’est à l’heure actuelle apportée à cette
tendance lourde, car cela impliquerait des reconsidérations peu
orthodoxes chez les bien-pensants.
Billet rédigé par
François Leclerc
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