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Les moyens du bord

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Published : September 01st, 2011
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Category : Editorials

 

 

 

 

L’injonction de Christine Lagarde, directrice générale du FMI, à propos de la nécessaire recapitalisation des banques européennes, continue de susciter de violents remous, et les meilleurs esprits sont invités à expliquer tous azimuts que c’est hors de propos.


La palme revient incontestablement à Ariane Obolensky, directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF), qui fait référence aux stress tests écartant l’exposition à la dette souveraine pour justifier que les banques françaises n’ont aucun besoin d’être recapitalisées, tentant de faire porter le chapeau aux services du FMI et à leurs hypothèses de travail – selon elle catastrophiques – à propos de certains pays de la zone euro et du danger qu’ils fassent défaut précisément sur leur dette… On appréciera la rigueur du raisonnement.


Les regards se tournent vers ceux qui sont censés, selon Laurence Parisot, la présidente de l’organisation patronale française (Medef), avoir déclenché ce « tam-tam très organisé » à propos d’une « déclaration tout à fait incompréhensible » : les damnés anglo-saxons, ennemis héréditaires du moment.


Outre-Manche, John Cridland, le directeur de la confédération patronale britannique, n’est pourtant pas avare de commentaires sur un autre sujet sur lequel les banques manifestent une grande sensibilité : la séparation de leurs activités de détail (dépôt) et d’investissement. « C’est complètement dingue » s’est-il exclamé dans les colonnes du Financial Times à propos des résultats de la commission dirigée par l’économiste John Vickers à la demande de George Osborne, le ministre britannique des finances, qui doit rendre ses conclusions le 12 septembre prochain.


Reprenant à son compte le chantage habituel de l’association des banques britanniques (BBA), John Cridland a ajouté : « nous ne voulons pas obliger certaines des entreprises d’envergure mondiale qui nous restent à s’éloigner du Royaume-Uni parce que des règles ont été établies unilatéralement dans ce pays ». En pointe sur ce dossier, Vincent Cable, secrétaire britannique libéral démocrate, a de son côté accusé dans le Times les banques de créer « un mouvement de panique » à propos de cette réforme afin de l’empêcher.


Les banques sont décidément à nouveau sur la sellette en raison également de Bâle III, dont elles continuent de tenter d’adoucir les dispositions, notamment en ce qui concerne celles ayant trait aux banques plus particulièrement systémiques, dont la liste sera un secret de polichinelle de plus. Un jeu pourrait à ce propos être lancé afin d’en trouver une qui, à sa mesure, ne le soit pas.


Tout est tenté pour que, là encore, le spectre de la recapitalisation pure et dure soit écarté au profit de montages financiers plus accommodants, en ouvrant la gamme des obligations de tous ordres qui permettent de ne pas faire appel aux actionnaires, ni de les diluer en ouvrant le capital à d’autres.


Patrick Arthus, directeur des études et des recherches de Natixis, se fait l’écho de ces préoccupations dans La Tribune et réclame des régulateurs et de la commission qu’ils fassent « preuve d’imagination ». Il s’y exerce lui-même en proposant d’étendre le champ des obligations sécurisées et revient sans y toucher et les nommer sur les obligations hybrides, les fameuses CoCos, pour proposer l’utilisation des « vraies liquidités » que représenteraient les engagements d’investisseurs institutionnels à acheter des obligations des banques à la demande de celles-ci et en cas de besoin. On consolide les banques avec les moyens du bord !


On revient donc à la case départ, c’est à dire à la régulation des banques. Et l’on peut lire dans de nombreuses colonnes la défense et illustration de la thèse selon laquelle l’unique danger actuel est celui d’une crise de liquidité, face à laquelle les banques centrales ont heureusement les moyens de réagir en les prêtant aux banques sans limitation de montant et à un très faible taux.


Car au spectre de la recapitalisation correspond celui de la crise de solvabilité, rejeté catégoriquement en raison de ses implications. En réalité, ce sont à la fois les États et les établissements financiers qui font face à ce même danger d’insolvabilité, les plus faibles ayant déjà succombé. À cette échelle, il n’est pas observé autre chose que ce que l’on a déjà constaté lors la crise dite « des subprimes », quand le crédit hypothécaire a coulé à flot et sans discernement et que les débiteurs se sont révélés insolvables.


La Grande perdition est une crise d’insolvabilité à très grande échelle, à la dimension de la bulle financière qui a au fil des années enflé dans le cadre d’une activité financière frénétique. Si des contradictions commencent à apparaître parmi les défenseurs d’un système qui est en train de perdre pied, n’est-ce pas le signe qu’ils ne savent plus à quel saint se vouer ?


 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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