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« Nous n’avons jamais eu des clients aussi difficiles que les Grecs »
aurait dit selon l’agence Bloomberg un officiel du FMI lors d’une conférence
téléphonique avec la Commission et le BCE. Il ne croyait pas si bien dire,
ils sont coriaces !
Le gouvernement grec a en effet saisi l’occasion de montrer sa
détermination en faisant voter par le Parlement la loi instituant une aide
humanitaire aux plus démunis. « La première a avoir été écrite en grec de ces
cinq dernières années au lieu d’avoir été traduite », a déclaré à la tribune
Alexis Tsipras avant que les députés de Nouvelle Démocratie et du Pasok
joignent leurs voix à celles de Syriza pour l’adopter. Les tickets
alimentaires et l’électricité gratuite seront distribués.
Tout avait commencé par une lettre d’un haut fonctionnaire de la
Commission, qui s’opposait au vote. Il était vite désavoué – tout en
l’encensant – par le commissaire Pierre Moscovici dont il est le subordonné,
qui refusait le « faux procès » fait à la Commission et déclarait « nous
soutenons pleinement l’objectif d’aider les plus vulnérables dans la société
grecque, il n’est pas question d’un quelconque veto d’un projet de loi
humanitaire comme je l’ai vu rapporté dans certains médias ». Mais la lettre
de Declan Costello, le directeur général de la direction des affaires
économiques et financières (DG ECFIN) ne prêtait pas à équivoque, même si ses
termes étaient choisis (*). Elle pouvait difficilement être assumée, voilà
tout.
Pierre Moscovici n’est pas le seul à avoir le cœur serré en ces
circonstances. Encerclé par les manifestants venus de toute l’Europe à
l’occasion de l’inauguration du nouveau siège de 1,3 milliards d’euros de la
BCE à Francfort, Mario Draghi a déploré les accusations « sans doute injustes
» dont la banque centrale fait l’objet, tout en ajoutant devant sa centaine
d’invités : « Mais en tant que banque centrale pour l’ensemble de la zone
euro, nous devons écouter attentivement tout ce que les citoyens ont à dire.
(…) Les gens vivent des temps difficiles ».
Alexis Tsipras rencontrera ce soir le président de la BCE, accompagné
d’Angela Merkel, François Hollande, Jean-Claude Juncker et Jeroen
Dijsselbloem. Mais ce dernier, qui préside l’Eurogroupe, a mis de l’huile sur
le feu hier en suggérant que le gouvernement grec introduise des mesures de
contrôle des capitaux, ce qui a eu pour effet immédiat d’accélérer les
retraits de fonds des banques grecques, qui s’étaient calmés. Avec la BCE, il
joue à un drôle de jeu, contribuant de son côté à déstabiliser les banques
grecques, la BCE accentuant au compte-goutte le montant des liquidités
d’urgence que la Banque centrale grecque est autorisée à accorder aux banques
du pays. À l’arrivée, le gouvernement grec est de plus en plus sous la
dépendance de la BCE.
Le dernier mot aurait pu revenir lundi prochain à Angela Merkel, qui
recevra à Berlin Alexis Tsipras, mais elle a annoncé par avance qu’il ne faut
pas tout attendre de cette rencontre, continuant à cuire la Grèce à petit
feu.
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(*) Voilà, selon Paul Mason de la télévision britannique Channel 4, l’extrait
de ce courrier : “We would strongly urge having the proper policy
consultations first, including consistency with reform efforts. There are
several issues to be discussed and we need to do them as a coherent and
comprehensive package… Doing otherwise would be proceeding unilaterally and
in a piecemeal manner that is inconsistent with the commitments made,
including to the Eurogroup as stated in the February 20 communiqué.”
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