Un
film récent réalisé par Rabah Ameur-Zaïmeche
(Les
Chants de Mandrin) met en scène une série
d’épisodes de la vie des héritiers du célèbre
contrebandier français Louis Mandrin (1725-1755). A première
vue, le film peine à attirer l’attention du spectateur avec ses décors
très simplistes (des bois ou des maisons en pierre qui semblent
abandonnés, des costumes de théâtre), ses monologues didactiques
et ses dialogues moralisateurs et prévisibles.
Cependant,
en dépit de cette simplicité apparente, le film a la puissance d’évoquer
des idées profondes et même de susciter de véritables
réflexions philosophiques. Pour mieux les formuler, il serait utile de
rappeler d’abord en bref, dans ce premier billet, les traits historiques
de ce personnage, qui dans le film sont construites partiellement et indirectement
à travers les récits de ses anciens compagnons.
La
personnalité de Louis Mandrin reste entourée de beaucoup de
légendes et les sources historiques ne sont pas toujours fiables. Il se
distingue tout de même par sa rébellion contre le pouvoir en
place en vendant illégalement en France des produits achetés en
Suisse et en Savoie (duché faisant partie du Royaume de Sardaigne) comme
le tabac, la soie indienne et d’autres types de mousseline.
Entre
janvier 1954 et mai 1955, Mandrin entreprend six campagnes de contrebande à
la tête d’une soixantaine de compagnons en majorité
savoyards. Les Mandrins deviennent ainsi les principaux ennemis parce que
leur concurrent direct, des fermiers généraux. Ceux-ci étaient
délégués par l’État pour collecter les
impôts sur la circulation des marchandises (les traites) et
bénéficiaient en plus d’un monopole légal sur la
commercialisation des biens comme le sel (les gabelles) et le tabac.
Les
Mandrins n’auront pas besoin de recourir au seul pouvoir de leurs armes mais pourront aussi
compter sur un large soutien au sein de la population en faveur de leurs
actions. Les Fermes Générales étaient, en effet, aussi impopulaires
qu’elles étaient dominantes.
Selon
la description s’en fait Voltaire, « Mandrin fait trembler
les suppôts du fisc. C’est un torrent, c’est une grêle
qui ravage les moissons drées de la ferme. Le peuple aime ce Mandrin
à la fureur ; il s’intéresse pour celui qui mange
les mangeurs des gens ».
En
refusant de payer les taxes, les Mandrins étaient en mesure d’offrir
des produits à des prix défiants la concurrence des buralistes
des fermiers généraux. Par exemple, le tabac de bonne
qualité était vendu cinquante sous par les contrebandiers
contre cinq francs par les buralistes des Fermes.
Le
fleurissement des affaires des Mandrins n’a pas été
affaibli par l’augmentation des peines ou encore par les menaces qui pesaient
sur leurs clients. En fin de compte, plusieurs régiments royaux seront
mobilisés pour le capturer en mai 1755. Mandrin sera alors
condamné à mort et roué vif à Valence.
Au-delà
de la critique cinéphile, au-delà des débats historiques
sur les faits et les méfaits des Mandrins, il nous reste à
discuter dans le prochain billet de l’importance aussi bien
économique qu’éthique de la contrebande.
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