Tant que les acteurs des marchés de l’or papier ne demandent pas livraison, il leur sera possible d’orienter le cours de l’or en faisant fi de ce qui se passe sur le marché physique. Cependant, James Turk a noté durant sa dernière interview sur KWN une activité inhabituelle du côté des contrats EFP du Comex, une disposition qui permet de reporter la livraison du métal, lorsqu’elle est demandée par l’acheteur, quand un contrat à terme expire et que le vendeur ne dispose pas de l’or. Est-ce le signe de grosses tensions sur le marché physique de l’or et les prémices d’un étranglement des positions short qui permettrait à l’or de dépasser les 1300 $ l’once ? Cette possibilité n’est pas à écarter :
« La semaine de l’expiration mensuelle des options étant désormais derrière nous, voici quelques développements importants de la semaine dernière que je voudrais partager avec vous.
Premièrement, malgré la grosse bagarre qui a eu lieu la semaine dernière sur l’or, il n’a baissé que de 90 cents à la clôture de vendredi. Il s’agit d’une performance impressionnante. L’argent a même réussi à grimper de 51 cents sur la semaine.
Deuxièmement, l’or est sorti indemne de la bataille de vendredi, jour qui correspondait également avec la fin du trimestre. D’habitude, les manipulateurs tentent d’embellir la situation en fin de trimestre, car un cours en baisse permet d’amortir leurs pertes sur leurs positions short. Mais cette fois, leur gambit n’a pas fonctionné comme de coutume.
Vendredi, l’or a baissé jusqu’à 1240 $ durant la session asiatique, qui se caractérise par de faibles volumes, ce qui était donc l’occasion rêvée pour effrayer les positions long fragiles, ainsi que d’avoir un maximum d’options d’achat expirant en dehors des limites. Mais des acheteurs se sont présentés à ce niveau de 1240 $.
Les ventes se sont heurtées à un mur d’achats
À l’ouverture de New York, ils ont à nouveau essayé de pousser l’or en dessous de 1240 $. Mais les ventes d’or papier des manipulateurs se sont heurtées à une vague d’achats. Les achats se sont poursuivis tout au long de la journée de vendredi, et l’or a fini par clôturer aux environs du plus haut de la session, en hausse de 2,3 $ par rapport à la veille. Ce fut un nouveau signe de la vigueur du métal. Mais en voici un autre, qui fournit des preuves solides que je trouve assez incroyables.
Le Comex offre une possibilité méconnue, les EFP, qui signifie Exchange of Futures for Physical (échange de contrats à terme contre du physique). Dans le cadre d’une telle transaction, les contrats à terme du Comex sont échangés contre une position sur le marché physique. Ces accords se font en dehors du cadre du Comex et sont négociés en privé.
Comment fonctionnent les EFP du Comex
Voici un exemple de leur mode de fonctionnement. Admettons que vous voulez prendre livraison d’un contrat à terme expirant en avril, et que la société qui vous a vendu le contrat ne dispose pas du métal dans ses coffres du Comex. L’entité qui détient la position short vous appelle en vous proposant de vous livrer le métal ailleurs, à un prix et à des conditions que vous négociez.
Vu que la position short veut éviter un défaut de livraison, elle fait souvent des concessions, par exemple sur le prix ou d’autres conditions en faveur de l’entité long afin de la pousser à accepter. Voyons désormais ce qui s’est passé la semaine dernière. Le tableau suivant montre l’ensemble des transactions EFP du Comex :
Tout d’abord, cette activité des EFP explique pourquoi l’intérêt ouvert a chuté de 45 471 contrats la semaine dernière. Avec ce genre de pression à la vente, pourquoi les manipulateurs n’ont-ils pas réussi à pousser l’or en dessous des 1240 $ l’once ? Tout simplement parce que les positions ouvertes ne se sont pas réduites en raison de ventes des positions long. En fait, elles ont disparu parce que ces positions long, détenues par des acteurs solides, ont pris livraison du métal, ou ont reçu la promesse d’être livrées dans le futur via ces EFP. Les 35 843 contrats EFP de la semaine dernière ont représenté une réduction impressionnante de 79 % de la baisse de l’intérêt ouvert.
Branle-bas de combat chez les shorts
Mais voilà ce que je trouve stupéfiant. Observez ces EFP avec exécution en juin. Et voyez comment les EFP avec exécution en avril ont baissé au fil de la semaine alors que ceux de juin grimpaient. Cela signifie que les positions short furent incapables de livrer les contrats d’avril, qui devaient être livrés la semaine dernière, avant l’expiration de ces contrats. Les positions short ne disposaient pas du métal nécessaire, donc elles ont reporté la promesse de livrer à juin, sans aucun doute en faisant des concessions sur le prix afin de rendre la proposition attractive et de pousser les positions long à attendre deux mois de plus.
Voici d’autres considérations à prendre en compte. Dans un marché normal, les positions short qui sont obligées de livrer du métal le font le plus vite possible, pour 2 raisons. Tout d’abord, livrer le métal le premier jour des livraisons permet de ne pas payer de frais de garde pour tout le mois. Deuxièmement, au plus tôt ils livrent, plus vite ils reçoivent le paiement.
Les EFP ont été conçus pour résoudre quelques positions problématiques en fin de mois. Mais la semaine dernière, leurs volumes furent énormes. Ils ont représenté 111 tonnes, soit environ deux semaines de production annuelle. Ce n’est pas rien, et le fait que cette activité a eu lieu en fin de mois tend à prouver que les shorts tentent de reporter autant que possible la livraison vu qu’ils ne disposent pas du métal.
Je voudrais quand même mettre un bémol à tout ceci avant d’anticiper ce qui pourrait se passer dans les semaines et les mois à venir. Interpréter les données du Comex, c’est un peu comme essayer de savoir à quoi ressemble un éléphant en voyant simplement une patte. D’autres interprétations de ces données EFP sont possibles, vu que celles-ci ne nous permettent de voir que brièvement et partiellement ce qui se passe en coulisse.
Mais si mon interprétation est correcte, l’or se prépare à un étranglement épique des positions short. Sur base de ces données, je pense que les shorts sont coincés. Ils n’ont pas pu livrer le métal désiré par les longs. Les shorts ont donc paré au plus pressé : incapables de fournir le métal, ils ont reporté les livraisons. (…) »