La déception continue de
s’étendre dans les rangs socialistes : les lendemains qui changent, ce n’est
pas maintenant. En revanche, la pluie d’impôts et de taxes, c’est tout de
suite, comme je l’avais déjà noté il y a quelques jours. Seulement voilà : à force de tirer
sur la bobinette, la chevillette cherra et les Français diront stop. En
attendant ce moment, ils montrent tout de même un peu les crocs.
Oh, rassurez-vous : le citoyen
lambda est encore fort loin d’avoir parfaitement intégré les évidences
macro-économiques qui poussent à conclure que la pression fiscale, en France,
a dépassé les limites depuis un bon moment. Pour l’instant, il est encore au
stade où, les fesses endolories à de multiples endroits par le fouettement
répété du Trésor Public, son esprit est à la recherche d’un endroit où garer
son petit derrière loin des vexations fiscales, afin d’y passer une bonne
couche de pommade en attendant les jours meilleurs. Apeuré et confus, le
citoyen n’essaye pas, pour le moment, de comprendre pourquoi son
arrière-train le fait à ce point souffrir, ses pensées sont entièrement
mobilisées à arrêter la souffrance.
Dès lors, il est plus facile
de comprendre pourquoi, lors d’une récente enquête, les Français interrogés
estiment qu’il vaudrait mieux diminuer le nombre de fonctionnaires plutôt
qu’augmenter les impôts pour arriver à boucler un budget que la blagounette
de la réduction de déficit ne parvient pas à faire passer sans douleur. Moins
de fonctionnaires, c’est moins de personnes à payer, donc moins d’impôts à
ponctionner (et plus de surface de cucul épargnée).
Mais, comme je le disais, en
conclure qu’il a compris, ce serait faire un saut lacantique : on est toujours, pour le moment,
dans les mouvements réflexes. D’ailleurs, les politiciens l’ont très bien
compris qu’ils annoncent une nouvelle cure d’austérité pour 2014. L’article du Monde,
qui relate les états d’âmes du gouvernement face à un budget serré comme un
café de Clooney, mérite totalement le label de Pignouferie de Presse.
Laissant dès les premiers paragraphes sous-entendre que le laxisme budgétaire
gluant dans lequel baigne la France depuis 40 ans serait une forme de « norme de dépenses
exigeante », il enchaîne en expliquant qu’Ayrault aurait
retrouvé les petits raisins secs qui lui servent de gonade et qu’il avait
perdu il y a six mois par assoupissement, et qu’ainsi armé, le chef du
gouvernement aurait demandé à faire des économies non pas de 2 milliards
d’euros, mais (!) de quatre (!). Stupeur.
Pour rappel, le
déficit budgétaire de 2013 sera de toute façon supérieur à 60 milliards
d’euros. En toute
logique, un « effort » d’économie, en dessous d’une soixantaine de
milliards d’euros, n’est donc pas visible. Le rigolo qui passe actuellement
pour Premier Ministre et son side-kick comique en charge du budget, Cahuzac,
assurent donc le spectacle en s’agitant sur des rabotages de quelques
milliards. Pourtant, 60 milliards d’euros, c’est le montant
qu’on pourrait économiser tous les ans si l’on nettoyait l’État des
masses considérables de polypes cancéreux, de couches de graisses et autres
excroissances parasites que forment les commissions, institutions bidons et
autres monstres bureaucratiques développés ces 60 dernières années.
Mais non, décidément, même ces quatre milliards d’euros sont
déjà trop :
« On est à l’os ! Ce
n’est pas le train de vie de l’État auquel on touche désormais, c’est aux
moyens d’assurer les missions de service public. »
Ah bon ? Vous voulez dire que
le service public va, si on continue, être encore
plus pourri qu’actuellement ? Mais dites-moi, comment va-t-on
procéder pour offrir un service public encore plus mauvais qu’un service
inexistant ? Par exemple, comment rendre encore plus inadmissible le
traitement scandaleux des renouvellements de papiers dans les préfectures,
comme je le relatais dans un billet d’il y a quelques mois ?
Comment faire en sorte que la police, qui n’intervient plus dans certaines
zones, intervienne encore moins que plus du tout ? Par quel procédé va-t-on
empirer encore le délai d’attente aux urgences publiques ? Comment rendre le
RSI plus catastrophique ? Etc.
La réalité, c’est que certains
services publics pourraient être purement et simplement stoppés sans que
personne ne s’en rende compte. Qui pleurera vraiment la suppression du Comité
Economique, Social et Environnemental ? Qui sera même au courant de la
disparition du Conseil d’analyse de la société, de celui d’orientation pour
l’emploi, du Haut Conseil d’intégration, et j’en passe ?
J’aimerai bien que se
signalent dans les commentaires ceux qui s’élèveraient contre la disparition
des inspecteurs des impôts (ceux qui font les contrôles chez les
contribuables), les inspecteurs du travail, ceux de l’URSSAF ou même les
douaniers. Oh, bien sûr, on pourra toujours leur trouver quelque utilité,
mais en temps d’économies, elle doit être mise en rapport avec son coût, et
là, ça fait très mal. Et puis, entre les comités Théodule et les services
publics dont le public, justement, adorerait se passer, les économies
possibles sont colossales.
Non, décidément, on est encore
très très loin de l’os. Pour le moment, on a même pas commencé à chatouiller
la couenne. Plus précisément, pour le moment, aucune économie n’est
réellement actée puisque la seule action entreprise a été la multiplication
des taxes et des ponctions.
Ce qui va devenir
particulièrement épineux tant pour le gouvernement que pour les Français
eux-mêmes, c’est qu’à cette incroyable incapacité à prendre de vraies mesures
d’économies d’Ayrault et sa clique répond parfaitement l’entêtement du peuple
pour les solutions qui n’en sont pas.
Si celui qui passe pour le
premier ministre actuellement semble absolument hermétique aux notions de
coupes claires et massives dans un Etat devenu obèse, le peuple lui-même,
confronté aux limitations de plus en plus importantes de son système de
retraite refuse toujours aussi obstinément de le remettre à plat :
il ne veut pas franchement entendre parler d’un départ retardé et, de façon
assez logique, n’accepte plus du tout la moindre modification sur les
cotisations payées pour la retraite.
J’écris « assez
logiquement », parce que tout le monde a maintenant compris que ces
cotisations sont déversées dans un panier percé, et que ceux qui payent
actuellement (et de plus en plus) n’ont plus aucun espoir de revoir ces
sommes considérables revenir vers eux à un moment dans le futur. En outre,
ces mêmes Français commencent à se rendre compte que la multiplication des
régimes spéciaux a largement aidé à placer l’ensemble du système de retraites
par répartition dans l’écroulement au ralenti dans lequel il se démène
actuellement. Et les manipulations grossières de la ministre Marisol Touraine
pour camoufler certains des avantages de ces régimes (celui des
parlementaires, en l’occurrence) laissent un goût amer à ceux qu’on vient
maintenant solliciter pour verser un peu plus au tonneau commun des Danaïdes.
Bref : entre un gouvernement
qui refuse de faire des efforts et implémente sa version très particulière de
l’austérité, et un peuple dont la grogne monte, on comprend que trouver une
solution crédible relève au mieux du parcours du combattant, et au pire, de
l’impossibilité complète.
Pourtant, comme le souligne de
récents articles de Contrepoints, des solutions existent et ont été mises en
place avec succès (cas du Chili pour la retraite par capitalisation,
typiquement, de la Nouvelle-Zélande ou de la Suède pour la cure de minceur de l’Etat). Mais
voilà : ces solutions sont, évidemment, d’inspiration fortement libérale.
Elles seront donc honnies et méticuleusement rejetées du champ des débats en
France.
Moyennant quoi, ce pays est
foutu.