Les deux billets précédents ont présenté
les conséquences de l’augmentation de la production de
biocarburants et ont montré que cette tendance (et implicitement ses
conséquences) est essentiellement due aux aides que cette
filière a reçu au cours des trois dernières décennies.
Dans ce billet, je propose d’insister sur leurs effets.
Il convient d’emblée de noter que le fait même de
mettre en place ces politiques d’incitations indique que la production
de biocarburant n’était pas rentable et que, très
probablement, elle n’aurait pas été aussi importante en l’absence
de ces aides. Pour mieux comprendre leurs effets, il faut ensuite analyser
distinctement les différents types d’incitations à la
filière en question.
D’une part, le soutien à cette filière se traduit
souvent par des avantages fiscaux. Par exemple, jusqu’à
l’année dernière, le gouvernement des États-Unis
offrait aux compagnies pétrolières 0,45$ de réduction
d’impôt pour chaque galon d’éthanol
mélangé à l’essence. Sans doute une telle mesure
stimule-t-elle la production d’éthanol, mais elle ne se fait pas
au détriment du contribuable car il s’agit d’une
réduction d’impôt et non pas d’un nouvel
impôt.
Certes, dans la mesure où les produits concurrents, les
carburants fossiles, sont lourdement taxés, les biocarburants
obtiennent implicitement un avantage comparatif proportionnel. Ainsi, la
promotion des biocarburants se fait à travers la dissuasion de la
production de carburants fossiles. De ce point de vue, il est important de
noter que même lorsque la réduction d’impôt à été annulée
l’année dernière aux États-Unis, l’industrie
américaine d’éthanol a tout de même conservé
son avantage comparatif dans la mesure où les producteurs d’essence
doivent payer des droits d’accise de 0,18$ (pour le galon
d’essence) et 0,24$ (pour le galon de diesel).
D’autre part, même si plus récemment les États-Unis
et l’Union européenne ont annulé la plupart des
subventions directes, ils continuent à garantir le marché des
biocarburants. Ainsi, aux États-Unis, le Renewable Fuel Standards Act continue
d’exiger 7,5 milliard de galons de biocarburant en 2012 et envisage
d’accroitre ce volume à plus de 20 milliard d’ici 2022.
Dans l’Union européenne, la directive 2003/17/CE établissait
un maximum d’incorporation dans les carburants fossiles de 5 % en volume pour le biodiesel et le
bioéthanol et de 7 % pour le biodiesel et 10 % pour
l’éthanol à partir de 2011. Sur ce plan, le gouvernement
français est allé de l’avant et dès 2009 a
souhaité augmenter la proportion de 5% d’éthanol
déjà contenue dans le SP95 et le SP98 en introduisant le
carburant E10, qui contient 10% d’éthanol et qui avait donc été
présenté comme un carburant plus écologique que les
précédents.
Compte tenu de
l’obligation d’incorporer de l’éthanol à
l’essence, on comprend mieux comment le coût de ce carburant a
été répercuté dans le prix final payé par les
consommateurs qui, en l’achetant, payent plus cher pour faire moins de
kilomètres, puisque le pouvoir calorifique de l’éthanol
est inférieur à celui de l’essence. Le rapport
publié en 2012 par la Cour des comptes
estimait le coût des biocarburants pour les consommateurs
français (en plus donc des prix payés sous la forme de taxes)
à environ 3 milliards d’euros sur la période
2005-2010.
Ainsi, au-delà des prises de positions officielles en Europe et
aux États-Unis, qui semblent vouloir renverser la tendance des
dernières décennies (alors que le Brésil envisage l’augmentation de la production en mettant sur la
table une nouvelle enveloppe de 38 milliards), le biocarburant a encore de
beaux jours devant lui, tant que son marché sera garanti dans nombreux
pays.
Ceci souligne une fois de plus l’hypocrisie des politiques
environnementales et nous enseigne que les effets indésirables des
subventions ne disparaissent pas forcement au moment où les
subventions directes s’arrêtent. D’autant plus que certains
des producteurs les plus anciens, ont déjà pu amortir leurs
investissements et sont donc à même de survivre sans
l’aide de l’État. Selon Matthew
A. Hartwig, le porte-parole du lobby Renewable Fuels Association, la production
d’éthanol est devenue mature et les crédits d’impôts
ne sont plus nécessaires. Dans le même article,
il souligne d’ailleurs que l’annulation l’année
dernière des crédits d’impôts aux États-Unis
n’a pas fait l’objet d’opposition de la part des
producteurs.
Il n’y a
donc pas de raison de continuer à soutenir une industrie qui non
seulement n’en a plus besoin mais qui en plus n’engendre
même pas les conséquences environnementales attendues. Le vrai
frein consisterait à mettre fin aux obligations légales de
consommer des biocarburants.
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