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LES DIVERS SYSTÈMES MONÉTAIRES DEPUIS CENT ANS *

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Published : February 07th, 2004
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Category : Editorials





Depuis à peine un siècle, l’Occident a connu pas moins de quatre systèmes monétaires, passant du meilleur au pire. Lorsque le système actuel flanchera les politiciens poursuivront-ils dans la même direction? Tant qu’ils contrôleront la monnaie, nous devons le craindre. Je présente ici un résumé de ces systèmes. 


L’étalon-or classique (1815-1914) 


Le système monétaire du 19e siècle permettait aux gens de convertir leurs billets en pièces d’or. En d'autres termes, les billets étaient des substituts des pièces en question. Le dollar américain s’échangeait contre 1/20 d’once d’or, la livre anglaise équivalait à 1/4 d’once d’or, etc. Ces taux de change étaient fixes, il s’agissait de définitions, tout comme on dit que 100 centimètres sont la même chose que 1 mètre.  
  
          L’étalon-or n’a pas été imposé par les gouvernements, il s’est développé librement au cours des siècles. La provision d’or était stable, car elle était sujette aux seules forces du marché plutôt qu’aux décisions arbitraires des hommes de l’État.  
  
          Ce système avait l’énorme avantage de corriger les manipulations gouvernementales. Par exemple, si la France augmentait sa quantité de francs, les prix montaient; les revenus croissants qui en découlaient stimulaient les importations, qui étaient également encouragées par les prix relativement plus bas des biens étrangers. Au même moment, les prix domestiques élevés réduisaient les exportations. Les pays commerçant avec la France lui présentaient les francs accumulés dans le but de les échanger contre des pièces d’or. Afin de ne pas perdre tout son or, la France devait réduire le nombre de billets émis en trop. Cette contraction réduisait les prix domestiques, encourageait les exportations et ramenait l’or à la maison jusqu’à ce que les prix reviennent à la normale. Le système avait la capacité de s'auto-réguler. 
  
          Il y eut néanmoins des cycles économiques, car les gouvernements ont monopolisé la fabrication de monnaie métallique, imposé les cours légaux, émis de la monnaie fiduciaire, légalisé les réserves fractionnaires, etc. Malgré ces interventions le mécanisme d’autorégulation prédominait. Ainsi, malgré ses imperfections, l’étalon-or classique était un très bon système monétaire, à tout dire le meilleur que le monde ait connu. 
  
          Cependant, au début de la Première Guerre mondiale, les hommes de l’État ont brisé, comme d’habitude, leurs promesses. Une guerre coûte cher et la financer avec de l’or qui se trouve en quantité limité est ardu. De sorte qu’ils ont empêché les gens de reprendre leur or pour émettre plus facilement de la fausse monnaie dans le but de payer leur guerre. À l’exception des États-Unis, qui sont entrés en guerre tardivement, les gouvernements faisaient rouler leurs planches à billets à plein régime. Le franc, la livre, le mark ont tous été fortement dévalués relativement à l’or. Le chaos monétaire s’en est suivi. 


L’étalon de change-or (1926-31) 



          Après la Grande Guerre les politiciens et économistes se demandaient comment revenir à cet âge d’or monétaire. Le Royaume-Uni était encore à cette époque le centre financier du monde. Il aurait été judicieux et simple d’accepter le prix dévalué de la livre telle qu’elle se transigeait dans les marchés, mais ses dirigeants en décidèrent autrement. Question de fierté nationale, ils prirent la décision de revenir au taux d’avant la guerre sans trop savoir comment s’y prendre. Ils auraient pu réduire la quantité de monnaie fiduciaire en circulation, entraînant les prix à la baisse, mais cela leur était impensable car les syndicats, aidés de la nouvelle assurance emploi, s'opposaient à une telle baisse des prix et salaires. Imaginez une réduction de l’État-providence alors encore jeune! Les politiciens ont fait ce qu’ils ont toujours fait: créer davantage de monnaie fiduciaire (fausse monnaie). Le résultat a été que leurs exportations ont chuté et le chômage a été criant pendant les années 20, alors que les autres pays du monde étaient en pleine croissance. 
  
          Le Royaume-Uni voulait le beurre et l’argent du beurre. À la conférence de Gênes, en 1922, ses représentants ont réussi à faire accepter un nouvel ordre monétaire qui fut mis en pratique en 1926. Les États-Unis étaient toujours sous l’égide de l’étalon-or classique, mais les autres pays ont abandonné les pièces d’or pour n’utiliser que les lingots, qui de par leur grosseur les mettaient hors de portée des citoyens. Cela permettait à ces pays de créer davantage de monnaie fiduciaire.  


Ces pays n’avaient plus à rembourser leur monnaie en or, mais en livres anglaises, tandis que les Anglais avaient le choix de rembourser leur monnaie ou bien en or ou bien en dollars américains. Les Anglais avaient également réussi à convaincre les États-Unis – notamment par l’entremise de Benjamin Strong et Montagu Norman, respectivement gouverneurs des banques de New York et d’Angleterre – à créer davantage de monnaie fiduciaire. Le résultat de ce montage hétéroclite était que les États-Unis pyramidait sur l’or, le Royaume-Uni sur le dollar et les autres pays européens sur la livre. L’inévitable est survenu en 1931 lorsque la France a demandé à l’Angleterre de bien vouloir reprendre ses livres en échange d’or. Puisque celle-ci en était incapable, elle a abandonné le système de change-or, soit l’équivalent d’une faillite pour un pays. L’Angleterre a vite été suivie par d’autres pays européens. 
  
          Ce fut le retour au chaos monétaire, c’est-à-dire aux dévaluations compétitives des monnaies, aux barrières tarifaires, au contrôle des changes, etc. Les échanges internationaux connurent une diminution marquée et le monde s’appauvrit. Ces conflits économiques et monétaires ouvrirent la voie à la Deuxième Guerre mondiale. Les États-Unis réussirent à maintenir pendant encore deux ans l’étalon-or. En 1933, dans une vaine tentative de sortir de la dépression, le gouvernement américain non seulement abandonna l’or comme ancrage de la monnaie, mais interdit à ses citoyens d’en posséder. En 1934, le dollar fut défini à 1/35 d’once d’or.  


L’étalon de change-or (1945-68) 


Si à Gênes le Royaume-Uni menait le bal, à Bretton Woods ce sont les États-Unis. Plutôt qu’un duo de monnaies fortes (dollar et livre), à l’instar du système d’étalon de change-or des années 20, la seconde version de ce système repose sur le seul dollar américain. Ce système est certes mieux que le chaos des années trente, mais demeure un système inflationniste qui était porté à disparaître.  
  
          Même si les États-Unis, au cours des deux guerres mondiales, ont accumulé beaucoup d’or, à cause de l’inflation qu’ils n’ont ensuite cessé de créer les autres pays n’eurent d’autre choix que d’exercer leur option d’échanger une partie des dollars accumulés contre l’or. Les marchés de Londres et de Zurich avaient de plus en plus de difficulté à maintenir l’or à 35$. Alors qu’il était défendu aux Américains de détenir de l’or, les autres citoyens du monde l’accumulaient. Pour maintenir l’or à ce prix et éviter une dévaluation du dollar, le gouvernement américain était obligé d’en vendre davantage. À l’instar du Royaume-Uni en 1931, les États-Unis, en 1971, ont abandonné ce qui restait de l’étalon-or.  


Système monétaire à taux de change variable (1973-?) 


  En 1971 un autre ordre fut établi et qualifié par le président Richard Nixon de «plus grand accord monétaire de l’histoire humaine». Celui-ci a duré deux ans! Pendant ce temps le prix de l’or grimpait à 215$ sur les marchés, soit une augmentation de quelque 500%. Depuis 1973 les monnaies varient entre elles selon la rapidité des gouvernements à émettre du crédit. Il n’y a plus de contrepartie métallique, seulement de la dette. L’inflation n’a jamais cessé depuis. Celle-ci entraîne une extrême volatilité des marchés de change, d’énorme déplacement de richesse, des contrôles en tout genre, une centralisation plus grande, de l’instabilité politique, etc. 
  
          Ce système va s’écrouler lorsque les gens réaliseront qu’ils perdent leur pouvoir d’achat à vue d’oeil, c’est-à-dire lorsqu’il y aura escalade dans les dévaluations de monnaie; ce qui est déjà commencé. Certains économistes sentent bien que la soupe est chaude, mais ils ne discutent pas d’un retour à l’étalon-or classique, ils suggèrent plutôt aux politiciens de coordonner leurs politiques économique et monétaire, d’harmoniser les taux d’inflation et de revenir aux taux soi-disant fixes des années qui accompagnaient l’étalon de change-or, mais sans l’or. Il y a également des discussions qui vont dans le sens des cent dernières années, soit l’établissement d’une monnaie unique. Ainsi, Robert Mundell, un Canadien prix Nobel d’économie en 1999, écrivait dans Libération.fr: 

          Après les accords de Bretton Woods en 1944, plusieurs pays avaient évoqué la possibilité de créer une monnaie internationale. Je pense que nous devrions à nouveau considérer ce scénario. Avec l'émergence de l'euro et l'instabilité face au dollar, l'Europe, les États-Unis et les puissances asiatiques devraient se réunir et créer un nouveau système monétaire international... Il est ridicule que les banques centrales puissent réguler les taux d'intérêt quand elles le veulent, mais qu'elles soient impuissantes devant les taux de change(1).

          Les conseils de cet économiste pourtant généralement perçu comme un conservateur dans les milieux académique et financiers sont typiques du social-démocrate moyen: il est incapable de concevoir un monde sans les contrôles toujours plus larges et plus centralisés de l’État. Imaginez une monnaie fiduciaire unique sous le contrôle de la Banque mondiale! C'est la meilleure recette pour créer de l’inflation à volonté, et le moyen le plus sûr pour que nous devenions tous pauvres.   


* Il s’agit d’un résumé personnalisé de «The Monetary Breakdown of the West», section tirée de What Has Government Done to Our Money? de Murray N. Rothbard.  1. Fabrice Rousselot, «Robert Mundell, Canadien prix Nobel d'économie en 1999, inquiet de la chute du dollar: "Il faut une monnaie internationale"», Libération, 05 janvier 2004.



André Dorais



André Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à Montréal.



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