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Dans son billet du 17 juillet
intitulé Let's Get Real About Gold, l’auteur et chroniqueur du Wall
Street Journal, Jason Zweig, se penche sur l’or, le Pet Rock des années 1970,
l’époque où les consommateurs s’étaient convaincus qu’un morceau de caillou
dans une boîte leur apporterait une camaraderie éternelle, élèverait leur
rang social et leur offrirait un sujet intéressant à aborder en soirée. Zweig
est d’avis que la confiance des investisseurs en l’or, qui pour lui n’est qu’un
minéral inerte ayant fait l’objet d’un excellent battage marketing, est
irrationnelle et empêche depuis trop longtemps les investisseurs d’investir
plus d’argent sur le très lucratif marché boursier.
Premièrement, la comparaison que
fait Zweig de l’or par rapport aux actions en tant que véhicule d’investissement
établit une fausse dichotomie. L’or n’est pas un investissement. Il est,
comme l’indique Zweig, un simple caillou. Mais il est un caillou très rare, et
qui présente des propriétés physiques désirables qui ont fait qu’il ait été
utilisé en tant que monnaie tout au long de l’Histoire humaine. En
conséquence, il ne devrait pas être comparé aux actions ou aux biens
immobiliers, mais aux autres formes de monnaies, telles que les devises
fiduciaires aujourd’hui en circulation. Ironiquement, dans un monde qui se
noie sous les devises fiduciaires dont la valeur est dérivée de la confiance
en les gouvernements qui les émettent, l’or est la seule monnaie dont la
valeur ne nécessite pas un acte de foi.
Je ne suis pas émotionnellement
attaché à l’or. Je n’utilise pas d’or pour tapisser mes murs, je ne passe pas
mon temps à en toucher, je ne demande pas à ma femme de s’en couvrir. Mais ce
que je sais, c’est qu’avant que le monde adopte un système de devises
fiduciaires à la fin du XXe siècle, l’or a été la monnaie de choix de toutes
les cultures et de tous les âges. Cette suprématie était basée sur sa rareté,
sa versatilité en tant que métal, ses propriétés uniques et utiles, sa
beauté, et son rôle universel en tant que preuve d’amour, de permanence, de
richesse et de succès. Il ne fait aucun doute que les gens désireront
toujours posséder et accumuler de l’or… et ce pour diverses raisons. La seule
question à se poser est de savoir combien ils seront prêts à payer. Sur ce
point, même les esprits raisonnables ne tombent pas d’accord. Mais se
contenter de dire que l’or n’a pas plus de valeur intrinsèque qu’un Pet Rock
ne revient qu’à ignorer la réalité.
Jusqu’en 1971, le dollar
américain a été garanti par la promesse du gouvernement américain d’échanger
des dollars en or. Mais depuis cette date, cette confiance a été remplacée
par une foi plus simple, qui veut que les dollars seront toujours acceptés en
échange de biens et services de valeur réelle. Cette transformation a placé
le dollar au même rang que toutes les autres devises fiduciaires du monde,
dont la valeur est dérivée de la confiance que le public porte en les gouvernements
qui les émettent. Dans son billet, Zweig semble penser que posséder des
devises n’a rien à voir avec un acte de confiance. Il est clair que ce point
implique lui-aussi une question de degré.
Une majorité des investisseurs
préfèreraient de loin posséder des dollars que des pesos argentins, des cedis
du Ghana ou des bolivars vénézuéliens. Ce que dit Zweig, c’est que les
meilleures devises fiduciaires (le dollar américain étant l’étalon or des
devises papiers) ne nécessitent aucune confiance de la part de ceux qui en
possèdent. Pourquoi ?
La force du dollar est dérivée
de l’idée que le gouvernement des Etats-Unis demeurera fiscalement solide. Et
tout pousse à croire que ce ne sera pas le cas. Tous les facteurs
traditionnels qui déterminent la valeur d’une devise, c’est-à-dire la balance
commerciale, les taux d’intérêt, la dette du gouvernement ou encore la
croissance économique, devraient exercer des pressions baissières sur le
dollar. Le gouvernement américain n’a rien fait pour réduire son problème d’endettement.
Même le Bureau du budget du Congrès américain admet que le déficit fédéral
devrait continuer d’augmenter à un rythme de 35 milliards de dollars par an
jusqu’à la fin de la décennie. D’ici à 2025, les déficits de plusieurs
trillions de dollars seront bien établis (et ces projections sont basées sur
des estimations de croissance économique qui jusqu’à présent se sont prouvées
bien trop optimistes).
Malgré tout cela, le dollar a pu
grimper pour atteindre un record sur près de dix ans, comme le montre le Bloomberg
Dollar Spot Index. Wall Street a expliqué cette dominance en pointant du
doigt les troubles qui s’abattent sur l’Europe et l’Asie, et en décrétant que
bien que le dollar ait ses problèmes, il est la plus propre des chemises
sales dans le panier à linge. Les analystes ont expliqué que l’attente d’une
hausse des taux d’intérêt par la Fed ferait baisser la demande en dollars,
parce que les autres banques centrales du monde réduisent aujourd’hui leurs
taux. Cette conséquence ne s’est pas encore matérialisée.
A la fin de l’année 2014, une
majorité des investisseurs pensaient que la Fed commencerait à rehausser ses
taux au premier trimestre de 2015. Mais les données économiques décevantes
publiées à l’époque l’ont forcée à repousser cette hausse à plusieurs
reprises. Malgré ça, les investisseurs n’ont jamais cessé d’imaginer qu’une
hausse des taux les attendait au tournant. Et en tirant cette conclusion, ils
ont aveuglément accepté l’idée que notre économie puisse survivre une hausse
des taux malgré toutes les preuves du contraire.
La confiance en le dollar n’est
en fait basée que sur l’idée que la dominance du dollar sur le reste de l’économie
pourra durer indéfiniment, peu importe l’endettement du gouvernement
américain, les taux d’intérêt adoptés par la Fed et le déséquilibre de la
balance commerciale.
C’est toujours la même chose.
Quand la confiance en l’infaillibilité des banquiers centraux est élevée, les
médias grand public ignorent l’or et placent leur confiance sur le jugement
de l’Homme. En 1999, le chroniqueur du New York Times, Floyd Norris, a écrit
un article intitulé Who Needs Gold When We Have Alan Greenspan? La
réponse à sa question ? Tout le monde. Au cours des douze années qui ont
suivi, le prix de l’or a gagné 650%.
De mon point de vue, les marchés
ont plus confiance, et sans raison, en Janet Yellen qu’ils n’en avaient en
Alan Greenspan. En conséquence, l’or est méprisé comme il l’était en 1999. Le
penchant d’Alan Greenspan pour les politiques monétaires laxistes a généré
deux dangereuses bulles : une première sur les actions en 2000, et une
deuxième sur l’immobilier, qui a éclaté en 2007 pour nous mener à la Grande
récession. Puisque les politiques monétaires employées par les successeurs de
Greenspan ont été plus importantes encore, nous ne pouvons qu’imaginer l’étendue
du désastre qui se lève à l’horizon.
Il est vrai que, dans un sens,
mes décisions d’investissement soient basées sur la confiance. Mais cette
confiance n’est pas celle que perçoit le Wall Street Journal. Je pense que
les gouvernements et les banques centrales continueront d’accumuler de la
dette et de dévaluer les devises jusqu’à ce qu’une crise ne porte leur
expérience jusqu’à sa triste conclusion. Il n’existe simplement aucun
précédent historique capable de nous porter à une conclusion différente. Je
pense également que les êtres humains préfèreront toujours l’or au papier.
Déliez une devise papier de la valeur qui lui est attribuée, et vous n’avez
qu’un morceau de papier. En revanche, s’ils décidaient d’imprimer leurs
devises sur des rouleaux, peut-être conserveraient-elles de la valeur en tant
que papier toilette.
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