L’agence de notation Standard & Poor’s vient d’accepter, le 3 février, de payer une amende de 1,375 milliard de dollars aux autorités américaines pour avoir trompé les investisseurs sur la qualité des crédits immobiliers "subprime" à l'origine de la crise financière de 2008. Cet accord est signé avec le Département de la justice américain (DoJ), auquel S&P versera 687,5 millions de dollars, et dix-neuf États américains qui toucheront la même somme. Par ailleurs, l’agence versera, pour les mêmes raisons, 125 millions de dollars au fonds de pension californien Calpers. Il s’agit ici d’accords à l’amiable : S&P ne reconnaît pas officiellement sa culpabilité, mais souhaite "éviter les inconvénients attachés à une procédure longue et coûteuse"… On s’avoue touché par tant de pudeur.
Cette amende record vient clore la plainte ouverte en février 2013 par l'État fédéral américain accusant S&P d'avoir surévalué la solidité des subprimes, à l’origine de la crise de 2008. Une enquête du même genre court contre l’autre grande agence, Moody’s, mais il semble qu’une page se tourne, enfin, sur la trop fameuse crise des subprimes. Il était reproché à S&P d’avoir sciemment sous-estimé le risque des prêts hypothécaires et d’avoir facilité leur dissémination dans le système financier international en leur accordant la meilleure note, le AAA. Le coupable a été puni. Rideau.
En a-t-on désormais terminé avec cette menace ? Le montant de l’amende va-t-il rendre les acteurs du monde financier plus vertueux ? Les risques sont-ils mieux évalués et les investisseurs plus conscients et mieux avertis ? Ce n’est pas sûr du tout, au contraire. Car si les agences de notation se montrent plus prudentes qu’auparavant, au risque même de se le voir reprocher, un comble (quand S&P a privé les États-Unis de leur triple A en été 2011), l’évaluation des risques n’en demeure pas moins problématique. Prenons l’exemple de l’Italie : sa dette ne fait que croître et a dépassé les 133% du PIB, un poids démesuré, tandis que sa croissance est nulle et que les réformes structurelles se font attendre. Une situation plus qu’inquiétante, et S&P a, logiquement, dégradé la note du pays à BBB-, soit un cran au-dessus d’un actif pourri ("junk bond"). Les investisseurs en tiennent-ils compte ? Nullement : le taux à 10 ans s’élève à 2% seulement ! Nous connaissons la raison de ce décalage : la BCE pratique une politique d’assouplissement quantitatif, avec un taux directeur à zéro, des facilités de refinancement et, depuis le 22 janvier, un QE de 60 milliards d’euros par mois.
Tout ce déluge de liquidité des banques centrales, en Europe, au Japon et aux États-Unis (plus de QE, mais toujours un taux à zéro), provoque un écrasement généralisé des primes de risque qui rend les marchés littéralement aveugles. Les agences de notation peuvent bien désormais devenir plus sévères, cela ne sert à rien ! D’une façon différente, les banques centrales contribuent à masquer les risques réels et, donc, à rendre le monde financier plus instable et plus fragile. Lorsqu’une prochaine crise éclatera, elles porteront une lourde part de responsabilité. Pour autant, verra-t-on l'État fédéral américain porter plainte contre la Fed ? Ce serait amusant mais, soyons réalistes, tout à fait improbable.