Ecrit
par David Stockman, responsable du budget sous le
président Reagan et auteur du bestseller The Great Deformation: The
Corruption of Capitalism in America. Cet article a été publié sur David Stockman’s Contra Corner.
Au début du siècle, la Chine
avait accumulé un trillion de dollars de dette impayée contractée sur le
marché du crédit – un chiffre qui s’élève désormais à 25 trillions de
dollars. Le fait est qu’aucun système économique ne puisse demeurer stable
suite à une multiplication de sa dette par 25 en seulement 14 ans.
Mais cet axiome n'est vrai que
pour les systèmes de contrôle et de commande constitués d’éléments disparates
et qui ne s’accordent pas avec la discipline du marché libre, des
informations économiques honnêtes, ou encore une compréhension primitive du
fait que les valeurs ne tombent pas du ciel. Personne ne semble comprendre
que les infrastructures construites ces dernières années constituent un
évènement exceptionnel qui laissera se noyer l’économie sous l’excès de
capacité de production de ciment, d’acier, de charbon, de cuivre et d’autres
outils tels que les grues et les rétrocaveuses.
La mania dont sont l’objet les
secteurs de la construction, de l’emprunt et de la spéculation en Chine est
devenue si extrême que même le nouveau régime de Pékin a tenté de l’atténuer.
Mais la situation ne s’achèvera que sur une catastrophe – et non sur
l’atterrissage en douceur avancé par les haussiers de Wall Street qui n’ont
pas la moindre compréhension de la différence entre le capitalisme de marché
libre et le capitalisme de copinage imposé par l’appareil intrusif,
bureaucratique et hiérarchique de l’Etat chinois.
L’erreur fatale commise par
les haussiers chinois est qu’ils ne reconnaissent pas le fait que les cycles
de croissance et de récession traversés par la Chine sont symétriques.
L’empressement avec lequel les exportations se sont développées après 1994 et
l’explosion du développement d’infrastructures survenu après 2008 ne sont pas
la preuve d’une forme suprême de gouvernance. Ils ne sont que la preuve que
le crédit, les faveurs, les financements et les franchises sont accordés à
tout le monde et n’importe qui, qu’il n’y a ni gagnant ni perdant (le taux de
banqueroute en Chine est infime). Un régime étatiste peut sembler pouvoir
marcher sur l’eau.
Ce qu’il ne peut pas faire,
en revanche, c’est dégonfler une bulle pour promouvoir la stabilité.
Une phase de croissance
engendre un crescendo de créations d’entreprises, d’investissements,
d’emprunts et de spéculation au sein d’une population qui ne peut pas être
contenue sans que le pouvoir central resserre le poing. Mais les camarades de
Pékin ont enclenché le mode « Père Noël de croissance » depuis si
longtemps qu’ils ne savent plus comment lâcher leurs gendarmes économiques.
C’est en partie parce que leur
arrogance les empêche de voir le château de cartes qu’est devenue la Chine
aujourd’hui, et aussi parce qu’ils comprennent sans aucun doute que la
popularité du parti, sa légitimité et même sa viabilité seraient compromises
s’ils cessaient de remplir la coupe de punch. Observez les foules en colères
qui descendent dans les rues lorsqu’un entrepreneur en banqueroute décide de
fermer son usine, ou lorsque des développeurs sont forcés de vendre au rabais
des appartements de luxe qu’ils ont vendus à des épargnants ou des spéculateurs
de la classe moyenne, ou lorsque les banques tentent de se soustraire du
remboursement d’actifs qu’elles ont vendus à des affiliés sous une porte
dérobée, ou lorsque des millions de paysans ruraux se retrouvent sans rien
après que leurs terres aient été expropriées par des officiels locaux et des
développeurs à la recherche, respectivement, de quotas et de grosses
fortunes.
En clair, la population
chinoise « ne peut pas accepter la vérité », comme l’a dit Jack
Nicholson. Elle pense désormais avoir droit à un buffet sans fin, et s’attend
à ce que chaque parti et appareil d’Etat le lui fournisse. En conséquence,
Pékin a eu recours à une stratégie qui n’est autre que marcher sur la pointe
des pieds autour du pot et entreprendre une série de manœuvres pour tenter de
contenir la mania sur le crédit et la construction.
Mais ces initiatives mitigées
n'ont fait que pousser la bulle du crédit un peu plus loin sous le régime
capitaliste opaque de la Chine, ce qui veut dire que son instabilité
intrinsèque a été exacerbée. Les boules de billard qui ont roulé sur la table
depuis que Pékin a tenté de réduire les prêts accordés par les banques d’Etat
il y a quelques années en sont un exemple frappant.
Au départ, les grosses banques
ont tenté d’éviter un rehaussement du plafond de la croissance de la dette en
retirant quelques pages du cahier de stratégies de Citigroup, un affilié qui
travaillait hors-bilans au sein de ce que l’on appelle le système bancaire
parallèle. Ces affiliés ont inventé des produits qui étaient essentiellement
des certificats de dépôt qui rapportaient deux ou trois fois le plafond
régulé des comptes de dépôts classiques. Comment ces affiliés ont-ils pu
tirer des profits en payant disons 12% pour des fonds ? Ne vous en
souciez pas ! Le département du prêt des banques d’Etat ont référé leurs
emprunteurs en banqueroute ) leurs affiliés qui leur ont à leur tour proposé
une offre qu’ils ne pouvaient refuser – 20% de leur argent sur 12 ou 24 mois,
sans quoi ils se trouveraient radiés par la banque parente.
Le château de cartes du crédit
a donc été élargi, étendu et criblé de toujours plus de falaises de dettes.
Depuis 2010, les produits du système bancaire parallèle sont passés à plus de
6 trillions de dollars.
Mais voilà que la bulle du
crédit se déplace vers le secteur des emprunteurs zombies que sont les
opérateurs de mines de charbon, qui ont toujours bénéficié d’un important
effet de levier mais font aujourd’hui face à une baisse de la demande et à un
effondrement des prix lié aux mesures prises par Pékin contre la pollution.
Les 6 trillions de prêts accordés par le système bancaire parallèle sont tout
l’opposé d’un capital d’emprunt de long terme : ils sont des bombes à
retardement qui prennent la forme de crédits sur 12 ou 24 mois, accumulés sur
une couche de maturités qui ne fera qu’intensifier la crise à venir.
Les régulateurs bancaires ont
récemment lancé une campagne à l’encontre des prêts accordés par le système
bancaire parallèle, mais continuent de croire en une asymétrie des cycles de
croissance et de récession en Chine. La nouvelle expansion du crédit migre
vers le dernier refuge des bulles en fin de vie : les corporations non-financières injectent d’importantes sommes sur le
secteur du prêt spéculatif. Comme le présente cet extrait d’un article tiré
du Wall
Street Journal, ces prêts ont désormais atteint des proportions
épidémiques, et sont la réponse directe aux efforts de Pékin de régner sur la
bulle du crédit monumentale de la Chine :
Ces prêts accordés par une
société à une autre représentent le secteur le plus florissant du système
bancaire parallèle chinois, et apportent une source de crédit extérieure aux
canaux bancaires traditionnels. La multiplication de ces prêts était
équivalente l’an dernier à près de 30% des prêts accordés par les banques en
yuans – plus de deux fois le pourcentage de 2012. Cette hausse est d’autant
plus prononcée par le fait que le financement social de la Chine, une mesure
de création de crédit, a baissé de 561,2 milliards de yuans sur la même
période, en grande partie parce que d’autres formes de crédit parallèle ont
décliné à mesure que Pékin cherchait à régner sur la croissance de la dette.
Les économies modernes
assoiffées d'endettement et les systèmes financiers dominés par les ateliers
de frappe monétaire de leurs banques centrales refusent d’apprendre les
leçons de l’Histoire. Mais dans le cas de la Chine et des prêts accordés par
des firmes commerciales et industrielles, les leçons à tirer sont claires
comme de l’eau de roche. Au cours du dernier relâchement du marché boursier
américain en 1928-29, les opérations de prêt avec appel de marge sont passées
de 5 à 10% du PIB en 12 mois, et la vaste majorité de cette expansion a été
causée par des corporations spéculant grâce à leurs excès de liquidité –
obtenus sur le marché boursier !
Plus fou encore est le
relâchement de la bulle japonaise entre 1988 et 1990, baptisé Zaitech pour l’ingénierie financière. Les corporations
ont à l’époque levé d’importantes quantités d’argent
sur le marché des obligations pour le transférer sur le marché boursier en
route vers 50.000.
Les capitalistes chinois ne
font que rejouer Zaitech avec une touche locale.
Les sociétés non-financières convertissent leur
argent – qui devrait être épargné – et les prêts accordés par les banques
d’Etat en jetons de Poker pour spéculer sur un marché du prêt qui a grand
besoin de financement. Lorsque l’Etat n’aura plus la volonté ou la capacité
de supporter ce qui deviendra une spirale de défauts chez les petites et
moyennes entreprises, l’effondrement qui surviendra fera passer la crise
japonaise pour un piquenique scolaire.
C’est à ce moment-là que le
poing d’acier de l’Etat devra entrer en jeu. Les gendarmes économiques seront
déployés par les camarades désespérés de Pékin. Les procès contre les ennemis
de l’Etat se prolifèreront et les rues seront emplies de masses privées de
leur droit à une prospérité permanente. La machine de croissance chinoise
s’éteindra brusquement. Et le miracle chinois sera dévoilé. Il n’a jamais
existé.