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Schizophrénie
politicienne ? Après avoir fustigé les entrepreneurs et
les avoir traités de fraudeurs, les politiciens belges ont
aujourd’hui changé de refrain. Les PME, proclament-ils, sont
l’avenir de l’économie. Un avenir que le gouvernement
semble prendre soin d’étouffer dans l’œuf.
Depuis la
formation du gouvernement Di Rupo, en décembre dernier, les
contribuables belges subissent une hausse généralisée de
la fiscalité. Se retrouvent notamment en ligne de mire les
travailleurs indépendants et les petits entrepreneurs. Mais la fiscalité
alourdie n’est pas leur seul souci : accusés –
à tort - de se livrer massivement à la fraude fiscale, ils sont
aussi régulièrement cloués au pilori et livrés
à la vindicte populaire. Aujourd’hui, certains politiciens
changent de ton et se mettent à chanter
les louanges des PME.
Enfonceurs de portes ouvertes ?
Désormais,
les PME sont vues comme le salut de l’économie :
créatrices d’emploi, vecteurs de croissance, elles sont
parées de toutes les vertus. Un discours qui surprend par son
anachronisme, car quiconque s’intéresse quelque peu à
l’économie des pays développés sait que les PME
forment l’essentiel du tissu économique. En Belgique, elles
offrent près de la moitié des emplois
du Royaume (voir le sixième tableau dans la page en lien). Malgré
ce rôle essentiel, c’est aussi aujourd’hui la
catégorie d’entreprise qui subit le plus la
pression fiscale: en Belgique, plus de la moitié des
bénéfices des PME atterrissent dans les caisses de l’État.
En cause : non seulement la fiscalité directe (le taux
« préférentiel » dont jouissent les PME
n’a aucun
effet en pratique), mais aussi une myriade de petits impôts et une
parafiscalité écrasante.
Le poids des impôts, le choc des
fonctionnaires
Mais ce
n’est hélas pas tout. Les obligations administratives auxquelles
l’État soumet les PME pèsent elles-mêmes lourdement
sur leurs résultats, ainsi que le démontrent les derniers
résultats de l’étude bisannuelle sur les charges
administratives des entreprises menée par le Bureau du Plan (si si, en Belgique on a toujours un Bureau du Plan). Si vous
envisagez de lire ce rapport, accrochez-vous bien à votre
siège. On y apprend ainsi dès les premières pages
qu’en 2010, les quelque 200 000 entreprises belges ont collectivement
consacré plus de 5 milliards
d’euros à l’accomplissement de leurs obligations
administratives, soit 1,43% du Produit intérieur brut du pays (PIB) !
Quant aux indépendants qui exercent seuls (ils sont plus de 400 000
dans le pays), ils ont pour leur part consacré un budget de 1,28 milliards d’euros à
ces mêmes obligations administratives, soit 0,36% du PIB. Mais ce
n’est pas tout : ce sont les plus petites entreprises, celles qui
emploient de 1 à 9 travailleurs, qui supportent l’essentiel de
ces charges : 50,7% du coût total. Les grandes entreprises,
à l’inverse, n’en supportent que 9,7%. Les plus grandes
créatrices d’emploi sont donc non seulement les plus
taxées, mais aussi les plus atteintes par les charges administratives.
Mais le pire n’est pas là.
L’emploi, cause majeure de
dépenses administratives
Les PME, dont
les politiciens soulignent aujourd’hui le rôle essentiel dans la
création d’emploi, sont également celles qui paient le
plus de charges administratives lorsqu’on rapporte ces dernières
au nombre de travailleurs. Les entreprises de moins de 10 travailleurs font
face à un coût total moyen par employé de près de
6 000 euros par an, alors qu’il n’est que de 500 euros par an
pour les grandes entreprises. Lorsque ce coût est calculé par
heure prestées, l’écart est encore plus
impressionnant : le montant des charges administratives entraine pour
les petites entreprises un surcoût horaire de 3,29 euros, alors
qu’il n’est que de 0,34 euros pour les grandes entreprises.
Coût alourdi en dépit de
la crise
L’enquête
publiée, rappelons-le, a été effectuée en 2010,
soit deux ans après le début de la crise financière qui
a plongé l’économie mondiale dans le désarroi. Vu
la situation, il aurait été logique que les autorités
fassent tout pour alléger les charges qu’elles font peser sur
des entreprises déjà mises sous pression par la conjoncture.
Pourtant, il n’en a rien été : la majorité
des entreprises estiment que leurs charges administratives ont fortement
augmenté entre 2008 et 2010. Même constat du côté
des indépendants, qui sont encore plus nombreux à se plaindre
d’une telle hausse.
Où est la logique ?
Que certains politiciens,
après des mois de propagande anti-fraudeurs, reviennent
aujourd’hui à la raison et reconnaissent aujourd’hui le
rôle essentiel des PME dans l’économie n’est que
justice. Mais cela ne changera rien à l’enfer fiscal et
parafiscal que ces dernières vivent au quotidien. Que cet enfer soit
en outre rendu encore plus insupportable par des obligations administratives
dont le coût est particulièrement élevé pour les
plus petites PME est en outre très préoccupant. La situation
économique est déjà suffisamment inquiétante pour
qu’en plus le gouvernement se mêle de la rendre encore plus
insupportable. À quand un retour à la raison ?
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