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Les marchés sont rationnels

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Published : December 01st, 2010
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Category : Editorials

 

 

 

 

L’évolution du marché obligataire est sans équivoque. Sans même faire une pause, les marchés ont anticipé ce lundi la poursuite de la crise, aboutissant à la précipiter. Mais si les tensions sur les taux espagnols et portugais étaient prévisibles, qu’elles touchent également les taux irlandais et italiens l’était moins. Sans parler de l’euro qui retombe à 1,30 dollar pour un euro, et des valeurs financières qui ont continué à baisser. Une journée détestable pour ceux qui ne s’y attendaient pas.


Dans le cas de l’Irlande, une incertitude un moment escamotée est réapparue, annihilant l’annonce du plan de sauvetage de dimanche. L’adoption du budget irlandais est un préalable à sa mise en œuvre, sans que rien n’assure – tout au contraire – qu’il en sera ainsi le 7 décembre prochain, date prévue pour le vote.


Car la situation irlandaise s’est singulièrement envenimée depuis la publication de deux modalités du plan. Passe encore que le taux de 5,8% des prêts européens, inférieur aux estimations qui circulaient avant son annonce, soit nettement plus élevé que celui dont les grecs ont bénéficié, soit 5,2%. Mais la décision d’utiliser les 15 milliards restants du fond irlandais de réserve des retraites afin de recapitaliser les banques irlandaises reste en travers de la gorge. Non seulement les créanciers détenteurs d’obligations senior des banques ne subiront aucune décote, mais qui plus est, ils seront intégralement remboursés avec ces fonds détournés de leur usage.


Les derniers rounds de discussion du week-end ont bien porté sur le taux et l’éventualité d’une telle décote, et rien n’était acquis à ce moment-là. Mais les négociateurs de l’Union européenne ont tranché non pas en fonction de la situation irlandaise elle-même, mais des répercussions de leurs décisions sur la suite présumée des opérations. Dans l’espoir « d’arrêter l’incendie », comme l’a depuis déclaré la ministre française Christine Lagarde, qui en avait nié l’existence auparavant. Afin d’éviter à tout prix de heurter les marchés en leur imposant une décote sur leurs créances, alors qu’il leur était parallèlement promis qu’une telle mesure ne pourrait intervenir qu’après 2013, en dernière instance et après étude au cas par cas.


Quant au taux, il aurait été finalement fixé en fonction des niveaux atteints sur le marché par les taux portugais et espagnol à maturité comparable, afin de ne pas prendre le risque qu’il soit inférieur à ceux-ci. Un jour on presse les Portugais de demander de l’aide, le lendemain on voudrait éviter qu’ils le fassent et les Espagnols avec eux…


En poursuivant trop de lièvres à la fois, les négociateurs de l’Union européenne et du FMI se sont emmêlés les pieds. Au vu des incertitudes régnant en Irlande, les marchés se sont de nouveau mis à craindre de ne pas être remboursés de leurs créances sur les banques irlandaises et ont agit en conséquence.


L’Italie en a fait les frais au passage, les marchés n’oubliant pas que si la dette publique italienne est contenue – tout du moins selon les données officielles – la dette privée est une des plus élevées au monde (soit 118% du PIB). L’Espagne a quant à elle prudemment annoncé qu’elle repoussait au début de l’année prochaine ses émissions prévues d’ici la fin de l’année, en espérant des jours meilleurs. Tout aussi significatif, enfin, a été la détente intervenue sur les taux grecs, suite à l’annonce de délais supplémentaires de remboursement qui seraient accordés à la Grèce, car ils éloignent la perspective d’un défaut.


Condamnés pour leur « irrationalité », les marchés font la loi sans nuances et les gouvernements européens la subissent en refusant de mettre les points sur les « i ». Conséquence logique de l’approche qui a été la leur depuis le début de la crise, et qui ne leur laisse aujourd’hui d’autre choix que de s’enferrer dans une stratégie sans issue. Rarement aura-t-on vu une telle obstination dans l’échec, ainsi qu’une telle inconsistance.


Combien de semaines et de mois auront été nécessaires pour que soit envisagée une « approche systémique » de la crise européenne, comme l’a dénommée hier dimanche Olli Rehn, le commissaire aux affaires économiques ? Combien en faudra-t-il encore pour que, à chaud et dans l’urgence, celle-ci débouche sur dieu seul sait quelle nouvelle échappatoire ?


L’enfermement idéologique des décideurs européens est tel qu’un secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurria, peut déclarer : « La crise a rendu l’Europe plus résistante et plus forte que jamais, la volonté de mettre en œuvre de véritables réformes fiscales est plus forte… et en cas de besoin il y a un filet de sécurité ». Le mot magique de réforme lancé, il précise qu’elles sont bien entendu « structurelles », avec pour objectif de naturellement « relancer la croissance ». Il a ensuite détaillé ce qu’il entend par là : « Les systèmes de santé et de retraite doivent être réformés, de nouveaux emplois créés, le marché du travail assoupli. Les économies ont besoin de plus d’innovation, d’une surveillance et d’une gestion d’entreprise meilleures », pour conclure « Cela va encore prendre du temps avant que les choses redeviennent comme avant ». Affligeant.


Ce lundi matin, sur les radios, des ministres démentaient pour la première fois que la France puisse être emportée à son tour dans la zone des tempêtes. Parmi les analyses de la crise européenne qui foisonnent, les scénarii se multiplient. Proposant des solutions tout en ajoutant qu’elles ne seront pas retenues, ils prévoient rarement une autre perspective que l’éclatement de la zone euro.


Quant à eux, les leaders européens sont-ils rationnels ?


Billet rédigé par François Leclerc



Paul Jorion

pauljorion.com



(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.



Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).


 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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