Comme c’est aussi le cas
dans le monde de la mode, les terminologies économiques vont et viennent.
L’un des termes à la mode aujourd’hui est « stagnation séculière ».
C’est une expression qui a proposée pour la première fois par l’économiste
keynésien Alvin Hansen dans les années 1930. Stagnation séculière est un
terme utilisé pour parler des performances économiques lamentables des
Etats-Unis – ralentissement de la croissance et taux de participation au
marché du travail inférieur à son potentiel.
C’est un terme qui est aujourd’hui
redevenu à la mode grâce à des héros contemporains de l’économie keynésienne
comme Larry Summers et Paul Krugman, et qui est basé sur la notion selon
laquelle une surabondance chronique d’épargne est à l’origine d’une économie
fonctionnant en-dessous de son potentiel. La notion selon laquelle le monde
serait aujourd’hui pris au piège dans une sorte de stagnation est une idée
avec laquelle je puisse tomber d’accord.
En revanche, le
raisonnement présenté pour expliquer cette stagnation passe complètement à
côté du rôle joué par les banques centrales, et estime que le ralentissement
de la croissance et la baisse des taux d’intérêt sont la faute des
épargnants. Cette théorie n’est pas seulement philosophiquement et
économiquement erronée, elle ignore aussi des faits liés au déclin du taux
d’épargne à l’échelle mondiale.
Krugman et Summers ne
semblent pas réaliser que lorsque les taux d’intérêts grimpent, les gens ont
tendance à épargner plus. De la même manière, lorsque les taux d’intérêt sont
bas, ils épargnent moins. Dans les années 1970, quand les taux d’intérêt
atteignaient 20%, le taux d’épargne a atteint un record historique de 14,6%
aux Etats-Unis. Aujourd’hui, il est de 5%.
Le Japon, chose qui
n’est pas surprenante, est l’enfant-modèle de la stagnation séculière, et a
enregistré une chute brutale de son taux d’épargne. Le taux d’épargne du
pays, qui s’élevait dans les années 1980 à 20%, a atteint -1,3% en mars 2014.
Il n’est pas surprenant que ce taux négatif soit apparu en parallèle à une
baisse des rendements des obligations sur 10 ans de 0,3% et à des taux
d’intérêt réels négatifs.
En Union européenne,
l’épargne a chuté en parallèle à la baisse des taux d’intérêt générée par la
BCE. L’épargne des ménages représentait 13,3% en 2009, et est passée à 10,5%
au premier trimestre de 2014. La vérité, c’est que malgré le désir de Krugman
et de Summers de faire porter le blâme aux épargnants, il n’existe aucune
preuve de surabondance de l’épargne à travers le monde. Les Keynésiens ne
cherchent jamais à expliquer l’origine de l’hypnose générale qui influence la
propension à épargner des ménages.
Une hausse du taux d’épargne
n’est visible nulle part. Pour vous dire toute la vérité, 28% des salariés
américains ont moins de 1.000 dollars de côté pour leur retraite, selon une
récente étude menée par l’Employee Benefit Research Institute et Greenwald
and Associates. 57% des consommateurs américains disent disposer de moins de
25.000 dollars d’épargne retraite. L’épargne à laquelle font référence les
manipulateurs de marchés n’est rien de plus que le crédit des banques centrales
déguisé en épargne. Ce capital d’investissement ne devrait se manifester
qu’au travers de la croissance de la productivité et du délai de consommation
– et pas au travers de la monnaie fiduciaire des banques centrales.
La
véritable cause de la stagnation séculière
Au cours de ces sept
dernières années, la Réserve fédérale a imprimé 3,7 trillions de dollars dans
l’espoir de relancer la croissance économique. Mais qui a réellement obtenu
cet argent ?
Au début de la crise
financière, Ben Bernanke ne courait pas au travers des Etats-Unis tel Ed
McCann – à toquer aux portes des gens pour vérifier s’ils avaient bien reçu
un gros chèque qui leur permettrait de rembourser leur prêt immobilier. Au
contraire, la première tranche de monnaie a été dirigée vers les banques afin
de leur permettre de demeurer solvables.
Les trois programmes de
QE ont porté des actifs à risque sur les bilans des banques, dans l’espoir de
les voir accorder des prêts plus stables. Mais à qui les banques
étaient-elles supposées prêter ? Les consommateurs étaient déjà excessivement
endettés parce qu’ils n’avaient quant à eux pas obtenu de refinancement de la
part de la Fed.
Viennent s’ajouter à cette
accumulation d’excès de réserve sur le système bancaire une longue liste de
nouvelles régulations. La loi Dodd/Frank a encouragé les banques à déposer de
l’argent auprès du Trésor. Et l’argent qui restait pouvait être redirigé vers
le marché des actions plus facilement que vers le portefeuille des
consommateurs. C’est pourquoi des bulles se sont développées sur les actions
et les obligations, et c’est aussi la raison pour laquelle l’écart entre
riches et pauvres ne cesse de s’accroître.
Mais ironiquement,
Krugman et Summers refusent de prendre ces bulles en considération, et les
perçoivent comme notre dernier espoir. A vrai dire, Summers a expliqué dans
son discours donné devant le FMI, que le monde d’aujourd’hui a besoin des
bulles pour atteindre le plein emploi. Le chroniqueur du New York Times, Paul
Krugman, a décrété sur son blog que « les bulles sont peut-être
nécessaires au rééquilibrage de l’insuffisance de la demande, du taux de
chômage et du ralentissement de la croissance ».
Plutôt que de permettre
à l’économie de fonctionner au travers d’un désendettement douloureux mais de
court terme qui pourrait le débarrasser des mal-investissements et de paver
la voie vers une croissance durable, messieurs Summers et Krugman préfèrent
soutenir l’économie au travers d’une série infinie de cycles économiques
responsables de la disparition de la classe moyenne. Il semblerait que les
Keynésiens qui dominent les politiques globales et les banques centrales
aient perdu confiance en le rebond potentiel des économies. Ils ont adopté
une économie de contrôle fondée sur le crédit et les taux d’intérêt de
banques centrales corrompues.
La vérité, c’est que l’épargne
et l’investissement réels ne génèrent pas de stagnation séculière, mais sont
les fondations mêmes de la productivité et de la croissance. La stagnation
séculière dont souffre aujourd’hui le monde développé a été apportée par la
monétisation de la dette des banques centrales, qui a généré des bulles, une
saturation de dette et la désolation de la classe moyenne. L’économie souffre
de l’état de stagnation des cervelles de ceux qui contrôlent les
gouvernements et les banques. C’est cette forme même de stagnation séculière
qui mettra bientôt à genou l’économie globale.