Le Premier ministre ukrainien,
M. Yatsenyuk, a démissionné dimanche, quatre jours seulement après que les
Hollandais ont voté contre l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne. Ces
deux évènements indiquent clairement que le coup organisé par les Etats-Unis
en Ukraine n’a pas offert au pays la liberté et la démocratie promises. Ils
suggèrent également un profond mécontentement des Européens face à l’interventionnisme
de Washington.
Selon les gouvernements des
Etats-Unis et de l’Union européenne – chose qu’ont beaucoup répété les médias
grand public – le peuple ukrainien s’est soulevé de sa propre volonté en 2014
pour se débarrasser d’un gouvernement corrompu et allié de Moscou, pour venir
rejoindre le camp pro-occidental. Selon ces gens, le personnel du
gouvernement américain qui a distribué des cookies et est entré en scène à
Kiev pour pousser le peuple à renverser leur gouvernement n’a rien eu à voir
avec ce coup.
Quand la Vice-secrétaire d’Etat
américaine, Victoria Nuland, a été filmée se vantant des 5 milliards de
dollars dépensés par le gouvernement des Etats-Unis pour « promouvoir la
démocratie » en Ukraine, elle ne voulait absolument pas dire que les
Etats-Unis avaient eu quoi que ce soit à voir avec la chute du gouvernement d’Ianoukovitch.
Quand elle a été filmée en train de dire à l’ambassadeur américain à Kiev que
le Premier ministre Yatsenyuk était le choix des Etats-Unis, elle n’a
absolument pas sous-entendu que les Etats-Unis avaient interféré avec les
affaires internes de l’Ukraine. Les néo-conservateurs considèrent encore les
rumeurs d’une implication des Etats-Unis comme une « théorie de la
conspiration ».
Je ne doute pas que l’ancien
gouvernement était corrompu. La corruption est l’apanage des gouvernements.
Mais selon Transparency International, la corruption du gouvernement
ukrainien est aujourd’hui similaire à ce qu’elle était avant le coup. L’intervention
américaine a donc échoué à régler le problème, et le gouvernement installé
par les Etats-Unis tombe aujourd’hui en ruines. Le chaos que traverse l’Ukraine
peut-il être qualifié de nouvelle réussite de Washington ?
Mais venons-en au vote
hollandais. Le rejet du projet de l’Union européenne d’accueillir l’Ukraine
parmi ses rangs démontre le niveau de frustration et de colère en Europe face
à l’interventionnisme de Washington dans les affaires politiques de la région
aux dépends de la sécurité et de la prospérité des Européens. Les autres pays
membres de l’Union européenne n’ont même pas osé organiser un référendum sur
la question.
Bruxelles soutient l’intervention
des Etats-Unis au Proche-Orient, et des centaines de milliers de réfugiés qui
cherchent à échapper aux bombardements accablent aujourd’hui l’Europe. Les
gens doivent payer toujours plus de taxes pour venir en aide aux victimes des
politiques de Washington.
Bruxelles défend les projets de
changement de régime en Ukraine, et les citoyens européens entendent dire qu’ils
devront porter le fardeau de la transformation d’une cause désespérée en un
pays digne des standards établis par l’Europe. Combien coûterait-il à l’Europe
d’adopter l’Ukraine en tant que membre ? Personne n’ose le dire. Mais
les Européens en ont assez de voir leur dirigeants respecter les demandes de
Washington et de se retrouver à en payer les frais.
La colère monte, et il est
impossible de savoir jusqu’où la situation pourra aller. En juin prochain, le
Royaume-Uni votera sur la question d’une possible sortie de l’Union
européenne. La campagne de sortie allie des conservateurs, des populistes et
des progressistes. Peu importe ce qui en ressortira, ce vote sera d’une
grande importance. Les Européens en ont assez de voir leurs dirigeants de
Bruxelles détruire leur sécurité financière et politique en cautionnant l’interventionnisme
de Washington. Personne n’oserait appeler ces récentes interventions des
réussites, et les Européens le savent.
D’une manière ou d’une autre, l’empire
des Etats-Unis touche à sa fin. Reste à savoir ce qui manquera en premier :
l’argent ou les alliés. Mieux vaudrait pour les Américains de demander à ce
que prennent fin ces politiques le plus tôt possible.