Une guerre des
prix sur les panneaux voltaïques produits en Chine se joue actuellement
entre autorités européennes et chinoises. Les premières
menacent d’augmenter les prix à l’importation pour
protéger les entreprises européennes et les seconds veulent riposter
en imposant des tarifs douaniers plus importants sur les
produits d’origine européenne comme le vin français ou
les voitures allemandes. De fait, on peut se poser la question de savoir comment
les entreprises chinoises arrivent-elles à être aussi
compétitives sur ce marché. Cela permettra de mieux comprendre le
débat sur les taxes douanières.
Deux
explications raisonnables peuvent être rapidement
décelées : d’une part, du côté de la
production, et d’autre part, du côté de la demande.
Malgré des
coûts de production notoirement plus faibles en Chine que dans
l’Union européenne, il s’avère que la production
des panneaux solaires n’est pas vraiment plus rentable pour les chinois
qu’elle ne l’est pour les entreprises européennes. Les
unes comme les autres ont systématiquement fait faillite. Ainsi, en
2012, environ 200
entreprises chinoise opérant dans le domaine de
l’énergie photovoltaïque ont fait faillite ou ont
été fusionnées. Pour prendre un seul exemple, le leader chinois
mondial Suntec a fait deux fois défaut au
cours des deux dernières années et, dans des conditions
normales de marché, cette entreprise devrait déjà
appartenir au passé. Mais contrairement aux gouvernements
européens, qui dans les tourbillons de la crise de la dette publique
ont simplement abandonné les aides à la production du
voltaïque, le gouvernement chinois, à travers un système
complexe d’aides, a permis à la ville de Wu-Xi
de renflouer
Suntec pour payer ses dettes d’environ
541 million de dollars, après l’avoir déjà renfloué
l’année dernière à hauteur de 31,6 million de
dollars.
Quel est
l’intérêt du gouvernement chinois de renflouer à
tout prix cette industrie, malgré ses nombreux défauts ?
Certes, puisque les représentants publics chinois ne sont pas
directement propriétaires des moyens de production, leurs
décisions ne reflètent pas forcement des véritables
opportunités d’affaires. Toutefois, même si le
gouvernement chinois n’agit pas d’une manière
entrepreneuriale, il est encouragé à soutenir ce secteur
d’activité du fait d’une demande croissante. Et ironie de
l’histoire, cette demande croissante pour l’énergie
photovoltaïque est stimulée en partie par des gouvernements
occidentaux, sous pression des nombreuses Organisations non gouvernementales
(ONG) écologistes.
En réaction
aux critiques sur les émissions des gazes à effet de serre dont
la Chine fait l’objet, les autorités y ont explicitement mentionné
dans leur 12ème
plan quinquennal de mars 2011 leur objectif de réduire leur empreinte
carbone et d’augmenter la production des ressources renouvelables. Ceci
est d’autant plus opportun pour la Chine que la demande
d’énergie photovoltaïque venant de l’Union
Européenne augmente. En effet, la plupart des pays, même s’ils
ont pour certains renoncé à subventionner la production
photovoltaïque, continue à en subventionner la consommation ou au
moins à la détaxer pour la rendre plus compétitive par
rapport aux sources d’énergie conventionnelles.
L’Italie
par exemple, en application de sa cinquième loi sur
l’énergie, Quinto Conto Energia, a publié
le décret du 5 juillet 2012. Il diminue les taxes sur
l’énergie photovoltaïque et augmente le plafond des
subventions pour les consommateurs. On trouve une situation similaire en Allemagne
où, dès 2000, la loi sur les ressources d’énergie
renouvelable “Erneuerbare Energien Gesetz
” (EEG) propose des tarifs de
rachat majorés (feed-in-tariffs)
de l’électricité générée à partir
de sources renouvelables.
En France
enfin, les conseils régionaux et généraux, les communes
et l’ANAH (L’Agence nationale de l’habitat) accordent des
« aides solaires » en complément du
crédit d’impôt à l’installation de panneaux
photovoltaïques. La loi du 10 février 2000 a en outre instauré
le principe de l’obligation d’achat par
l’Electricité de France. Le
kilowattheure d'électricité photovoltaïque est vendu par
le producteur à un tarif très avantageux, fixé par l'État
et revu chaque trimestre en fonction du nombre de demandes de raccordement
effectuées. À cela s’ajoute une prime
d’intégration des modules solaires (panneaux, ardoises ou tuiles
solaires) en remplacement des éléments de construction du
bâti.
La plupart
des pays européens continuent donc à leur façon de subventionner
ou du moins de favoriser l’installation par des particuliers ou par des
entreprises de panneaux solaires, ce qui stimule le marché de la
production des panneaux solaires, voire le garantit, encourageant ainsi le
gouvernement chinois à subventionner à son tour leur
production.
Ainsi
l’on comprend mieux le problème actuel du bas prix des panneaux
solaires. Il est en fin compte
provoqué par les politiques européennes qui favorisent
l’achat de l’énergie solaire. Lorsque la plupart des
gouvernements ont renoncé à subventionner la production, ils
ont continué à favoriser l’achat de
l’énergie solaire, ce qui encourage la Chine à vendre
à des prix bas leurs propres panneaux photovoltaïques dans
l’Union européenne.
La guerre
des prix des panneaux solaires n’est donc finalement qu’une
guerre des subventions, car il s’agit de subventions européennes
favorisant l’achat de panneaux solaires eux-mêmes
subventionnés par le gouvernement chinois.
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