In the same category

Les modèles de la mondialisation en panne

IMG Auteur
 
Published : October 13th, 2010
1514 words - Reading time : 3 - 6 minutes
( 1 vote, 3/5 )
Print article
  Article Comments Comment this article Rating All Articles  
0
Send
0
comment
Our Newsletter...
Category : Editorials

 

 

 

 

Est-il indispensable d’épiloguer sur l’impuissance qui vient de se manifester au grand jour vis à vis de la guerre monétaire, qu’il faut tout de même appeler par son nom ? Oui, car il est utile de se demander où pourrait bien se trouver la clé qui permettrait de l’arrêter et en quoi elle consisterait. Toutes les approches peuvent y contribuer.


Le trousseau ne comporte a priori que deux clés, qui se trouvent à Pékin et à Washington. Le malheur voulant que ni les Chinois ni les Américains ne semblent en mesure de les actionner. C’est aussi ce que doivent se dire – ouvertement ou in petto – tous ceux qui subissent les effets de la déstabilisation monétaire en cours. Les effets collatéraux, comme on dit désormais en empruntant au vocabulaire de la guerre. Signe que les temps sont durs !


Le forcing des Américains est brutal, tandis que la réaction chinoise qu’il suscite en retour joue sur la souplesse. Doit-on en tirer la conclusion que les premiers sont particulièrement le dos au mur ? Qu’ils s’arc-boutent sur une vision de la crise reposant sur le déséquilibre global qu’ils dénoncent, auquel il faudrait à toute force et dans les meilleurs délais remédier ? De manière similaire – mais sur un autre terrain – que les Allemands, qui ne voient eux de salut que dans la lutte acharnée contre les déficits publics ?


Il ne peut qu’être déploré ce qui est au mieux, dans les deux cas, une idée fixe et au pire une tragique erreur historique.


Où doit-on encore se demander si cette fixation ne procède pas d’autre chose ? De la crainte, une fois ce système d’explication abandonné, de devoir affronter une réalité plus sinistre ? D’avoir à reconnaître que la machine à fabriquer de la dette est cassée, que le chômage est structurel c’est à dire installé, que la consommation va rester en berne et la croissance de même ? Car ce serait se soumettre à un inacceptable et insupportable déclin, même si ce moment est arrivé. Et qu’il est préférable de désigner un autre responsable, posant un acte qui porte le nom de déni.


Au cœur de la crise du capitalisme financier – leur bébé en quelque sorte – les Etats-Unis subissent avec le plus d’impact son contrecoup et ne savent plus comment faire face. Comment se résoudre à la fin du rêve américain se demandent de leur côté ceux qui y ont cru, en ont profité, et voudraient encore y placer leurs espoirs ? Ceux là sont installés dans un refus symétrique à celui de leurs dirigeants.


Que valent, dans ce contexte, les admonestations faites aux Chinois ? Que faudrait-il, en réalité, leur reprocher ? De continuer à emmagasiner des surplus commerciaux gigantesques ou de les avoir accumulés depuis des décennies ? Car il faudrait savoir ! Peut-on réécrire l’histoire et leur reprocher aujourd’hui d’avoir hier financé la dette américaine et contribué au fonctionnement d’un système désormais grippé ? Ou bien leur demander de renier ex abrupto et sans se soucier des conséquences les dieux longtemps présentés à leur adoration ?


Non, il pourrait par contre leur être reproché – ainsi qu’à tous les pays émergents – d’avoir cédé aux sirènes de la mondialisation financière et engagé leur pays dans un modèle de développement qui s’est révélé intenable. Non seulement au plan mondial, comme on le constate, mais également et de manière plus pernicieuse à l’intérieur de leurs propres frontières. Induisant un développement inégalitaire de la société et la coupant en deux, pour aller à l’essentiel, multipliant les désastres environnementaux ou en en préparant d’autres.


Tôt ou tard, il faudra en venir à une refonte du système monétaire international. Bien que cela soit une condition nécessaire mais pas suffisante pour sortir de la crise. Elle s’attaque aux conséquences d’un déséquilibre, qui n’est lui même que la conséquence d’un autre, laissé intact : la distribution inégale de la richesse.


Les Etats-Unis perdant à l’occasion de cette refonte leur statut privilégié, ils vont y faire le plus longtemps possible obstacle, ce qui règle d’une certaine manière le problème tant que cela durera ainsi ! La guerre monétaire a de beaux jours devant elle.


Cela n’empêche pas le discours sur le rééquilibrage global de s’appuyer sur une idée fausse, qui ne se réalisera pas. Un point de non retour a en effet été franchi, des dynamiques irrémédiables ont été enclenchées. Revenir sur le processus de la mondialisation financière est une vue de l’esprit, sauf à l’inscrire dans une toute autre logique.


Cherchant à s’adapter à la nouvelle donne, les investisseurs se précipitent vers les pays émergents. Ils voudraient continuer de s’y implanter afin de poursuivre ce qu’ils ont accompli dans les pays développés. Reproduisant un schéma similaire sur ces nouvelles terres vierges et prometteuses.


Mais les raids financiers déstabilisateurs qu’ils y mènent actuellement sont une menace pour leurs propres plans. Rééquilibrer le monde tel que les Américains l’entendent plongera ensuite dans la crise la Chine, leur financier principal, et leur imposera de réduire leur déficit plus qu’il ne leur permettra de relancer leur économie.


Il est loin le temps où les rapports entre les pays sous-développés et développés étaient régis par les lois d’un échange inégal entre matières premières achetées à bas prix et produits manufacturés vendus en retour à des tarifs élevés et inaccessibles pour le plus grand nombre. Le capitalisme financier a impulsé une autre division du travail, qui a aboutit à ce que les pays émergents deviennent les Z.I. (zones industrielles) des pays développés. Afin d’optimiser des deux côtés les rendements financiers. Un beau calcul qui a aujourd’hui tout faux.


Dans les pays développés, l’équilibre avait été maintenu grâce à la machinerie sophistiquée de la dette, finançant une part de plus en plus grande de la consommation, tandis que les gains de productivité était prioritairement affectés à la rétribution du capital. Si un équilibre a été rompu, c’est bien celui-là. C’est donc à lui qu’il est nécessaire de remédier. En application d’une idée élémentaire : la rétribution de l’argent et de ceux qui l’accaparent ne fondera pas la société de demain.


Dans les pays émergents, un très large secteur économique informel continue de se développer, indépendant de l’Etat, sa bureaucratie, ses taxes et pour une large part son filet de protection sociale et sanitaire. Il est à la fois l’héritage du passé et la conséquence du modèle de développement choisi. Ce dernier contribue à une énorme concentration de la richesse, au développement de couches moyennes, et au maintien du plus grand nombre dans une servitude qui ne dit pas son nom. C’est cela, le miracle actuel des pays émergents, rien d’autre. La pauvreté extrême peut reculer mais les inégalités croissent et la société à deux vitesses se cristallise.


Il y est aussi urgent de changer le mode de distribution inégalitaire de la richesse, ce qui suppose de changer de modèle de développement, induisant entre pays émergents et pays restant riches des rapports de coopération économique échappant à la logique financière. L’une des expressions les plus intolérables de cette dernière étant la spéculation sur les matières premières alimentaires, qu’accompagnent l’omniprésence de l’industrie agro-alimentaire et de ses exigences, prétendant contrôler toute la filière alimentaire, depuis les semences stériles vendues sous licence jusqu’à la grande distribution. Une mainmise qui vaut celle de l’industrie pharmaceutique.


Quand aux pays développés, au sommet d’une gloire non partagée et condamnée à être déchue, ayant poussé à bout un modèle qu’ils ne peuvent plus continuer à reproduire, ils n’ont d’autre ressource que d’également en inventer un autre. Ce qui impliquera d’inévitables mises en cause et refondations, dans la foulée d’une crise qui montre en creux le chemin. Exposant l’inanité de ce qui était auparavant présenté comme immuable, à commencer par l’abandon des dogmes d’une pensée économique désormais à reléguer dans les placards de l’histoire.


Ce fil là n’est pas le seul qui a commencé à être tiré. Quel sens va avoir le débat politique, s’il ne consiste pas à exposer et discuter de solides alternatives aux conséquences de la crise actuelle, celles que l’on connaît et celles que l’on pressent ? De quelle portée bénéficieront les manifestations de refus et de rejet du mouvement social si elles ne trouvent pas des relais sous forme de propositions construites, refusant les logiques fermées et arrangeantes auxquelles il faudrait se résigner ?


Il y a des paris qu’il faut tenir.





Billet rédigé par François Leclerc

 

Paul Jorion

pauljorion.com

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).


 

 

<< Previous article
Rate : Average note :3 (1 vote)
>> Next article
Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
Comments closed
Latest comment posted for this article
Be the first to comment
Add your comment
Top articles
World PM Newsflow
ALL
GOLD
SILVER
PGM & DIAMONDS
OIL & GAS
OTHER METALS
Take advantage of rising gold stocks
  • Subscribe to our weekly mining market briefing.
  • Receive our research reports on junior mining companies
    with the strongest potential
  • Free service, your email is safe
  • Limited offer, register now !
Go to website.