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Bloomberg (et le Financial Times et Cie.) pensent que le
scandale sur les contrats liés au prix de l’or en Chine exerce une pression à
la baisse sur le prix de l’or. Mais ont-ils raison ?
La
Chine découvre que 15 milliards de dollars de contrats sur l’or ont été
garantis par de l’or falsifié
Le principal responsable des audits en Chine a découvert
94,4 milliards de yuans de prêts (15,2 milliards de dollars) garantis par des
transactions en or falsifiées, qui viennent s’ajouter à la liste des
possibles fraudes sur le secteur du financement des matières premières.
Vingt-cinq responsables du traitement de l’or physique
chinois ont tiré de ces prêts un profit combiné de plus de 900 millions de
yuans, selon un rapport publié sur le site du Bureau national des audits.
Les Autorités de la sécurité publique mènent elles-aussi
une enquête pour fraude à Qingdao Port, où des réserves de cuivre et
d’aluminium ont pu être utilisées plusieurs fois pour garantir des prêts. Les
mesures prises par le gouvernement chinois afin de régner sur le crédit en
augmentant les coûts d’emprunt ces dernières années a entraîné une hausse des
financements accordés en échange de matières premières, que Goldman Sachs
estime à plus de 160 milliards de dollars.
Q : Si une chose est utilisée comme garantie plus de
fois qu’elle n’existe, comment devient-elle un excès plutôt qu’une
rareté ?
R : La situation est peut-être baissière pour que
certains partis qui y voient une opportunité puissent en tirer profit ?
Mais restons sérieux. Je pense que l’on peut obtenir un
mouvement temporaire du prix papier d’une marchandise comme l’or, parce que
lorsqu’ils se sentent inquiets face à une question de fraude, les
investisseurs commencent à se débarrasser de leurs positions papier.
La question à se poser est la suivante : « la demande
elle-même est-elle falsifiée, ou les moyens de la satisfaire sont-ils de
fausses alternatives ? ». En d’autres termes, quelle est l’essence
de la demande, et quels en sont les fortuits ou accidents.
Lorsqu’une fraude est exposée, il
est possible d’obtenir un « excès » d’instruments liés à l’or en
raison du nombre d’investisseurs qui désirent vendre, contre un
« déficit » de la demande pour ces instruments, puisque les gens
doutent de leur véracité. Il est possible de voir apparaître une chute
temporaire de la demande après une perturbation en matière de transactions
sur le marché.
Comment les passifs peuvent-ils
correspondre aux actifs prouvés ? Dans un cas comme celui-ci, toute
réaction du prix de l’actif est généralement un phénomène de très court
terme, contrairement au retrait qui prend place à l’aube d’un tsunami.
Peut-être l’analogie à utiliser ici est-elle une remise en
question de l’intégrité de certains instruments comme GLD ou SLV. Qu’en
serait-il si l’on découvrait qu’en raison des droits des contreparties et de
problèmes comptables, la valeur nette de GLD était remise en question ?
GLD enregistrerait bien entendu un déficit contre l’or. Il aurait un excès de
passifs par rapport à ses actifs, et le marché ajusterait la situation.
Nous pourrions même assister à un sur-ajustement, et GLD
pourrait ironiquement avoir à liquider une partie de ses actifs réels qui ont
enregistré une rareté. Sur le très court terme, une baisse de la demande en
ETF GLD pourrait engendrer une liquidation d’actions qui pourrait également
faire baisser le prix de la marchandise sous-jacente, du moins
temporairement, dépendamment de l’importance de la force de marché qu’a
représenté GLD en termes de demande marginale.
Souvenez-vous que le prix actuel peut-être en marge du
marché sur le court terme, dépendamment de l'inefficacité du marché et de la
durée de vie de la marchandise. C’est un fait qui est souvent laissé de côté
lorsque les gens observent la taille nominale d’un marché et l’utilisent pour
justifier l’idée qu’il ne puisse être manipulé. Ce qu’ils oublient trop
souvent est que le prix est fixé en marge du marché, et que c’est la taille
marginale du marché transactionnel qui importe, puisqu’il implique d’autres
facteurs comme la saisonnalité, la durée de vie et l’efficacité de la
perception de l’avenir.
Le prix de l’or a-t-il grimpé parce que les gens voulaient
posséder GLD, ou les gens ont-ils acheté GLD pour s’exposer à l’or
physique ? En d’autres termes, qu’est-ce qui a influencé la
demande ? Ne nous attendons pas à ce que le marché réponde à cette
question sur le court terme en période d’exposition soudaine, puisque la
première impulsion est de liquider et de se mettre en sûreté.
Voilà qui nous aide à mettre la situation en lumière.
Pourquoi ces instruments chinois n’enregistrent-ils pas un déficit contre
l’or et semblent influencer le prix de l’or ? Premièrement, je me
demande si les propos tenus par les médias grand public, puisque leur analyse
des facteurs sous-jacents du marché est on ne peut plus partiale, sont
fiables. Mais estimons qu’ils aient raison et que le prix de l’or se trouve
affecté plus que, disons, les gros titres de Bloomberg et du Financial Times.
Puisque ces contrats papier chinois sont en déficit par
rapport aux actifs, ils n'ont certainement pas été une source majeure de la
demande physique, mais une alternative au référencement de cette classe
d’actifs. Ils sont certes plus importants que les fraudes qui impliquent les
marchandises chez MF Global, par exemple. Disons simplement qu’ils ne sont
pas sans conséquences.
Les Chinois n’ont pas lié des contrats à l’or parce qu’ils
cherchaient à obtenir des contrats qui impliquent la livraison de métal
physique. Ils les y ont liés parce que l’or est un actif en lequel ils ont
confiance. En d’autres termes, ils sont une forme d’abattement de risques.
L’or était un or « externe », sans contingent sur les contrats. Les
contrats sont en revanche les contingents de l’or. Et lorsque cette
contingence a été exposée à des risques inattendus, la réponse à prix la
forme d’une révulsion soudaine de ces contrats par le marché, avec une
certaine dose de dommages collatéraux.
Le prix de l’or tel qu’il est déterminé en Occident s’est
séparé des bases fondamentales de l’offre et de la demande du monde réel. Il
suffit d’observer l’effet de levier du Comex et du LBMA pour s’en rendre
compte. Dans le cas de l’or, notons également que ceux qui en possèdent le
plus, comme les banques centrales et certains fonds, prêtent leurs actifs sur
le marché et engendrent des risques de contrepartie à des prix distordus.
Soit dit en passant que je pense également que la
liquidation forcée des positions à découvert survenue la semaine dernière est
liée au scandale qui a été dévoilé en Chine. Je vous parie que les
participants au marché observent la situation de près. Un certain nombre de
couvertures nerveuses de positions à découvert ont été enregistrée.
Comme nous avons pu le voir par le passé, en période de
transformation des régimes monétaires globaux, deux marchés peuvent se
développer : un marché papier qui détermine le prix officiel, et un
marché privé qui fixe le prix de l’or physique pour les transactions les plus
importantes et qui implique un transfert d’actifs réels suite à une
négociation. Seuls les acheteurs au détail sont concernés par le prix
officiel. J’ai moi-même pu en faire l’expérience après l’effondrement de
l’Union soviétique, notamment à Prague et à Moscou.
Notons également que, dans le cas de l’argent, les banques
centrales ne sont pas propriétaires de réserves de métal physique, et que
toute réserve falsifiée provient de positions à découvert ouvertes par les
participants au marché et les spéculateurs. Voilà qui pourrait donner plus de
poids à l’ajustement éventuel des prix, même à une heure où des coups de
baguette sur les doigts sont donnés en tant que punition aux responsables de
fraudes.
Je m’aventurerai même à dire que ces instruments
frauduleux n’impliquent pas la livraison de métal physique sur simple
demande, et qu’ils sont susceptibles d’engendrer des distorsions temporaires
sur le marché, même à la baisse, ce qui pourrait causer un ralliement à
mesure que le brouillard se dissipera et que les investisseurs et traders
comprendront ce qu’ils ont vraiment entre les mains. Ce pourrait être vrai
pour les contrats chinois, et même pour les contrats des marchés occidentaux.
Les passifs, une fois qu’ils seront abandonnés, seront compensés par les
actifs sous-jacents. L’honnêteté des marchés déterminera la manière dont se
dérouleront ces équilibrages.
C’est un scénario qui semble dans une certaine mesure se
dérouler aujourd’hui sur l’or, et devrait également se développer sur
l’argent. Les mouvements pourront apparaître une fois que le marché sera redevenu
transparent, ce qui est généralement fait au travers d’un évènement
déclencheur qui en lui-même n’est peut-être pas de grande magnitude. Le
Soleil n’a jamais disparu, mais les brouillards l’ont longtemps caché.
La divergence entre les marchés papier et physique a aussi
des effets corrosifs sur le long terme. La manipulation des prix peut souvent
causer un sous-investissement systémique sur la production de l’offre. Une
fois que cette manipulation est exposée et que l’offre et la demande sont
dénuées de leur effet de levier, les prix peuvent être ajustés, parfois avec
force.
Les ajustements peuvent prendre une magnitude telle que
les gouvernements et les marchés se retrouvent forcés de satisfaire des
contrats en liquide. A mesure que la mauvaise monnaie chasse la bonne, les
investisseurs se tournent vers des protections financières, et l’incertitude
tend à régner.
Il y a certainement d’autres manières d’observer et
d’interpréter la situation. Mais lorsque ces explications sont placardées
d’attaques et d’insultes, de raisonnements obscurs et de jargon technique,
elles sont souvent influencées par l’ignorance ou l’intention. J’ai lu
certaines explications assez torturées de la part de sources étonnamment bien
placées, dont certaines ont des connections semble-t-il très fortes avec
l’industrie, qu’elles avancent fièrement pour justifier des opinions qui
défient le sens commun et les faits. Mais tels sont les temps qui courent.
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