L’injonction
de Christine Lagarde, directrice générale du FMI, à
propos de la nécessaire recapitalisation des banques
européennes, continue de susciter de violents remous, et les meilleurs
esprits sont invités à expliquer tous azimuts que c’est
hors de propos.
La
palme revient incontestablement à Ariane Obolensky,
directrice générale de la Fédération bancaire
française (FBF), qui fait référence aux stress tests
écartant l’exposition à la dette souveraine pour
justifier que les banques françaises n’ont aucun besoin
d’être recapitalisées, tentant de faire porter le chapeau
aux services du FMI et à leurs hypothèses de travail –
selon elle catastrophiques – à propos de certains pays de la
zone euro et du danger qu’ils fassent défaut
précisément sur leur dette… On appréciera la
rigueur du raisonnement.
Les
regards se tournent vers ceux qui sont censés, selon Laurence Parisot, la présidente de l’organisation
patronale française (Medef), avoir déclenché ce
« tam-tam très organisé » à
propos d’une « déclaration tout à fait
incompréhensible » : les damnés anglo-saxons,
ennemis héréditaires du moment.
Outre-Manche,
John Cridland, le directeur de la
confédération patronale britannique, n’est pourtant pas
avare de commentaires sur un autre sujet sur lequel les banques manifestent
une grande sensibilité : la séparation de leurs
activités de détail (dépôt) et
d’investissement. « C’est complètement
dingue » s’est-il exclamé dans les colonnes du
Financial Times à propos des résultats de la commission dirigée
par l’économiste John Vickers à la demande de George
Osborne, le ministre britannique des finances, qui doit rendre ses
conclusions le 12 septembre prochain.
Reprenant
à son compte le chantage habituel de l’association des banques
britanniques (BBA), John Cridland a
ajouté : « nous ne voulons pas obliger certaines des
entreprises d’envergure mondiale qui nous restent à
s’éloigner du Royaume-Uni parce que des règles ont
été établies unilatéralement dans ce
pays ». En pointe sur ce dossier, Vincent Cable,
secrétaire britannique libéral démocrate, a de son
côté accusé dans le Times les banques de créer
« un mouvement de panique » à propos de cette
réforme afin de l’empêcher.
Les
banques sont décidément à nouveau sur la sellette en
raison également de Bâle III, dont elles continuent de tenter
d’adoucir les dispositions, notamment en ce qui concerne celles ayant
trait aux banques plus particulièrement systémiques,
dont la liste sera un secret de polichinelle de plus. Un jeu pourrait
à ce propos être lancé afin d’en trouver une qui,
à sa mesure, ne le soit pas.
Tout
est tenté pour que, là encore, le spectre de la
recapitalisation pure et dure soit écarté au profit de montages
financiers plus accommodants, en ouvrant la gamme des obligations de tous
ordres qui permettent de ne pas faire appel aux actionnaires, ni de les
diluer en ouvrant le capital à d’autres.
Patrick
Arthus, directeur des études et des recherches de Natixis,
se fait l’écho de ces préoccupations dans La Tribune
et réclame des régulateurs et de la commission qu’ils
fassent « preuve d’imagination ». Il s’y exerce
lui-même en proposant d’étendre le champ des obligations
sécurisées et revient sans y toucher et les nommer sur les
obligations hybrides, les fameuses CoCos, pour
proposer l’utilisation des « vraies
liquidités » que représenteraient les engagements
d’investisseurs institutionnels à acheter des obligations des
banques à la demande de celles-ci et en cas de besoin. On consolide
les banques avec les moyens du bord !
On
revient donc à la case départ, c’est à dire
à la régulation des banques. Et l’on peut lire dans de
nombreuses colonnes la défense et illustration de la thèse
selon laquelle l’unique danger actuel est celui d’une crise de liquidité,
face à laquelle les banques centrales ont heureusement les moyens de
réagir en les prêtant aux banques sans limitation de montant et
à un très faible taux.
Car
au spectre de la recapitalisation correspond celui de la crise de
solvabilité, rejeté catégoriquement en raison de ses
implications. En réalité, ce sont à la fois les
États et les établissements financiers qui font face à
ce même danger d’insolvabilité, les plus faibles ayant
déjà succombé. À cette échelle, il n’est
pas observé autre chose que ce que l’on a déjà
constaté lors la crise dite « des subprimes »,
quand le crédit hypothécaire a coulé à flot et
sans discernement et que les débiteurs se sont
révélés insolvables.
La
Grande perdition est une crise
d’insolvabilité à très grande échelle,
à la dimension de la bulle financière qui a au fil des
années enflé dans le cadre d’une activité
financière frénétique. Si des contradictions commencent
à apparaître parmi les défenseurs d’un
système qui est en train de perdre pied, n’est-ce pas le signe
qu’ils ne savent plus à quel saint se vouer ?
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