Nous sommes en Juin 2013. François Hollande, apparemment président de la
République et qui marchait à tâtons depuis plusieurs mois, entrevoit de la
lumière et s’exclame : « La crise de la zone euro est derrière nous
! ». Stupéfaction chez les Français, qui n’avaient rien remarqué.
Étonnement dans l’opposition qui ne s’y était pas préparée. Surprise étouffée
chez la majorité, qui n’était pas au courant non plus. Septembre 2013 : la
crise était derrière nous et nous nous sommes retournés, pour voir. Elle a
bondi.
Les signes s’accumulent depuis un moment. Le président François, résigné,
les sourcils froncés sur son visage buriné par les ans et le rude contact permanent
avec le réel, sait que la partie sera rude, qu’il y aura des cris et des
grincements de dents. Il nous a promis, à tous, du sang et des larmes, et,
dans la franchise de son discours, dans la fermeté de ses paroles exemptes de
la moindre hésitation, dans la solidité de ses arguments, chacun a su trouver
en lui le roc qui servira d’amarre à la République pendant ces temps
d’ouragans.
Mhm, non, décidément, Hollande en homme à
poigne, guidant son peuple au travers des tempêtes, ça ne le fait pas. Ses récents
déboires photographiques (qui s’empilent sur une déjà très longue liste de
précédents clichés qu’on qualifiera pudiquement d’alternatifs) ajoutent un
caractère délicieusement fantaisiste au personnage dont l’assurance et la
fermeté n’ont jamais été la marque de fabrique.
Mais plus sérieusement, on se demande comment lui et son gouvernement vont
continuer à camoufler les indicateurs désastreux qui s’accumulent
actuellement ; on ne peut pas tout miser sur les blagounettes,
les petites fautes d’orthographe ou d’inattention dans les papiers officiels
et des opérations militaires coûteuses pour occuper la galerie : ça ne marche
qu’un moment.
Parce que pendant ce temps là, on observe par
exemple une baisse des immatriculations de véhicules en France. En
fait, lorsqu’on lit que le nombre d’immatriculation a baissé de plus de 10%
en août, renvoyant ce mois d’août dans les plus mauvais depuis 1997, on peut
parler de dégringolade, avec une descente aux enfers bien marquée pour PSA
Citroën qui encaisse plus de 17% de baisse à lui tout seul. Même si le mois
d’août n’est guère propice à l’achat de voiture, ces chiffres étant comparés
aux mois d’août des précédentes années, on a bien du mal à n’y pas voir une
belle gamelle que n’explique pas seulement la disparition de la prime à la
casse.
De la même façon, on note que les salaires des cadres n’augmentent plus. Oh, en soi,
cela ne semble absolument pas gênant puisqu’on parle ici de professions qui
sont, en moyenne, relativement aisées, et qu’on n’hésite pas à mettre dans les
classes moyennes (voire riches lorsqu’on s’appelle François Hollande). Mais
l’absence de progression chez ces catégories professionnelles indique un
tassement voire des réductions dans toutes les catégories inférieures. Elle
indique aussi une perte de latitude des entreprises qui les emploient, une
érosion des marges, voire des chiffres d’affaire.
Perte de marges qui s’observe aussi dans la compétitivité française : celle-ci a rapidement dégringolé de la 18ème place en
2011 à la 23ème place cette année, reculant encore de deux place depuis
l’année dernière. Cette descente s’explique, selon l’enquête du World Economic Forum, par le fait qu’« entreprendre
dans le pays est rendu difficile par les règles restrictives du marché du
travail et les taux d’imposition, suivis par les règles fiscales ».
Vraiment, la surprise est de taille, n’est-ce pas ?
À ces éléments déjà pas jolis jolis, on peut
ajouter le chiffre de la production manufacturière qui repart partout en zone
Euro, sauf en France. Flûte et zut. Quant au chômage, tous
calculs faits, il continue bien d’augmenter (eh oui : c’est la surprise
de la rentrée, l’infléchissement de la courbe n’a toujours pas eu lieu). On
admirera au passage l’ensablement presque compulsif des têtes de notre presse
française qui s’obstine à commenter sur la baisse (assez bidon) du chômage
des jeunes, ce qui leur permet de décrire avec moult détails l’arbre du
chômage des moins de 25 ans en oubliant commodément la forêt des demandeurs
d’emplois qui elle continue de pousser, inexorablement.
Ce petit côté « Oups, pas de chance ! » qui semble
s’acharner sur les gesticulations des gouvernements français ne doit en
réalité pas grand-chose au hasard.
La tendance est là, depuis des années. L’accélération récente n’est
finalement que le résultat d’une conjonction de facteurs qui se synchronisent
malheureusement les uns avec les autres pour aboutir à ce marasme
exceptionnel : des ministres absolument incompétents, un dogmatisme qui
dégouline d’un bout à l’autre de la machine étatique, une obstination crétine
à analyser le problème en terme de manque de lois, de règlements ou
d’intervention étatique, la croyance naïve et répétée que la France serait un
cas particulier, un paradoxe qui mérite un traitement différent, le
vieillissement d’une population qui s’arc-boute sur des privilèges acquis par
une redistribution inefficace et la spoliation plus ou moins comprise des
générations futures, tous ces éléments s’additionnent pour entraîner le pays,
sa population, ses institutions et ses gouvernants dans un cercle vicieux
dont rien ne semble pouvoir les sortir.
Et si je parle de cercle vicieux, d’obstination maladive à toujours appliquer
les solutions déjà tentées, déjà foirées, ce n’est pas par malice de libéral
regardant, aussi consterné qu’amusé, les contorsions des ministres tentant
d’éviter un énième échec, mais c’est simplement parce que c’est bien de ça
qu’il s’agit : devant ces indicateurs catastrophiques et l’amoncellement de
problèmes dont pas mal d’éléments indiquent qu’ils sont le résultat direct
des politiques lamentables menées ces derniers mois, que fait le gouvernement
?
Il remet les couverts !
Comprenant qu’il ne peut pas annoncer une nouvelle giboulée d’impôts, il
explique doctement qu’il va ralentir la saucée : il y aura, selon Cazeneuve, beaucoup moins que six milliards de nouveaux impôts en 2014.
On se demande quelle partie de « Baisser les impôts »
ces frétillants bivalves ne comprennent pas. On s’interroge : savent-ils
seulement que l’unique méthode pour relancer l’économie, la seule prouvée,
efficace, qui fonctionne, partout, c’est de baisser les dépenses de
l’État ? On voit que non.
Pour eux, un seul robinet : celui des taxes. Un seul levier : celui des
impôts. Et c’est ainsi qu’on voit des niches disparaître, des taxes fleurir, la répression fiscale se mettre en place.
Et lorsque le peuple commence à grogner, que fait le gouvernement ?
Il distribue des petits bonbons.