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Depuis à peine
un siècle, l’Occident a connu pas moins de quatre
systèmes monétaires, passant du meilleur au pire. Lorsque le
système actuel flanchera les politiciens poursuivront-ils dans la
même direction? Tant qu’ils contrôleront la monnaie, nous
devons le craindre. Je présente ici un résumé de ces
systèmes.
L’étalon-or
classique (1815-1914)
Le système
monétaire du 19e siècle permettait aux gens de convertir leurs
billets en pièces d’or. En d'autres termes, les billets
étaient des substituts des pièces en question. Le dollar
américain s’échangeait contre 1/20 d’once
d’or, la livre anglaise équivalait à 1/4 d’once
d’or, etc. Ces taux de change étaient fixes, il s’agissait
de définitions, tout comme on dit que 100 centimètres sont la
même chose que 1 mètre.
L’étalon-or n’a pas été imposé par les
gouvernements, il s’est développé librement au cours des
siècles. La provision d’or était stable, car elle
était sujette aux seules forces du marché plutôt
qu’aux décisions arbitraires des hommes de
l’État.
Ce système avait l’énorme avantage de corriger les
manipulations gouvernementales. Par exemple, si la France augmentait sa
quantité de francs, les prix montaient; les revenus croissants qui en
découlaient stimulaient les importations, qui étaient
également encouragées par les prix relativement plus bas des
biens étrangers. Au même moment, les prix domestiques
élevés réduisaient les exportations. Les pays
commerçant avec la France lui présentaient les francs
accumulés dans le but de les échanger contre des pièces
d’or. Afin de ne pas perdre tout son or, la France devait
réduire le nombre de billets émis en trop. Cette contraction
réduisait les prix domestiques, encourageait les exportations et
ramenait l’or à la maison jusqu’à ce que les prix
reviennent à la normale. Le système avait la capacité de
s'auto-réguler.
Il y eut néanmoins des cycles économiques, car les
gouvernements ont monopolisé la fabrication de monnaie
métallique, imposé les cours légaux, émis de la
monnaie fiduciaire, légalisé les réserves
fractionnaires, etc. Malgré ces interventions le mécanisme
d’autorégulation prédominait. Ainsi, malgré ses
imperfections, l’étalon-or classique était un très
bon système monétaire, à tout dire le meilleur que le
monde ait connu.
Cependant, au début de la Première Guerre mondiale, les hommes
de l’État ont brisé, comme d’habitude, leurs
promesses. Une guerre coûte cher et la financer avec de l’or qui
se trouve en quantité limité est ardu. De sorte qu’ils
ont empêché les gens de reprendre leur or pour émettre plus
facilement de la fausse monnaie dans le but de payer leur guerre. À
l’exception des États-Unis, qui sont entrés en guerre
tardivement, les gouvernements faisaient rouler leurs planches à
billets à plein régime. Le franc, la livre, le mark ont tous
été fortement dévalués relativement à
l’or. Le chaos monétaire s’en est suivi.
L’étalon
de change-or (1926-31)
Après la Grande Guerre les politiciens et économistes se
demandaient comment revenir à cet âge d’or
monétaire. Le Royaume-Uni était encore à cette
époque le centre financier du monde. Il aurait été
judicieux et simple d’accepter le prix dévalué de la
livre telle qu’elle se transigeait dans les marchés, mais ses
dirigeants en décidèrent autrement. Question de fierté
nationale, ils prirent la décision de revenir au taux d’avant la
guerre sans trop savoir comment s’y prendre. Ils auraient pu
réduire la quantité de monnaie fiduciaire en circulation,
entraînant les prix à la baisse, mais cela leur était
impensable car les syndicats, aidés de la nouvelle assurance emploi,
s'opposaient à une telle baisse des prix et salaires. Imaginez une
réduction de l’État-providence alors encore jeune! Les
politiciens ont fait ce qu’ils ont toujours fait: créer davantage
de monnaie fiduciaire (fausse monnaie). Le résultat a
été que leurs exportations ont chuté et le chômage
a été criant pendant les années 20, alors que les autres
pays du monde étaient en pleine croissance.
Le Royaume-Uni voulait le beurre et l’argent du beurre. À la
conférence de Gênes, en 1922, ses représentants ont
réussi à faire accepter un nouvel ordre monétaire qui
fut mis en pratique en 1926. Les États-Unis étaient toujours
sous l’égide de l’étalon-or classique, mais les
autres pays ont abandonné les pièces d’or pour
n’utiliser que les lingots, qui de par leur grosseur les mettaient hors
de portée des citoyens. Cela permettait à ces pays de
créer davantage de monnaie fiduciaire.
Ces pays
n’avaient plus à rembourser leur monnaie en or, mais en livres
anglaises, tandis que les Anglais avaient le choix de rembourser leur monnaie
ou bien en or ou bien en dollars américains. Les Anglais avaient
également réussi à convaincre les États-Unis
– notamment par l’entremise de Benjamin Strong et Montagu Norman,
respectivement gouverneurs des banques de New York et d’Angleterre
– à créer davantage de monnaie fiduciaire. Le
résultat de ce montage hétéroclite était que les
États-Unis pyramidait sur l’or, le Royaume-Uni sur le dollar et
les autres pays européens sur la livre. L’inévitable est
survenu en 1931 lorsque la France a demandé à
l’Angleterre de bien vouloir reprendre ses livres en échange
d’or. Puisque celle-ci en était incapable, elle a
abandonné le système de change-or, soit
l’équivalent d’une faillite pour un pays.
L’Angleterre a vite été suivie par d’autres pays
européens.
Ce fut le retour au chaos monétaire, c’est-à-dire aux
dévaluations compétitives des monnaies, aux barrières
tarifaires, au contrôle des changes, etc. Les échanges
internationaux connurent une diminution marquée et le monde
s’appauvrit. Ces conflits économiques et monétaires
ouvrirent la voie à la Deuxième Guerre mondiale. Les
États-Unis réussirent à maintenir pendant encore deux
ans l’étalon-or. En 1933, dans une vaine tentative de sortir de
la dépression, le gouvernement américain non seulement
abandonna l’or comme ancrage de la monnaie, mais interdit à ses
citoyens d’en posséder. En 1934, le dollar fut défini
à 1/35 d’once d’or.
L’étalon
de change-or (1945-68)
Si à
Gênes le Royaume-Uni menait le bal, à Bretton Woods ce sont les
États-Unis. Plutôt qu’un duo de monnaies fortes (dollar et
livre), à l’instar du système d’étalon de
change-or des années 20, la seconde version de ce système
repose sur le seul dollar américain. Ce système est certes
mieux que le chaos des années trente, mais demeure un système
inflationniste qui était porté à
disparaître.
Même si les États-Unis, au cours des deux guerres mondiales, ont
accumulé beaucoup d’or, à cause de l’inflation
qu’ils n’ont ensuite cessé de créer les autres pays
n’eurent d’autre choix que d’exercer leur option
d’échanger une partie des dollars accumulés contre
l’or. Les marchés de Londres et de Zurich avaient de plus en
plus de difficulté à maintenir l’or à 35$. Alors
qu’il était défendu aux Américains de
détenir de l’or, les autres citoyens du monde
l’accumulaient. Pour maintenir l’or à ce prix et
éviter une dévaluation du dollar, le gouvernement
américain était obligé d’en vendre davantage.
À l’instar du Royaume-Uni en 1931, les États-Unis, en
1971, ont abandonné ce qui restait de l’étalon-or.
Système
monétaire à taux de change variable (1973-?)
En 1971 un autre ordre fut établi et
qualifié par le président Richard Nixon de «plus grand
accord monétaire de l’histoire humaine». Celui-ci a
duré deux ans! Pendant ce temps le prix de l’or grimpait
à 215$ sur les marchés, soit une augmentation de quelque 500%.
Depuis 1973 les monnaies varient entre elles selon la rapidité des
gouvernements à émettre du crédit. Il n’y a plus
de contrepartie métallique, seulement de la dette. L’inflation
n’a jamais cessé depuis. Celle-ci entraîne une
extrême volatilité des marchés de change,
d’énorme déplacement de richesse, des contrôles en
tout genre, une centralisation plus grande, de l’instabilité
politique, etc.
Ce système va s’écrouler lorsque les gens
réaliseront qu’ils perdent leur pouvoir d’achat à
vue d’oeil, c’est-à-dire lorsqu’il y aura escalade
dans les dévaluations de monnaie; ce qui est déjà
commencé. Certains économistes sentent bien que la soupe est
chaude, mais ils ne discutent pas d’un retour à
l’étalon-or classique, ils suggèrent plutôt aux
politiciens de coordonner leurs politiques économique et
monétaire, d’harmoniser les taux d’inflation et de revenir
aux taux soi-disant fixes des années qui accompagnaient
l’étalon de change-or, mais sans l’or. Il y a
également des discussions qui vont dans le sens des cent
dernières années, soit l’établissement d’une
monnaie unique. Ainsi, Robert Mundell, un Canadien prix Nobel d’économie
en 1999, écrivait dans Libération.fr:
Après les accords de Bretton Woods en 1944, plusieurs pays avaient
évoqué la possibilité de créer une monnaie
internationale. Je pense que nous devrions à nouveau considérer
ce scénario. Avec l'émergence de l'euro et l'instabilité
face au dollar, l'Europe, les États-Unis et les puissances asiatiques
devraient se réunir et créer un nouveau système
monétaire international... Il est ridicule que les banques centrales
puissent réguler les taux d'intérêt quand elles le
veulent, mais qu'elles soient impuissantes devant les taux de change(1).
Les conseils de cet économiste pourtant généralement perçu
comme un conservateur dans les milieux académique et financiers sont
typiques du social-démocrate moyen: il est incapable de concevoir un
monde sans les contrôles toujours plus larges et plus
centralisés de l’État. Imaginez une monnaie fiduciaire
unique sous le contrôle de la Banque mondiale! C'est la meilleure
recette pour créer de l’inflation à volonté, et le
moyen le plus sûr pour que nous devenions tous pauvres.
* Il s’agit d’un résumé personnalisé
de «The Monetary Breakdown of the West», section tirée de What
Has Government Done to Our Money? de Murray N. Rothbard. 1. Fabrice Rousselot, «Robert
Mundell, Canadien prix Nobel d'économie en 1999, inquiet de la chute
du dollar: "Il faut une monnaie internationale"», Libération,
05 janvier 2004.
André Dorais
André
Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à
Montréal.
Les vues présentées par l’auteur sont
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