Un lecteur m’a récemment
demandé ainsi comment, au sein d’une économie basée sur le crédit, les
intérêts pouvaient être remboursés :
«
Je me
demandais s’il vous serait possible de commenter ce qu’a dit Bill Gross ici :
« Une
économie de marché libre dépend d’un niveau de crédit en constante expansion.
Sans crédit additionnel, les intérêts des passifs déjà émis ne pourraient
plus être remboursés sans la vente d’actifs existants, ce qui nous mènerait à
un cercle vicieux de déflation de la dette, de récession puis de dépression.
Pour dire les choses simplement, si le
crédit a besoin de s’étendre de 4,5% par an, alors les secteurs privé et
public combinés doivent créer approximativement 2,5 trillions de dollars de
dette par an pour rembourser les intérêts en souffrance ».
Voilà qui
semble parfaitement corréler avec la réalité, mais les implications en sont
épatantes. Il semblerait que la valeur des actifs doive grimper au taux du
prêt original plus paiements d’intérêts. Cela signifie aussi qu’il y aura un
jour un renversement brutal lorsque le dernier prêt remboursable sera accordé
et que le système ne sera plus en mesure de s’élargir. J’ai toujours pensé
que le niveau de dette atteindrait un jour un plateau pour s’y maintenir,
mais selon Gross, ce ne serait pas possible.
Si le système
que nous avons requiert une création d’intérêts chaque année (sous la forme
de nouveaux prêts), il semble qu’il soit la définition parfaite d’une combine
à la Ponzi.
Avez-vous
connaissance des raisons mécaniques pour lesquelles les paiements d’intérêts
doivent être créés par la création de nouvelle dette ? Il est bien
entendu possible que vous ne tombiez pas d’accord avec Bill Gross, mais
puisqu’il en connaît sans doute plus long que tout homme au sujet du
fonctionnement de la dette, je suppose que vous adhérez à son point de vue.
Je suis
certain que vous recevez un grand nombre de requêtes, mais cette question est
si fondamentale que je vous en serai extrêmement reconnaissant si vous
preniez le temps d’y répondre dans un article ».
Ma réponse
Mathématiques
exponentielles
Nous sommes
dans une situation difficile aujourd’hui précisément en raison des prêts de
réserves fractionnaires et des politiques inflationnistes des banques
centrales, qui ne semblent pas comprendre les ramifications de long terme des
mathématiques exponentielles.
J’ai déjà
couvert ce sujet auparavant. Pour plus de détails, je vous prie d’en référer
à Money as Communication: A Purposely
"Non-Educational" Fallacious
Video by the Atlanta Fed.
Le crédit
dans un monde garanti par l’or
Il n’y a rien
de mal à étendre le crédit à des fins productives. Si nous avions un dollar
garanti par de l’or à hauteur de 100%, sans FDIC, les mauvaises dettes
disparaîtraient instantanément.
Les taux
d’intérêts seraient relativement bas pour les entreprises à faible risque, et
élevés pour les entreprises à haut-risque. Ce sont les prêteurs (des
déposants qui acceptent de prêter de l’argent) qui assumeraient ce risque.
Pour ce qui
concerne les entreprises à haut-risque, certains projets devraient rencontrer
le succès, d’autres non. C’est dans la nature des choses.
Plus important
encore, aucune quantité d’argent déposée sur un compte ne pourrait courir un risque
sous un système garanti par l’or. Il n’y aurait pas non plus de besoin
mathématique d’expansion exponentielle du crédit.
Les prêts
immobiliers sur trente ans pourraient même ne pas exister, mais cela ne
poserait aucun problème.
La déflation
(qui apparaît naturellement en raison de la hausse de productivité)
apporterait la stabilité des prix que recherchent aujourd’hui les banquiers
centraux.
Mais nous ne
vivons pas dans ce monde.
Mathématiques
du monde fiduciaire
Nous vivons
malheureusement dans un monde fiduciaire, et non dans un monde où le dollar
est garanti par l’or. Nous avons un système de prêt fractionnaire, qui
présente d’importants déséquilibres en matière d’échéance. Les banques
empruntent à découvert et prêtent à la vente. De quoi générer un désastre.
Grâce à
l’encouragement des banques centrales de taux très bas, le crédit est
hors-de-contrôle. Les prêts qui ont été accordés ne peuvent plus être
remboursés. Les sociétés zombies improductives ne survivent que parce qu’elles peuvent se
rouler dans la dette tout en l’élargissant. Les dettes sans engagement
représentent désormais 50% de la nouvelle dette.
Pire encore,
les salaires réels diminuent en raison des politiques inflationnistes des
banques centrales, dans un monde qui dépend aujourd’hui plus du travail des
robots que de celui des Hommes.
Les lois sur
le salaire de base, Obamacare, les politiques
fiscales du Congrès, les politiques de taux d’intérêt de la Fed, les
syndicats publics et les politiques inflationnistes du gouvernement poussent
de plus en plus de sociétés à se tourner vers les robots.
Quelque chose
devra finir par céder.
Les
mal-investissements et les problèmes d’une dette illimitée
J’ai demandé à
mon ami Pater Tenebrarum, du blog Acting Man, de se
pencher sur la situation. Voici ce qu’il en a écrit :
Les taux
d’intérêts ne sont rien de plus que
des prix futurs inférieurs aux prix actuels. Les intérêts sont au départ un
phénomène non monétaire. Dans le système de réserve fractionnaire, il est
devenu possible d’élargir la monnaie et le crédit. La raison pour laquelle
l’iceberg de la dette a pu prendre de telles proportions est la baisse des
taux d’intérêts à laquelle nous avons assisté depuis plus de trente ans. Nous
en sommes aujourd’hui à un point critique, parce que les taux d’intérêt ne
peuvent désormais plus tomber plus bas. La possibilité de refinancer la dette
existante indéfiniment pour en faire baisser le prix n’est plus.
La taille de
la dette ne fait aucune importance si cette dette est utilisée à des fins
productives et peut s’auto-liquider. Imaginez que vous ayez une société qui
emprunte 200 millions de dollars à 3%. Si vous utilisez cet argent pour
produire des biens qui ont une marge nette de 6%, le remboursement de votre
dette et de ses intérêts ne vous pose aucun problème.
Mais la dette
qui pèse aujourd’hui sur le système est un « poids mort » qui ne
produit absolument rien. La dette des gouvernements n’est en quelque sorte
que la réflexion de dépenses passées. Les fonds ont été entièrement
consommés. Il en va de même pour la dette des consommateurs, mais ces
derniers disposent au moins de revenus liés à la production (leur travail
génèrera de la valeur dans le futur). Les revenus du gouvernement ne reposent
que sur la production des autres, ce qui n’est pas nécessairement approprié.
Dans le monde
de la dette des entreprises, qui pourrait en principe être considérée
productive, de trop nombreux investissements ont été entrepris alors qu’ils
n’auraient pas dû l’être, puisque les calculs économiuqes
ont été falsifiés par l’impression monétaire. La dette qui a servi à financer
le capital de mal-investissement est elle-aussi un poids mort, bien que cela
ne puisse devenir évident que plus tard.
La situation
est donc la suivante : le service de la dette va désormais grimper à
chaque fois que la dette totale augmentera, puisque les taux d’intérêt sont
au plus bas. Puisque le marché du crédit a perdu 60 trillions de dollars aux
Etats-Unis, il deviendra de plus en plus difficile de produire la valeur
ajoutée requise par le service de cette dette. Beaucoup pourront se trouver
tentés d’entrer une combine à la Ponzi similaire à
celle mise en place par le gouvernement. De nombreuses sociétés ne pourront
survivre qu’en faisant défaut de leur dette lorsqu’elle arrivera à échéance.
Il n’en est
pas moins que les calculs de Gross puissent être un peu trop simplistes.
Après tout, si vous êtes un créditeur et recevez intérêts et capital, la
monnaie ne se déplace que de A à B. Elle est toujours là, elle n’a fait que
changer de mains. Le problème, c’est que les banques centrales croient en
l’inflation comme en un remède à l’endettement et à la
« stabilisation » des prix.
Dans une
économie de marché libre, les prix ne sont pas stables, ils baissent. Les
intérêts sont assez peu élevés, et chaque dollar peut au fil du temps être échangé contre
plus de biens et services.
Nous nous
dirigeons aujourd’hui vers toujours plus d’expansion. Bien entendu, le coût
du service de la dette devrait augmenter, et la création de capital n’est
plus garantie. Nous pouvons déduire cela du fait que de plus en plus de dette
soit ajoutée pour chaque dollar de croissance du PIB. Gros a raison. Il y a
un problème. Et ce problème, c’est la bulle qui se développe aujourd’hui. Une
telle bulle requiert en effet une accélération constante de la dette et de la
masse monétaire pour continuer de gonfler.
Il me semble
que le système actuel se rapproche de plus en plus du gouffre.
Au bord du
gouffre
- Le
Japon est au bord du gouffre
- L’Europe
est au bord du gouffre
- La
Chine s’en rapproche dangereusement
- Et
tel est le cas des Etats-Unis
Personne ne
peut prédire quand un pays finira par y tomber, mais les finances
exponentielles, les combines à la Ponzi et les taux
d’intérêts zéro suggèrent que nous n’ayons pas longtemps à attendre. Comme je
l’ai déjà dit, une crise monétaire globale nous attend au prochain tournant.